John Walker Lindh, le « taliban américain » a été libéré de la prison de Terre Haute dans l’Indiana, le 23 mai. / BRYAN WOOLSTON / REUTERS

Le « taliban américain » John Walker Lindh a été libéré, jeudi 23 mai, après dix-sept ans passés en prison pour avoir combattu aux côtés des insurgés en Afghanistan. Agé aujourd’hui de 38 ans, il a quitté la prison de Terre Haute dans l’Indiana tôt dans la matinée, ont précisé le Washington Post et CNN, citant son avocat, Bill Cummings.

Toujours soupçonné de prôner des idées extrémistes, il doit s’installer en Virginie, où il sera placé sous un régime de liberté conditionnelle très strict, a indiqué M. Cummings. Ses activités sur internet seront notamment surveillées en permanence; il ne pourra pas communiquer en ligne dans une autre langue que l’anglais sans permission, et ne pourra pas entrer en contact avec des extrémistes ou consulter « des contenus véhiculant extrémisme ou opinions terroristes ». Il ne pourra pas non plus voyager à l’étranger sans autorisation d’un juge, alors qu’il a obtenu en 2013 la nationalité irlandaise.

« Il menace toujours les Etats-Unis d’Amérique »

Sa libération est « inexplicable et dépasse l’entendement », a réagi dans la foulée le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo. « D’après ce que je comprends, il menace toujours les Etats-Unis d’Amérique et il croit toujours au djihad qu’il a mené et qui a tué un grand Américain et un grand officier », l’agent d’élite de la CIA Johnny Spann, a regretté le secrétaire d’Etat sur la chaîne Fox News. « Il y a quelque chose de profondément troublant et de mal là-dedans. »

John Walker Lindh avait été capturé fin 2001 lors de l’offensive militaire américaine en Afghanistan. Après sa capture, il avait été détenu avec d’autres talibans dans une prison près de Mazar-i-Sharif, dans le nord du pays. Le jeune homme avait alors été interrogé par Johnny Spann, qui avait été tué peu après lors d’une émeute de prisonniers, devenant le premier Américain mort dans la « guerre contre le terrorisme » lancée par George W. Bush.

Blessé lors de l’émeute, John Walker Lindh avait été renvoyé aux Etats-Unis pour y être jugé et avait été condamné à vingt ans de prison en octobre 2002. Il avait plaidé coupable d’avoir « rendu des services aux talibans » et combattu aux côtés des insurgés, tout en assurant n’avoir pas pris les armes contre son propre pays. Converti à l’islam, il avait admis avoir fait « une erreur » en rejoignant les combattants islamistes et condamné « sans ambiguïtés » le terrorisme lors de son procès.

« J’ai dirigé la CIA. Johnny Micheal Spann était l’un des nôtres, un homme incroyablement intègre et courageux », a ajouté Mike Pompeo. « Maintenant, nous autorisons la sortie de prison de quelqu’un qui était impliqué dans sa mort après une peine relativement courte », a-t-il protesté, appelant à « revoir tout ça ».

« Comme une gifle »

Deux jours avant la sortie du « taliban américain » de prison, la fille de Johnny Spann, Allison Spann, avait, elle, écrit une lettre au président Donald Trump, lui demandant de « bloquer la libération anticipée de John Walker Lindh », qu’elle qualifie de « traître ».

« Je ressens cette libération anticipée comme une gifle – non seulement pour mon père et ma famille, mais pour chaque personne tuée le 11-Septembre, leurs familles, l’armée américaine, les services secrets américains, les familles qui ont perdu des êtres chers dans cette guerre et les millions de musulmans dans le monde qui ne soutiennent pas les extrémistes radicaux. »

En 2017, la revue Foreign Policy avait cité un rapport du Centre national antiterroriste affirmant qu’en mars 2016 John Walker Lindh « continuait à prôner la guerre sainte mondiale et écrire ainsi que traduire des textes extrémistes violents ».

Selon Alexander Meleagrou-Hitchens, spécialiste de l’extrémisme à l’université George Washington, il s’est rapproché d’Ahmad Musa Jibril, un prédicateur salafiste qui avait été incarcéré plusieurs années à Terre Haute.La chaîne NBC a aussi révélé, mercredi soir, le contenu d’une lettre écrite par John Walker Lindh en février 2015, dans laquelle il affirmait que le groupe Etat islamique faisait un « travail incroyable ».