Ian Brossat avait lancé sa campagne européenne le mardi 5 février à Marseille, tête de liste inconnue de la plupart des militants et sympathisants communistes venus alors le découvrir. Il l’a fini ce vendredi 24 mai à Martigues, toujours dans les Bouches-du-Rhône, adoubé par les siens comme une figure de leur parti et une potentielle locomotive pour les années à venir.
La sono n’est pas encore allumée, aucun animateur n’a pris le temps de chauffer les près de 900 personnes qui remplissent les lieux, quand des applaudissements démarrent au fond du vieux gymnase des Salins. « Ian », comme tous les militants l’appellent désormais, vient de faire son entrée dans cette salle plantée tout près des canaux qui mènent à la Méditerranée. Et son parcours jusqu’à la tribune où il doit tenir l’ultime meeting d’un marathon de quatre mois, tourne soudain à la standing-ovation.

Les derniers sondages sont loin de garantir au parti communiste de franchir la barre des 5 % des voix et d’obtenir des députés européens. La liste menée par Ian Brossat est même retombée, dans l’étude Ipsos-Sopra Steria publiée le jour même, à 2,5 % des intentions de vote, après avoir touché au mieux les 4 %. Mais la perspective d’un échec électoral – auquel personne ne veut se résoudre ici – n’entame pas l’élan né d’une campagne qui a requinqué les militants.

« Fierté retrouvée »

« Il y a une fierté retrouvée d’avoir enfin un bon candidat. Avec Fabien Roussel [secrétaire national du PCF], Ian redonne du peps et des couleurs au parti » assure Francis Fournier, responsable national de la fédération des postiers communistes, 68 ans « dont 45 de militantisme ». « Entre le contenu de nos idées et le contenant, il n’y a plus d’écart » apprécie Christian Pellicani, élu métropolitain marseillais venu en voisin.

Septième de la liste communiste, le cancérologue Anthony Gonçalves reconnaît qu’il ne s’attendait pas « à ce que Ian soit aussi charismatique ». « Il a porté nos idées comme peu de têtes de listes avant lui et a eu un effet sur toute la campagne » estime-t-il, citant en exemple la disparition du « concept nauséabond de la gauche anti-migrants ». « Cela doit beaucoup à sa justesse et sa fermeté pour affirmer que nous assumons l’accueil fraternel et solidaire des migrants. Il a rendu un grand service à toute la gauche à ce niveau-là » détaille le médecin.

Dans le gymnase martégal, l’unanimité pour dire que le choix du candidat a été le bon n’élude pas les questions fondamentales. La campagne a-t-elle touché au-delà des militants communistes et se traduira-t-elle dans les votes ? A la tribune, cinq jours après le meeting de Denain (Nord) où il avait enjoint les militants à « se mobiliser à plein », Ian Brossat y croit toujours. « C’est à portée de main, il ne nous faudrait que 150 000 voix de plus que ce que nous avons obtenu aux législatives » calcule-t-il.

« Le drame, ce serait qu’on finisse à 4,7 % » concède, inquiet, l’ex-postier Francis Fournier. « Il y a un gap entre ce que donnent les sondages et ce que l’on ressent sur le terrain » veut se convaincre la colistière Patricia Téjas. « Même si le résultat ne s’avère pas à la hauteur de ce que nous espérons, nous aurons montré ce que peut être un PC au XXIe siècle » estime, de son côté, Anthony Gonçalves.

Stone et Charden

Le 5 février, les gilets jaunes étaient nombreux au meeting de Marseille. A Martigues, près de quatre mois plus tard, on n’en voit plus guère. Le rouge, qui ornera le bulletin communiste, a repris ses droits et les intervenants, du maire de Martigues Gaby Charroux au député Pierre Dharréville, sont tous membres du parti. Seule invitée surprise, la lanceuse d’alerte Hellia Kherief, aide-soignante qui a dénoncé les maltraitances dans les Ephad, vient affirmer qu’elle votera Brossat, « parce qu'[elle est] complètement d’accord avec les valeurs qu’il représente ». « L’Europe des gens contre l’Europe de l’argent, c’est pour cela que je me bats au quotidien » affirme-t-elle sous les applaudissements.

Sur cette terre favorable où les communistes tiennent la mairie depuis plusieurs décennies, Ian Brossat brasse une dernière fois ses thèmes de campagne et porte ses ultimes coups contre les têtes de listes LRM et RN qui font la course en tête. « On essaie de nous faire croire que le seul choix serait entre l’extrême droite d’un côté et les libéraux de l’autre, ressasse-t-il. Un choix entre les libéraux et les fachos (…) Loiseau et Bardella, c’est Stone et Charden. Nous méritons mieux. Encore que Stone et Charden ne faisaient de mal à personne » ironise l’adjoint à la mairie de Paris.

Si la tête de liste communiste appelle à un « vote utile » à gauche, il se garde de jeter de l’huile sur le feu qui couve avec la France insoumise. « Il y a encore beaucoup d’indécis qu’il faut les convaincre avec une idée simple. Leur bulletin de vote peut permettre au PC de franchir la barre des 5 %. Et cela fera cinq ou six députés de moins pour Macron et pour Le Pen » assure-t-il.
A Martigues, en cette fin de campagne qui a redonné du dynamisme au PC, la perspective de l’après-européennes et la nécessité de retrouver une gauche plus unie sont dans toutes les têtes. « Au lendemain du 26 mai, on reconstruira », promet déjà Ian Brossat.