Rudi Garcia, en janvier à Marseille. / Claude Paris / AP

Le mistral est calme, mais un vent souffle quand même sur la cité phocéenne. En pleine tempête à la suite du départ annoncé de son entraîneur Rudi Garcia, l’Olympique de Marseille va disputer son dernier match de la saison en championnat face à Montpellier, vendredi 24 mai au Stade-Vélodrome, épilogue d’une saison cauchemardesque. Eliminé en phase de poules de la Ligue Europa dans un groupe pourtant abordable, sorti par Andrezieux, club de Nationale 2, en Coupe de France, puis par Strasbourg en huitièmes de finale de la Coupe de la Ligue, l’OM ne peut espérer, au mieux, que doubler son adversaire du soir pour prendre la cinquième place de Ligue 1.

Les Marseillais savent qu’ils ne disputeront pas de compétition européenne la saison prochaine. Une situation inimaginable à l’aune de l’ambitieuse feuille de route présentée, en 2016, par le propriétaire américain Frank McCourt, au moment du rachat de l’OM.

D’autant que l’OM a atteint, en mai 2018, la finale de la Ligue Europa, perdue (3-0) face à l’Atlético Madrid d’Antoine Griezmann. Le recrutement manqué du grand attaquant tant attendu lors du mercato estival avait jeté une première ombre, mais rien ne laissait présager une telle dégringolade. « L’équipe a vécu une saison exceptionnelle l’an passé. Mais un certain nombre de joueurs n’a pas digéré le parcours européen et s’est reposé sur ses lauriers, explique-t-on en interne. Il y a eu un sentiment de relâchement mais qui n’avait pas de raison d’être. »

« L’erreur a été de faire n’importe quoi avec l’argent du propriétaire »

Tout le monde se projette désormais sur la saison prochaine et les grandes manœuvres ont déjà commencé. L’entraîneur Rudi Garcia, dont le maintien à la tête de l’équipe était devenu intenable, a confirmé mercredi qu’il quitterait le navire à l’issue de cet exercice raté. « Ce départ découle d’une décision mutuelle », dit-on au club, en précisant que le président de l’OM, Jacques-Henri Eyraud, n’avait jamais envisagé de se séparer du technicien en cours de saison. « Depuis 2000, il y a eu 24 staffs techniques à l’OM et la durée de moyenne d’un entraîneur a été de 9,5 mois. » S’il prône la « stabilité », le propriétaire « tire des conclusions quand la performance sportive n’est pas au rendez-vous. » L’heure était donc venue d’ouvrir « un nouveau cycle ».

Si un « fusible » vient de sauter, le président de l’OM, Jacques-Henri Eyraud, se retrouve désormais en première ligne. « L’erreur a été tout simplement de faire n’importe quoi avec l’argent du propriétaire qui a tenu, lui, ses engagements, charge un agent proche du club, qui ne fait pourtant pas partie des intermédiaires blacklistés par les dirigeants de l’OM, soucieux de faire le ménage depuis le rachat du club par M. McCourt. Les investissements consentis sur les joueurs aussi bien en termes de transferts que de salaires depuis le départ sont tout simplement du grand n’importe quoi. »

Eyraud et McCourt « main dans la main »

Critiqué pour ses choix sportifs, notamment la décision de prolonger Rudi Garcia en cours de saison, les (très) gros salaires octroyés à des joueurs trentenaires, ou sa communication parfois bancale et mal comprise par les supporteurs, « JHE » fait front. Il sait que ses prochaines décisions seront étroitement surveillées et commentées. Le président de l’OM n’est toutefois pas menacé. « M. McCourt continue de travailler main dans la main avec M. Eyraud. Ils réfléchissent ensemble aux axes pour la prochaine saison », confirme-t-on dans l’entourage du propriétaire.

La perte nette qui découle de la non-qualification pour une Coupe d’Europe est estimée autour de 40 millions d’euros par le club. Le fair-play financier va pousser l’OM à être restrictif sur la masse salariale, mais plusieurs joueurs avec un contrat doré (le gardien Steve Mandanda et le milieu Dimitri Payet notamment) ont déjà fait part de leur intention de rester dans la cité phocéenne la saison prochaine.

« Aujourd’hui, M. Eyraud peut clamer à qui veut l’entendre qu’il va dégraisser et se séparer des gros salaires pour trouver un équilibre financier mais qui va prendre à sa charge les salaires des Rami, Strootman, Payet et autres ? Personne ! La situation est à mon sens totalement inextricable », poursuit l’agent de joueurs.

Pour l’heure, seuls Hubocan et Abdennour, tous deux en fin de contrat, sont assurés de quitter l’OM en fin de saison. Le club pourrait également céder un ou plusieurs joueurs à forte valeur marchande (Sanson, Kamara ou Thauvin). Mais il faudra aussi recruter, et la marge de manœuvre de l’OM semble limitée. « Les investissements vont se poursuivre, affirme-t-on au club. On va recruter, on aura une enveloppe significative », sans préciser le montant de ladite enveloppe.

Le grand ménage n’aura sans doute pas lieu

Didier Poulmaire, avocat et ancien conseiller de Yoann Gourcuff et de Laure Manaudou, qui a joué un rôle majeur dans l’arrivée de Frank McCourt à l’OM puis dans la mise en place du projet, ne « partage pas la dramaturgie et le pessimisme » qu’il y a autour de l’OM. « Je sais d’où vient le club et jusqu’où il peut aller. »

Aujourd’hui en disgrâce (il invoquait, dans un entretien accordé à L’Equipe en janvier, un litige avec le fils McCourt concernant une transaction immobilière, alors que le club avance une volonté de l’avocat de prendre des commissions comme acheteur et vendeur sur des transferts de joueurs), il livre pourtant une analyse proche de celle de la direction de l’OM : « un club est comme une entreprise. Il faut inscrire les choses dans la durée et ne pas juger sous le seul prisme des résultats sportifs. »

De son côté, l’entourage de M. McCourt précise que M. Poulmaire « n’a plus aucun mandat et n’est plus impliqué en rien au sein du club. » « Il n’a donc aucune légitimité à parler du club, [avec lequel] il n’a plus rien à voir de près ou de loin, et ne peut pas apporter un regard objectif. »

Le grand ménage dans l’organigramme du club n’aura donc, a priori, pas lieu. Andoni Zubizaretta, le directeur sportif un temps annoncé du côté d’Arsenal, a été conforté dans ses fonctions pour la saison prochaine. L’Espagnol avait régulièrement été mis de côté depuis son arrivée à l’OM face à un Rudi Garcia omnipotent. Il aura peut-être un rôle accru à jouer la saison prochaine.

Le choix du nouvel entraîneur devrait intervenir rapidement pour « que la période de transition soit la plus courte possible. » Les noms de l’Argentin Gabriel Heinze, ancien joueur du club, actuellement coach du Velez Sarfield, ou de l’Espagnol Rafael Benitez, en poste à Newcastle, ont été récemment évoqués dans la presse. Il faudra dans tous les cas renouer le lien distendu avec les supporteurs.

« On sait que le public est dans la passion, il ne faut pas s’attendre à des jugements toujours posés et rationnels, avance Poulmaire, dont le projet initial était d’associer les supporteurs à la marche du club. Ils sont capables de vous descendre aussi bas que de vous porter tout en haut. » Accompagnant, à leur corps défendant, les montagnes russes émotionnelles offertes par l’OM d’une saison à l’autre.