L’agence sanitaire Anses a retiré, mardi 28 mai, l’autorisation de mise sur le marché de tous les produits à base d’époxiconazole, fongicide largement utilisé dans l’agriculture. La substance en question est, selon l’Anses, « un perturbateur endocrinien pour l’être humain (…) et présente un danger préoccupant pour l’homme et l’environnement ».

L’époxiconazole, qui sert à prévenir et traiter les parties aériennes des végétaux contre les champignons, est utilisé en France sur environ 50 % des surfaces céréalières (blé, orge, seigle, avoine), et 70 % des surfaces de betteraves, selon l’agence. Environ 200 tonnes de cette substance active sont commercialisées chaque année en France.

La substance est déjà considérée comme un « cancérogène suspecté » et est « présumée toxique » pour la reproduction humaine. Mais après l’adoption fin 2017 d’une nouvelle réglementation européenne sur les perturbateurs endocriniens, l’Anses s’est « autosaisie sans délai » pour l’évaluer sur cet aspect.

Caroline Semaille, directrice générale déléguée de l’Anses, a expliqué à l’Agence France-Presse :

« Un guide publié en juin 2018 au niveau européen établit les critères scientifiques pour dire si une substance active est perturbateur endocrinien ou non. () Sur la base du nouveau guide, on peut établir et confirmer que [l’époxiconazole] est perturbateur endocrinien. »

Réévaluation de la substance

Les perturbateurs endocriniens, composés chimiques présents dans de nombreux produits de consommation courante (jouets, tickets de caisse, plastiques, produits phytosanitaires) sont encore mal connus. Mais la liste des maux qui leur sont attribués est longue (problèmes de fertilité, croissance, comportement, origine possible de certains cancers…), alimentant l’inquiétude de la population et des ONG.

La réglementation européenne adoptée difficilement en 2017, et qui ne satisfait pas les ONG, ne concerne que les produits sanitaires et biocides.

« Tous les produits passeront à travers les fourches caudines » du nouveau guide, a assuré Mme Semaille, précisant que l’Anses avait choisi de se pencher en premier sur l’époxiconazole en raison notamment de son usage important et des suspicions pesant sur la substance.

L’Anses va notifier sa décision aux autorités européennes, qui sont en cours de réévaluation de cette substance, pour laquelle l’autorisation ou non de renouvellement doit être prise d’ici à avril 2020.

Des alternatives

Ces retraits d’autorisations de mises sur le marché français concernent 76 produits commercialisés sous divers noms principalement par le géant allemand de la chimie BASF. Ils devront avoir disparu du marché d’ici 12 mois, a précisé Mme Semaille, assurant qu’il existait d’autres solutions.

« Il y a des alternatives de la même famille, les triazoles, et de nouvelles substances en cours d’évaluation au niveau européen. Les agriculteurs ont déjà probablement un peu anticipé parce que les ventes ont un peu diminué ces dernières années. »

« Le retrait de cette molécule, je ne pense pas que ça fasse beaucoup de bruit dans la plaine », a d’ailleurs réagi auprès de l’AFP Gilles Menou, agriculteur céréalier dans la Beauce et porte-parole de la Confédération paysanne en Eure-et-Loir. « Aujourd’hui, les principales impasses qu’on trouve en agriculture, c’est plutôt autour des herbicides, on a de plus en plus de mal à maîtriser l’enherbement de certaines parcelles, alors que pour les maladies des blés, on a quand même de multiples façons d’agir, c’est beaucoup moins pénalisant », a-t-il ajouté.

L’objectif du gouvernement de sortir d’ici à 2021 du glyphosate, ou au moins de la majorité des usages de l’herbicide controversé le plus utilisé au monde, a focalisé le débat autour des produits phytosanitaires ces dernières années.

Un débat très sensible autour d’une équation complexe : comment réduire le volume de produits chimiques dangereux pour la santé et l’environnement sans pénaliser l’agriculture.

Le gouvernement s’est fixé un objectif plus vaste de réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques de 25 % d’ici à 2020 et 50 % d’ici à 2025. Mais il se heurte souvent à une opposition du monde agricole.