Manfred Weber, au centre, et la chancelière allemande Angela Merkel, à droite, lors du dernier meeting de campagne en vue des européennes, le 24 mai à Munich. / CHRISTOF STACHE / AFP

Elle s’était tenue à l’écart de la campagne, justifiant sa discrétion par le fait qu’elle n’est plus, depuis six mois, présidente de l’Union chrétienne-démocrate (CDU). Vendredi 24 mai, Angela Merkel a fait une exception : à deux jours des élections européennes, la chancelière allemande s’est rendue à Munich pour afficher son soutien à Manfred Weber, tête de liste du Parti populaire européen (PPE) et candidat à la présidence de la Commission de Bruxelles.

Pour son seul meeting en Allemagne de la campagne des européennes, Mme Merkel a assuré que M. Weber est « l’homme qu’il faut en ce moment », en insistant sur la qualité qui, selon elle, fait de celui qui préside le groupe PPE au Parlement européen depuis 2014 le bon candidat à la succession de Jean-Claude Juncker : « Nous avons besoin de gens qui construisent des ponts et non de gens qui divisent », a expliqué la chancelière, qui en a profité pour appeler à faire barrage aux « nationalistes » qui « attaquent nos valeurs ».

Ces mots étaient attendus. Il y a encore quelques semaines, certains doutaient en effet de la sincérité du soutien de Mme Merkel à la candidature de M. Weber. Non seulement à cause du manque de surface politique de l’intéressé, mais aussi en raison de son appartenance à l’Union chrétienne-sociale (CSU), l’allié de la CDU en Bavière. Ces dernières années, la CSU a mené la vie dure à Mme Merkel, critiquant dès le début sa politique d’accueil des réfugiés et menaçant plusieurs fois de faire exploser sa coalition. Même si M. Weber n’est pas le dirigeant de la CSU avec lequel la chancelière a les relations les plus difficiles, il n’était pas évident, a priori, qu’elle le soutienne aussi clairement.

Soutien appuyé

Quels que soient ses sentiments profonds pour M. Weber, ces spéculations n’ont plus lieu d’être. En l’espace de dix jours, Mme Merkel a signifié clairement, à trois reprises, qu’elle souhaitait voir ce Bavarois de 46 ans peu connu du grand public devenir président de la Commission : le 16 mai dans la Süddeutsche Zeitung, deux jours plus tard à Zagreb, où elle a participé à un rassemblement public en sa présence, et donc, enfin, ce vendredi, à Munich.

Si ses mots étaient les plus attendus, la chancelière allemande ne fut pas la seule, en cette avant-veille de scrutin, à encourager le candidat. Avant elle, ont ainsi défilé sur scène l’ancien président polonais Lech Walesa, les premiers ministres bulgare et croate, Boyko Borissov et Andrej Plenkovic, la présidente de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, le président du PPE, l’Alsacien Joseph Daul, ainsi que le ministre-président de Bavière et patron de la CSU, Markus Söder, venu expliquer que son Land, qui a eu dans son histoire un pape (Benoit XVI) et des vainqueurs de la Ligue des champions (le Bayern Munich), méritait bien désormais d’avoir un des siens à la tête de la Commission européenne.

Dans la dernière ligne droite, le PPE n’aura donc pas ménagé ses efforts pour faire bloc derrière son candidat. Jusqu’à Jean-Claude Juncker qui, dans un message vidéo diffusé en plein meeting, a affirmé qu’il « aimerai[t] vivre dans une Europe dirigée par Manfred », ajoutant qu’il serait « à [ses] côtés pour toujours »

Cela suffira-t-il à faire de M. Weber le deuxième président allemand de la Commission européenne depuis Walter Hallstein (CDU, 1958-1967) ? C’est toute la question. Certes, le PPE devrait rester, après le scrutin de dimanche, le principal groupe du Parlement européen. Mais le PPE de 2019 n’est pas celui de 2014. À l’époque, douze chefs d’Etat et de gouvernement en étaient membres. Aujourd’hui, ils ne sont plus que neuf. A ce rétrécissement numérique s’ajoutent des difficultés politiques qui n’existaient pas il y a cinq ans.

Bras de fer entre Paris et Berlin

Aujourd’hui, le PPE est un parti divisé, dont l’un des membres, le Fidesz, dirigé par le premier ministre hongrois Viktor Orban, est au bord de la rupture. C’est aussi un parti qui, en cette fin de campagne, doit encaisser le choc de la crise politique qui secoue Vienne depuis l’éclatement de la coalition du conservateur Sebastian Kurz avec le parti d’extrême droite FPÖ. Attendu à Munich, le chancelier autrichien a finalement annulé sa venue à la dernière minute, se contentant d’envoyer un message de soutien à M. Weber.

En 2014, le PPE avait fait élire 216 eurodéputés. Selon les dernières projections, ils pourraient cette fois n’être que 170 à 180. Dans ce contexte, le score de la CDU-CSU, dimanche, sera regardé de très près. Il y a cinq ans, les conservateurs allemands avaient obtenu 35,3 % des voix. Dans les derniers sondages, ils ne sont crédités que de 27 à 30 %.

L’unité affichée derrière M. Weber tiendra-t-elle après les élections ? Comme l’a dit Joseph Daul, une campagne se termine dimanche, celle pour l’élection des eurodéputés, mais une autre commence dès lundi matin, celle pour les nominations aux postes-clés. Une campagne qui risque d’être âpre, notamment en raison de l’opposition dont ne fait pas mystère le président français Emmanuel Macron à l’égard de la candidature de M. Weber. Mais une campagne pour laquelle « Angela » aura un grand rôle à jouer, ainsi que l’a souligné le président du PPE, réputé proche de la chancelière, donnant un avant-goût du bras de fer qui pourrait se jouer dans les prochaines semaines entre Paris et Berlin.