Gaël Monfils, le numéro 1 français en lice à Roland-Garros. / BERNAT ARMANGUE / AP

Alors que les premières balles de l’édition 2019 de Roland-Garros vont être échangées, dimanche 26 mai, le tennis français, en chantier depuis des années, a-t-il réglé ses problèmes de façon à arriver en ordre de marche Porte d’Auteuil ? A l’instar du vénérable tournoi parisien, qui, en dépit d’un conséquent retard, a bouclé ses douze travaux à temps pour l’ouverture. Une « drôle de comparaison », s’amuse Patrice Hagelauer, l’ancien entraîneur de Yannick Noah. Mais « la situation est assez compliquée côté français, convient le technicien, il n’y a pas vraiment de quoi être rassuré. »

Car énumérer les états de forme des joueurs hexagonaux relève de la litanie. L’un – Richard Gasquet –, de retour de blessure, a récemment affirmé être « redevenu un joueur de tennis. C’est déjà très beau pour moi ». Un autre – Lucas Pouille –, est vite retombé dans ses travers après avoir atteint, à la surprise générale, les demi-finales de l’Open d’Australie. Un troisième – Jo-Wilfried Tsonga – a le corps qui grince, quand un autre – Gilles Simon – « ne sait plus quoi faire pour arriver à être en forme ». Et le tableau n’est guère plus réjouissant côté dames, où la numéro 1 française, Caroline Garcia, peine à enchaîner et ne cache plus la forêt décimée derrière elle.

Depuis l’entame de la saison, les Français savent qu’ils ne feront pas pire que l’an passé. En atteignant les demi-finales à Melbourne, une première pour une Bleu depuis 2016, Lucas Pouille a effacé la triste année 2018, la pire depuis 1980 avec aucun quart de finaliste en Grand Chelem. Côté statistiques, les voilà couverts.

« Jouer la carte de la surprise »

Côté court, en revanche, le paysage relève plus de la morne plaine que des envolées vers les cimes. Pour soigner leurs bleus à l’âme, les Français en sont réduits à « jouer la carte de la surprise », constate dans Le Parisien le patron du tournoi, Guy Forget. La possibilité d’une apparition aussi soudaine qu’inespérée, quitte à ce qu’ils se surprennent eux-mêmes. « Il suffit d’un match qui se goupille bien, pour qu’un joueur se dise : “Tiens, mon tennis est revenu.” », insiste l’ancien capitaine des Bleus, misant sur « l’expérience » des joueurs en Grand Chelem.

Il suffira d’un signe pour que les rouages subtils s’enclenchent, prolonge Patrice Hagelauer. « Le maître mot au tennis, c’est la confiance. Et elle se gagne dans les victoires, il n’y a pas d’autre solution », cible l’ancien entraîneur. Qui mise sur des premiers tours abordables pour dégripper les mécanismes. « Dans les tournois du Grand-Chelem, quand on parvient à passer un tour, puis deux, même quand ce sont des combats difficiles, vous retrouvez cette confiance. » Et les illustrations sont nombreuses : l’an passé, l’Italien Marco Cecchinato ne s’est-il pas hissé en demi-finale sans avoir jusque-là jamais franchi un tour dans un des quatre tournois majeurs du circuit ?

Dans une saison où les vétérans dérouillent, où Pouille cherche sa confiance, et où la relève – Corentin Moutet, Ugo Humbert… – ne parvient pas encore à s’imposer, l’étincelle pourrait venir des deux joueurs les plus fantasques que compte le contingent français : Gaël Monfils et Benoît Paire.

Monfils et Paire en tête d’affiche

Après une saison 2018 perforée de blessures et de doutes – au point de revenir sur le circuit Challenger (la « seconde division » du tennis) en septembre pour s’y relancer –, Gaël Monfils est de retour. Et c’est sans doute lui qui focalise les espoirs français. S’il manque encore de repères, le joueur, qui s’est adjoint les services du coach Américain Liam Smith, assume ses objectifs. A Madrid, il claironne « vouloir gagner un Grand Chelem, tout simplement » et sa faim « de faire de gros résultats. »

Nulle fanfaronnade pour « la Monf’ ». Avant Roland-Garros, il précise : « Mes ambitions sont les mêmes sur chaque tournoi. J’ai envie d’aller loin, de gagner des grands titres. De temps en temps, le jeu va avec, ça suit. Mais de temps en temps, on joue un peu moins bien. Mais ce n’est pas parce que l’on n’est pas au top à un moment que l’ambition change. »

Assagi, plus serein – il a consulté une psychologue en fin d’année, qui lui a appris à accepter les jours sans –, dans son jeu comme dans sa vie – il ne fait pas mystère de son histoire avec la numéro 6 mondiale, l’Ukrainienne Elina Svitolina –, Gaël Monfils aspire à l’excellence. Demi-finaliste en 2008, le numéro 1 français (et 16e mondial) connaît le chemin du dernier carré et « y croit vraiment. » L’important, c’est d’y croire, mais ses trois petites victoires sur l’ocre cette année mettent un bémol à cette croyance.

Garcia ou Mladenovic côté femmes

Des victoires, Benoît Paire en a fait le plein sur terre. Après un titre à Marrakech, le barbu a remporté le tournoi de Lyon la veille de l’ouverture de Roland-Garros. Une victoire en finale face au Canadien Félix Auger-Aliassime, avenir palpitant du tennis mondial, certes diminué, « de bon augure pour la suite » a admis le natif du Vaucluse. Imprévisible, celui que l’ancien directeur technique, Patrice Dominguez (mort en 2015) voyait comme un « étalon mal dressé » au potentiel certain, assume son parcours et ses sinuosités. « Par rapport aux autres joueurs, j’ai ce truc qui fait qu’on ne sait jamais ce qui peut se passer, assure-t-il à L’Equipe. Même moi je ne sais pas ce qui peut se passer sur le terrain. »

Jamais à trop l’aise sur la terre battue du tournoi parisien, la numéro 1 française, Caroline Garcia aspire à franchir le cap des quarts de finale, atteint en 2017. Finaliste samedi du tournoi de Strasbourg, la 24e joueuse mondiale se dit prête à réussir son entrée à Roland-Garros. Derrière elle, Kristina Mladenovic, forte d’un nouveau coach – Sascha Bajin, l’ex-entraîneur de la numéro 1 mondiale Naomi Osaka – sort d’un tournoi de Rome de belle facture.

De quoi laisser poindre l’espoir d’un beau parcours d’un ou d’une Bleu(e) à Roland ? « Honnêtement je préférais arriver à Roland-Garros avec des joueurs vraiment au point physiquement et qui avaient gagné des matches, assène Patrice Hagelauer. C’est toujours mieux. » « Quand je ne suis pas bien et que tout le monde pense que ça ne va pas aller, c’est là où j’arrive à sortir les plus gros matchs », conclut Benoît Paire. Une maxime que le tennis français espère faire sienne à Roland-Garros. Après les gros chantiers, une parenthèse enchantée ?