A Lille, la tête de liste de la France insoumise Manon Aubry et le député Jean-Luc Mélenchon sont venus clore la campagne des européennes sur les terres de Martine Aubry. Trois jours auparavant, à Lomme, la maire de Lille, en meeting aux côtés de Raphaël Glucksmann, candidat de Place publique-PS, avait prévenu les militants socialistes : « Avec Jean-Luc Mélenchon » et « sa stratégie plan A, plan B, on ne sait plus où on va… On sait qu’on va dans le mur, c’est certain ».

A défaut de répondre au tacle de la maire de Lille, Manon Aubry a tenu à préciser devant un bon millier de militants réunis à Lille Grand Palais, que clore cette campagne à Lille « n’était pas innocent ». Ancienne place forte du Parti Socialiste, « Lille incarne cette histoire de mobilisation des milieux populaires, a lancé Manon Aubry. Lille est au carrefour de civilisations, de nos mobilisations. Et pour ceux qui se poseraient la question, non, je ne suis pas la fille cachée de Martine Aubry ! »

Ce vendredi soir, l’heure était venue pour la France insoumise de refermer la boucle de la campagne lancée dans le Nord. La porte-parole de l’ONG Oxfam a en effet commencé ses six mois de « campagne intense » à Villeneuve-d’Ascq, dans la métropole lilloise. C’est sur ce territoire qu’ont été élus deux députés insoumis, Ugo Bernalicis et Adrien Quatennens, à qui la tête de liste a rendu hommage : « Pour moi qui viens du milieu associatif et qui n’étais pas confiante en les milieux politiques, vous m’avez convaincue ».

« Remake du second tour »

Au milieu de la scène placée au centre de la salle, Manon Aubry, pour convaincre, a elle tenté d’élever la voix malgré un larsen dans l’oreillette. Après avoir adressé ses pensées aux victimes de l’attentat de Lyon, elle a salué le travail des militants (« vous êtes la force de la France insoumise ») puis les combats des gilets jaunes, dont quelques-uns étaient présents au meeting. « Vous avez remis sur la table des thèmes majeurs que nous continuerons de porter haut et fort », a-t-elle souligné. La candidate s’est ensuite attaquée à la République en Marche d’Emmanuel Macron (« tête de liste déguisée de cette campagne »), au Rassemblement national et à ce « remake du second tour de la présidentielle entre l’extrême marché et l’extrême droite ». Sarcastique, elle est revenue sur le débat de mercredi soir : « face à moi, j’avais Marine Le Pen, Laurent Wauquiez, François Bayrou : tous ceux que je regardais à la télé quand j’étais petite », a lancé la candidate âgée de 29 ans.

Sur le programme, Manon Aubry a invité les militants à se battre pour modifier les traités européens actuels et les règles qui « empêchent de faire du protectionnisme ». Son slogan : « Il faut penser le changement et pas changer le pansement ! ». Et le changement, elle souhaite le porter pour entreprendre la transition écologique, préserver les services publics, et lutter contre les inégalités.

Sexisme et paternalisme

La candidate issue de la société civile s’est ensuite lancée dans le déroulé du projet politique de la France insoumise : « L’Europe de l’avenir en commun, c’est l’Europe où on lutte contre l’évasion fiscale, où l’on sort du nucléaire, où l’on met fin aux lobbys, (…) » Revendiquant haut et fort sa jeunesse, Manon Aubry prévient : « Nous sommes la génération de la colère ! Mais nous sommes aussi la génération de toutes les solutions ».

Avant de céder le micro à Jean-Luc Mélenchon après une petite heure de discours, la tête de liste n’a pu s’empêcher d’avouer que cette campagne avait été éprouvante. Confidence adressée aux jeunes et aux abstentionnistes : « Je me suis engagée en politique parce que l’urgence est là (…) En politique, j’ai vu du sexisme, du paternalisme. Parce que quoi ? Parce ce que je suis une jeune femme, que je fais moins d’1,60m, je ne serais pas capable de prendre des décisions par moi-même ? Parce que j’ai 29 ans, Jean-Luc Mélenchon tirerait les ficelles ? C’est ça votre vision de la politique et de la place des femmes en politique ? Oui, je suis une jeune femme indépendante ! Et merci la France insoumise de m’avoir accueillie ! »

Transition parfaite pour faire monter sur scène Jean-Luc Mélenchon. L’ancien candidat à la présidentielle s’est souvenu que c’est ici qu’en 2017 s’est déroulé l’un des plus importants meetings de son mouvement avec 25 000 personnes réunies à Lille Grand Palais. Vingt-cinq fois moins nombreux deux ans après, les militants l’ont écouté pendant une heure taper sur le Rassemblement national et Emmanuel Macron avec la verve qu’on lui connaît en insistant auprès des « ballots qui sont fâchés » de ne pas se tromper de bulletin de vote dimanche. « Et dimanche soir, quoi qu’il arrive, a-t-il prévenu, la France, pays des têtes dures et des agités, aura fait un pas de plus dans la crise car un peuple qui ne vote plus, c’est un problème politique de première grandeur ».