Nathalie Loiseau après les premièrs résultats, au siège de La République en Marche (LRM) à Paris le 26 mai. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

La plupart des stratèges de la Macronie le redoutaient ces derniers jours : en s’exposant ainsi dans la campagne, en jetant tout son poids dans la bataille, Emmanuel Macron – qui espérait remobiliser son électorat – prenait aussi le risque d’attiser le vote sanction et de transformer une deuxième place, même assortie d’un score honorable, en défaite symbolique.

Selon les premières estimations Ipsos-Sopra Steria pour Radio France et France Télévisions, en attendant les résultats dans les grandes villes où les bureaux de vote ferment à 20 heures, la liste Renaissance conduite par l’ex-ministre Nathalie Loiseau arrive en deuxième position, avec 22 % des voix, mais à un point seulement derrière le Rassemblement national (RN) de Jordan Bardella (23 %), à l’issue d’une campagne qui fut largement dominée par un face-à-face – parfois tendu – entre ces deux listes.

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Premier scrutin deux ans après l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, ces élections européennes avaient valeur de test pour le chef de l’Etat, après l’affaire Benalla, la crise des « gilets jaunes » et le grand débat national lancé par l’exécutif pour tenter de relancer un quinquennat fragilisé. Le président de la République avait dramatisé les enjeux du vote et mis en garde contre le « risque existentiel » de dislocation de l’Europe en cas de victoire des populistes. Il avait choisi aussi de mettre en scène une confrontation exclusive avec le RN de Marine Le Pen, assurant qu’il « mettrait toute (son) énergie pour que le RN ne soit pas en tête ». Périlleuse, cette stratégie lui a finalement permis de limiter les dégâts.

LRM résiste, le RN confirme

Avec 22 % des voix, la liste La République en marche (LRM)-MoDem reste proche de son étiage du premier tour à l’élection présidentielle de 2017 (24 %). Alors que le chef de l’Etat est impopulaire, son socle électoral résiste mais ne s’élargit pas. Au sein de la majorité, les arguments pour relativiser une deuxième place étaient d’ailleurs rodés ces derniers jours. Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, allant même jusqu’à parler d’« exploit politique » si le score de la majorité devait approcher celui du premier tour de la présidentielle, alors que les scrutins intermédiaires, a fortiori européens, sont rarement favorables aux majorités en place.

Avec 23 % des voix, le RN confirme sa place prédominante et désormais installée dans le paysage politique. Pour Marine Le Pen qui était sortie abîmée de son débat de deuxième tour face à Emmanuel Macron, cette première place sonne comme une revanche symbolique même si elle est talonnée par la liste de la majorité.

Vote de Jordan Bardella, tête de liste RN, le matin du 26 mai. / CYRIL BITTON POUR « LE MONDE »

La liste conduite par Jordan Bardella obtient un score supérieur à celui réalisé par Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle (21,3 %), mais elle fait deux points de moins que lors du dernier scrutin européen de 2014 où la présidente du Front national était déjà arrivée en tête il y a cinq ans, avec 25 % des voix, loin devant l’UMP (20,81 %) et le Parti socialiste (13,98 %). Nicolas Dupont-Aignan, lui, obtient 3,5 % des suffrages avec sa liste Debout La France.

Une claque pour LR

A côté du match LRM-RN qui a largement dominé la campagne, les deux vieux partis de gouvernement, Les Républicains (LR) et le Parti socialiste (PS), confirment leur décrochage.

En quatrième position, LR, qui totalise 8,5 % des voix seulement, est très loin de la barre symbolique des 15 % qu’ils visaient. La bonne campagne du philosophe conservateur François-Xavier Bellamy, qui a suscité l’engouement des militants et réveillé l’espoir à droite, ne s’est donc pas confirmée dans les urnes.

Le parti de Laurent Wauquiez a décroché. Il fait deux fois moins que le score de premier tour de François Fillon (20 %) et celui des européennes de 2014 où l’UMP avait terminé à 20,79 %.

LR qui a joué la petite musique de la « remontada » pendant la campagne n’a donc pas écarté le risque d’une dégringolade. Il n’est pas parvenu à démontrer non plus sa capacité à redevenir une force d’alternance crédible.

Le PS évite le pire

LR s’en sort à peine mieux que le PS qui confirme sa dégringolade électorale mais évite le pire. Avec 7 % des voix, l’essayiste Raphaël Glucksmann, qui a fondé le mouvement Place publique (PP) dans l’espoir de réveiller et fédérer la gauche sociale-démocrate, est parvenu à dépasser la barre fatidique des 5 % qui permet d’envoyer des élus au Parlement de Strasbourg.

Mais la liste PP-PS fait deux fois moins qu’en 2014 où les socialistes avaient déjà réalisé leur pire score aux européennes (13,98 %) et tutoie le score calamiteux de Benoît Hamon (6,36 %) à la présidentielle de 2017.

Cette nouvelle défaite consacre la marginalisation du PS, sorti laminé et profondément fracturé du quinquennat de François Hollande, et promet des lendemains délicats pour le premier secrétaire, Olivier Faure, qui a convoqué un conseil national dès mardi, pour tenter de tirer des enseignements du scrutin.

A gauche, EELV loin devant les « insoumis »

A gauche, qui aura rarement été aussi divisée et affaiblie, la surprise vient des Verts : au coude à coude dans les sondages avec LFI pendant la campagne, Europe Ecologie-Les Verts (EELV) obtient la première place du podium, avec 12,5 % des voix, plus de 5 points devant La France insoumise (LFI), qui termine avec 7 % très loin derrière le score de Jean-Luc Mélenchon (19,58 %) à la présidentielle de 2017. Une défaite sévère pour les Insoumis.

Pour Benoît Hamon (Génération. s), c’est vraisemblablement le dernier combat. L’ancien candidat du PS pour la présidentielle de 2017, avec 3,5 % des suffrages est tout juste parvenu à atteindre le plafond de 3 % qui permet le remboursement des frais de campagne. Il a averti qu’il tirerait « les leçons d’un deuxième échec majeur au suffrage universel ».

Yannick Jadot, tête de liste EELV, est finalement parvenu à surfer sur la vague verte alors que les thématiques écologiques et climatiques, qui ont dominé la campagne, ont le vent en poupe et que les élections européennes sont traditionnellement un scrutin favorable aux écologistes. En 1999, les Verts avaient réalisé une percée avec 16 % des voix.

Reste à savoir si EELV pourra jouer le rôle de pivot de la reconstruction de la gauche, engagée dans un lent processus de recomposition depuis 2017. « Le temps est venu que l’écologie soit la matrice qui réorganise l’économie et qui réorganise le social », a jugé Yannick Jadot ces derniers jours.