En France, le nombre de licenciées ne cesse d’augmenter. Elles sont plus de 179 000 sur les 2,2 millions que compte la Fédération française de football. Un chiffre qui a plus que doublé depuis 2001 et la demi-finale des Bleues en Coupe du monde. / FRANCK FIFE / AFP

Des footballeuses américaines, triples championnes du monde, qui attaquent leur fédération en justice pour réclamer l’égalité salariale. Un clip vidéo remarqué des Allemandes, qui dénonce les préjugés quelques semaines avant la Coupe du monde féminine en France. La première joueuse Ballon d’or de l’histoire, Ada Hegerberg, absente du Mondial parce qu’elle reproche à sa fédération un manque de respect pour les joueuses. Les signes sont là. Et si 2019 était l’année pour mettre sur la table la question de l’égalité hommes-femmes dans le football une fois pour toutes ?

C’est le pari du festival Foot d’Elles, lancé par l’association du même nom, qui propose pendant le Mondial des ciné-débats dans toutes les villes hôtes : Paris, Lyon, Grenoble, Valenciennes, Reims, Rennes, Le Havre, Montpellier et Nice. Au programme, quinze films et documentaires sur le sujet, des débats et des activités sportives qui auront lieu en pleine messe du football. L’occasion rêvée de faire le point sur la pratique de ce sport par les femmes.

En France, le nombre de licenciées ne cesse d’augmenter. Elles sont plus de 179 000 sur les 2,2 millions que compte la Fédération française de football en 2019. Un chiffre qui a plus que doublé depuis le beau parcours des Bleues jusqu’en demi-finale de la Coupe du monde 2011.

Mais l’écart entre femmes et hommes reste immense en ce qui concerne les salaires, les primes de match pour les professionnelles, ou encore les subventions et le temps accordé aux filles pour s’entraîner au niveau local.

« L’idée est de porter le football dans des mondes plus éloignés du foot ou qui pensent le foot comme un sport masculin », explique Marianne Gazeau, présidente de Foot d’Elles, qui a proposé ce festival. En misant sur un public jeune, mais aussi sur des personnes exclues socialement dans les quartiers populaires, les zones rurales, ou encore les seniors, le festival pose ses valises dans des cinémas, des maisons de quartier et des maisons des femmes.

Des films sur l’histoire du football au féminin

Plusieurs thématiques sont abordées à travers les films proposés, comme le long chemin vers la reconnaissance, avec l’histoire des pionnières de Reims, qui ont formé la première équipe de France officielle dans les années 1960. Leur épopée est à redécouvrir dans un documentaire, Les Filles du stade, d’Yvonne Debeaumarché, sorti en 2013, et dans un film de Julien Hallard de 2018, Comme des garçons.

D’autres productions ont pour décor un pays étranger, comme l’Iran, avec Hors-jeu de Jafar Banai. Le long-métrage, Ours d’argent au festival du film de Berlin en 2006, raconte le parcours de jeunes femmes qui se déguisent en hommes pour assister à un match de foot dans un pays qui interdit l’accès aux stades à la gent féminine.

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La quête des valeurs que peut transmettre le football est omniprésente dans les films sélectionnés, notamment dans Footballeur et homo, au cœur du tabou, de Yoann Lemaire et Michel Royer, lesquels abordent la question LGBT de front.

C’est aussi le cas, dans un autre registre, dans le documentaire des deux anciennes footballeuses professionnelles Candice Prevost et Mélina Boetti, Little Miss Soccer, par ailleurs diffusé sur Planète + et Canal+ cet été.

« Tout le monde décrit le foot comme universel. J’ai coutume de dire’’oui mais que depuis que les femmes y jouent’’. Avant, il manquait la moitié de l’humanité », faisait remarquer la coréalisatrice Mélina Boetti lors de la soirée de lancement du festival, le 21 mai à Paris. C’est vers cette moitié, longtemps délaissée, que leur regard s’est porté dans leur production, qui prend la forme d’un tour du monde auprès des femmes qui pratiquent le football.

Des professionnelles américaines aux grands-mères amatrices sud-africaines, en passant par des travailleuses péruviennes qui jouent tous les week-ends à 3 800 m d’altitude, ces portraits de femmes tantôt impressionnantes, tantôt bouleversantes, servent de toile de fond à une réflexion sur les valeurs du football émancipateur, loin du sport business.

Le football de demain saura-t-il garder son âme ?

Mais au-delà d’un panorama des initiatives pionnières, ce festival pose aussi la question du futur du football au féminin. En France, si l’accès au terrain pour les femmes semble acquis, c’est la question de la pérennisation de la pratique qui est posée.

L’Hexagone semble avoir pris le chemin depuis quelques années d’une professionnalisation et d’une médiatisation de la pratique féminine à travers des grands clubs, notamment Montpellier, l’Olympique lyonnais ou le Paris-Saint-Germain.

En septembre 2018, le groupe Canal+ a acheté les droits de la D1 féminine pour 1,2 million d’euros, devançant les diffuseurs historiques France Télévisions et Eurosport, qui déboursaient jusqu’alors 200 000 euros par saison. Pour la première fois, en 2018-2019, le championnat de France a été diffusé intégralement, offrant une médiatisation sans précédent.

Dans Little Miss Soccer, certaines pionnières s’interrogent. Elles ne cachent pas leurs craintes de voir leur sport prendre une tournure élitiste en se focalisant sur quelques grands clubs et grandes villes. Ou, pire, de le voir rentrer dans un moule en mettant en avant le physique très féminin des joueuses pour plaire aux médias.

Le football peut-il grandir et se conjuguer au féminin tout en gardant son âme ? La question est posée par les deux réalisatrices, originaires de milieux ruraux, en Normandie et dans les Alpes-de-Haute-Provence, où il n’est pas rare de voir des jeunes filles obligées de faire des dizaines de kilomètres pour vivre leur passion à cause du manque d’équipes féminines, quand leurs parents les autorisent à jouer… Le chemin est encore long pour elles.

Pour changer les mentalités, la fondatrice du festival, Marianne Gazeau, espère voir non seulement des hommes, mais aussi, et surtout, des femmes dans les salles de cinéma : « parce qu’il faut qu’elles osent, enfin ! », insiste-t-elle. Le nombre de licenciées avait déjà augmenté à la suite des Coupes du monde 2011 et 2015. Après ce Mondial en France, la FFF s’attend à un nouveau boom en septembre.

Lire aussi un entretien avec la sociologue Marie-Cécile Naves : « La place des femmes dans le football, un enjeu démocratique et social »

Films et documentaires

Comme des garçons, 2018, de Julien Hallard

Les Filles du stade, 2013, d’Yvonne Debeaumarché

Un vrai sport de gonzesses, 2012, de Farid Haroud

Chatouilleuses d’Obstacles, 2017, de Jérôme Florenville

Taper dans la Balle, 2018, de Sophie Laly

Touche Féminine, 2017, de Maurice Ferlet

Litte Miss Soccer, 2019, de Candice Prevost et Mélina Boetti

Ladies’Turn, 2012, d’Hélène Harder

Football Undercover, 2008, de Ayat Najafi

Hors jeu, 2006, de Jafar Panahi

Footballeur et homo, au cœur du tabou, 2019, de Yoann Lemaire et Michel Royer

Devenir footballeuse, 2018, de Dorothée Lachaud

Les optimistes, 2015, de Gunhild Westhagen Manor

Le Miracle de Berne, 2003, de Sönke Wortmann

Joue la comme Beckham, 2002, de Gurinder Chadha