Dimanche 26 mai, Christine, 43 ans, a voté pour la première fois. Bureau 25, installé au cœur de la Maison des arts de Saint-Herblain, commune de plus de 45 000 habitants située aux portes de Nantes et troisième ville du département de Loire-Atlantique. « Je me suis dit : pourquoi pas, ma voix peut apporter quelque chose aussi, elle a autant de poids que les autres », dit cette mère de quatre enfants, arrivée d’Angola en 2002, et qui enchaîne les contrats en tant qu’agente polyvalente dans les collèges :

« J’ai obtenu l’asile puis la nationalité française. Avant, je n’avais pas envie de voter. Maintenant, je prends ce droit et je vais continuer. Je suis fière d’être là mais je ne dis pas pour qui j’ai voté. »

A l’intérieur de la Maison des arts, Driss Saïd, adjoint socialiste à la culture et président du bureau 25, se veut confiant quant à la participation au scrutin des européennes :

« A 16 heures, on note déjà 31,72 % de votants. En 2014, on était à 32,69 % à la fermeture du bureau. Ici, on est au cœur du quartier populaire du Grand Bellevue. On a un public mixte, tant dans l’âge que dans les origines et les catégories socioprofessionnelles. On a eu un public plus âgé ce matin, et ça se rajeunit cet après-midi. »

Patrice Harang, Nantais de 53 ans, votant à Saint-Herblain avec ses parents, « a pris le premier bulletin posé sur la table. Pas de hasard : je reste fidèle aux “insoumis”. Ce sont les seuls encore à gauche, non ? »

Timothée, étudiant en management public et politique à Paris, est revenu « spécialement pour les élections ». « Je vote depuis la première élection qui a suivi mes 18 ans », confie le jeune homme de 23 ans, qui a accepté d’endosser le rôle d’assesseur dans un bureau voisin et réservé le dernier train pour Paris afin d’être présent au dépouillement.

Lui a voté sans hésiter « à droite, pour la liste Bellamy ». Il a sa carte au parti Les Républicains depuis deux ans :

« J’ai longtemps hésité car je craignais les machines militantes. Mais j’ai fait le choix de m’engager après la défaite des présidentielles car le parti risquait de tomber en ruines. »

A ses yeux, les idées de François Fillon « étaient bonnes » mais au vu des affaires qui ont surgi, « le candidat aurait eu de grandes difficultés à gouverner ».

« Ce qui est inquiétant, c’est l’avenir pour les jeunes »

L’un des deux frères de Timothée n’a pas voté :

« On a eu de gros débats dans la famille. C’est inconcevable pour moi de ne pas voter. On a un grand-père qui a été maire durant vingt-cinq ans d’une petite commune dans l’Oise. Le pire, c’est que mon frère qui n’a pas voté est politisé. Mais il n’y a pas été en partie par flemme et en partie car il ne se retrouve pas dans l’offre politique. Mais bon, il aurait pu au moins voter blanc ! »

« Ce qui est inquiétant, c’est l’avenir pour les jeunes, rebondissent Eric, retraité dans la vente, et Françoise, gestionnaire de patrimoine. Notre fils vote pour la première fois aujourd’hui et il nous a dit qu’il voterait blanc. Il a des convictions, a participé à la marche pour le climat mais entre l’action de certains politiques, la non-action des autres, il n’y croit pas. » Elle, elle a voté UDI. Son compagnon, « Macron, enfin la liste Loiseau », corrige-t-il :

« Macron, je trouve qu’il impulse des changements, il fait évoluer la France. Et surtout, je n’ai pas envie de voir des extrémistes anti-Européens au Parlement, ça ne me paraît pas sain. »

Bureau de vote à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), le 26 mai. / Yan Gauchard / Le Monde

« Moi je vote pour ceux qui dirigent la France, expose encore François, 70 ans, professeur de musique. Tout simplement pour la stabilité de la gouvernance. L’Angleterre est dans la mouise, je n’aimerais pas voir la France dans la même situation. »

Avant de rallier « Macron », le cœur de François penchait pour les socialistes : « J’aurais aimé que tous ceux qui sont encore divisés se mettent ensemble, mais non, ils n’ont rien fait. »

Devant la porte menant au bureau de vote, Guenaëlle, aide à domicile de 45 ans, et Erwan, sans emploi, 39 ans, disent « ne pas savoir pour qui ils vont voter. Ce sera à gauche mais le choix n’est pas fait ».

« Je crois aux valeurs de l’Europe »

Nassim, agent de la ville de Nantes, 38 ans, se fait gentiment rappeler à l’ordre alors qu’il distribue, à l’entrée de la Maison des arts, le bulletin de la liste « Une Europe au service des peuples » (Union des démocrates français musulmans) qui n’a pas eu les moyens d’imprimer ses propres feuillets :

« Comme d’autres listes, ces bulletins doivent être téléchargés pour pouvoir s’en procurer. J’ai voulu les déposer à l’intérieur mais comme je ne suis pas mandaté par des personnes de cette liste, on m’a dit que le règlement ne me permettait pas de le faire. C’est une initiative personnelle, un engagement citoyen : j’ai pensé aux gens comme ma mère qui sont perdus sur Internet et qui ne savent pas éditer le bulletin qu’ils désirent. »

« D’accord, mais la campagne est finie, lui oppose-t-on. On n’a pas le droit de distribuer un document susceptible d’influencer les votes. »

Pascal, professeur d’école de 56 ans, ressort tout sourire de l’isoloir. Dehors, il confie avoir « voté Jadot » :

« J’aurais pu voter Glucksmann ou Hamon. Je crois aux valeurs de l’Europe. L’Europe est une chance pour la paix. Je crois aussi en l’Europe pour faire en sorte que tous les pays aient plus de droits sociaux, je ne vois pas comment chaque pays s’en sortirait mieux tout seul. Après, l’urgence c’est l’écologie et le social. Alors autant voter pour des experts. »