Sur le site du projet minier de la Montagne d’or, en octobre 2017. / JODY AMIET / AFP

Où en est exactement le projet d’exploitation aurifère de la Montagne d’or en Guyane ? La question a été posée au cours de la soirée électorale du dimanche 26 mai, émaillée de tensions à ce sujet. « Alors, cette Montagne d’or, elle est abandonnée, oui ou non ? » Ainsi interpellée, d’abord par Sébastien Chenu, porte-parole du Rassemblement national (ex-FN), puis par la journaliste Anne-Sophie Lapix, Sibeth Ndiaye n’a pas eu d’autre choix que de répondre en direct.

La création de la plus vaste mine jamais envisagée en France, située dans la forêt amazonienne de Guyane, n’est « bien sûr » plus à l’ordre du jour, a déclaré la porte-parole du gouvernement, avant d’être interrompue par l’eurodéputée Karima Delli (Europe Ecologie-Les Verts). « Ce n’est pas vrai, je ne peux pas vous laisser dire ça », s’est insurgée cette dernière, en affirmant qu’un autre site aurifère de Guyane venait de voir son permis d’exploitation renouvelé. Elle y voit la preuve que le gouvernement « tient un double discours ».

De fait, le doute continue de planer, malgré les déclarations récentes du président de la République. Le 5 mai, après avoir reçu une délégation de scientifiques de la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), Emmanuel Macron affirmait que le projet de 800 hectares à ciel ouvert ne lui paraissait « pas compatible » avec l’ambition écologique et les exigences françaises en matière de biodiversité.

« Il ne s’agit pas d’un chantier public »

Lors du conseil de défense écologique, le 23 mai, François de Rugy a repris peu ou prou cette formule. Lui qui laissait paraître ses réticences à l’égard de ce projet, lors de son arrivée au ministère de la transition écologique, en septembre 2018, a conclu que le projet « ne se fera pas ». Il doit se rendre sur place mi-juin pour expliquer la position de Paris.

« Le gouvernement ne peut pas être plus clair, il ne peut pas aller juridiquement plus loin, avance Pascal Canfin. Il ne peut pas dire que la Montagne d’or est “abandonnée”, car il ne s’agit pas d’un chantier public comme l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, mais d’un dossier qui n’a même pas encore été officiellement déposé par l’opérateur. » Ancien directeur du Fonds mondial pour la nature (WWF, une ONG qui milite depuis des années contre la mine d’or géante de Guyane), M. Canfin a fait campagne pour les européennes en deuxième position sur la liste de La République en marche. « Il faut respecter l’Etat de droit », insiste-t-il.

Par son gigantisme et par son procédé d’extraction – il est prévu d’employer 57 000 tonnes d’explosif et 46 500 tonnes de cyanure pour extraire 85 tonnes d’or en douze ans –, le projet de l’entreprise russe Nordgold associée au canadien Columbus Gold a cristallisé les oppositions de populations autochtones en Guyane, de défenseurs de l’environnement sur place et en métropole, de scientifiques et même du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale lié à l’ONU.

Réforme du code minier

Mais d’autres sites sont légalement exploités dans la jungle guyanaise, comme celui de Saint-Pierre sur le territoire de Saint-Laurent-du-Maroni. Un arrêté du 13 mai du ministère de l’économie prolonge son permis d’exploitation jusqu’au 16 janvier 2023. Mais son « impact environnemental est incomparable » avec celui de la Montagne d’or, assure Bercy, usant des mêmes arguments que l’entourage de François de Rugy. Les deux ministères affirment qu’il s’agit d’un site aurifère alluvionnaire « de petite taille » – 35,4 km2 tout de même. Et soulignent que la Compagnie minière de Boulanger, qui l’exploite, gêne par sa seule présence les orpailleurs illégaux, et donc « limite le pillage et les dégradations ».

Quoi qu’il en soit, renoncer à extraire l’or du territoire français n’est pas au programme du gouvernement. « Cette affaire du site de Saint-Pierre montre bien qu’il faut une discussion sérieuse au sujet du secteur de l’extraction avec tous les acteurs concernés », assure Pascal Canfin. Or, la Compagnie de la Montagne d’or et d’autres professionnels participent déjà à la réflexion devant conduire à une réforme du code minier, que le gouvernement entend présenter en conseil des ministres en décembre.

Une fois révisé cet héritage napoléonien peu soucieux de la préservation de la biodiversité, la Compagnie minière de la Montagne d’or, qui a, dans sa manche, un permis datant de 1948, disposera des informations nécessaires pour tenter de rendre son dossier « compatible avec les exigences de protection environnementale ». Elle soutient donc la volonté de Paris d’« accélérer » cette réforme, « condition indispensable pour attirer les investissements », écrit-elle dans un communiqué du 23 mai.