Le roi Salmane d’Arabie saoudite préside un sommet d’urgence des dirigeants arabes du Golfe à La Mecque, en Arabie saoudite, le jeudi 30 mai 2019. / Amr Nabil / AP

Le roi Salmane d’Arabie saoudite s’est livré à une violente charge contre l’Iran devant ses pairs du Golfe et de la Ligue arabe, réunis vendredi 31 mai dans la ville sainte de La Mecque, dans l’ouest de l’Arabie saoudite, à la suite d’attaques qui ont ravivé les tensions régionales. Le souverain saoudien a appelé ses partenaires du Conseil de coopération du Golfe (CCG) à se dresser ensemble, en dépit de leurs divisions, contre les « actions criminelles » de l’Iran.

En réponse, le porte-parole du ministère iranien des affaires étrangères, Abbas Moussavi, a accusé l’Arabie saoudite de « semer la division entre les pays musulmans et dans la région ». « Nous voyons dans les tentatives de l’Arabie saoudite de mobiliser les pays voisins et arabes contre l’Iran le prolongement des tentatives futiles de l’Amérique et du régime sioniste » (Israël), a-t-il ajouté.

Sabotage de navires à l’entrée du Golfe, attaques contre des installations pétrolières saoudiennes, ingérences dans les affaires de ses voisins et menaces contre l’approvisionnement en pétrole du marché mondial : tels sont les principaux griefs formulés par le roi saoudien, à la tête d’un royaume sunnite, à l’encontre de son grand rival chiite, l’Iran.

« L’absence d’une réaction ferme et dissuasive face aux actes de sabotage de l’Iran dans la région a encouragé celui-ci à les poursuivre et à les accentuer, comme on le constate aujourd’hui, a estimé le souverain saoudien. Les récents actes criminels nous obligent à agir avec sérieux pour préserver la sécurité et les acquis du CCG. » Il a accusé l’Iran de ne pas avoir cessé, durant quatre décennies, de soutenir « le terrorisme, de nuire à la stabilité de la région et de poursuivre une politique d’expansion ».

Le sommet du CCG a exprimé dans un communiqué, à l’issue de ses travaux, sa solidarité avec l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis après les récentes attaques. Il a rappelé l’Iran aux règles de « bon voisinage et de non-ingérence dans les affaires d’autrui » et l’a appelé à cesser d’« armer et de financer les milices et les organisations terroristes ». De même, le CCG a exhorté l’Iran à cesser ses « menaces de recourir à la violence ».

Appui à la stratégie américaine

A propos des liens avec les Etats-Unis, les pays du CCG ont renouvelé leur « appui à la stratégie américaine à l’égard de l’Iran, y compris en ce qui concerne les programmes nucléaire et balistique de ce dernier, ses activités de déstabilisation, son soutien au terrorisme et aux activités hostiles du Hezbollah, des gardiens de la révolution et de la milice des Houthis » au Yémen.

A l’ouverture du sommet arabe, qui a suivi la première réunion, le roi Salmane a repris les mêmes arguments, appelant notamment les pays du monde à « user de tous les moyens » pour dissuader l’Iran. Le roi saoudien n’a pas mâché ses mots face à Téhéran, alors que Ryad s’était abstenu jusqu’à présent de mettre en cause directement l’Iran dans les récents incidents qui ont fait monter la tension dans le Golfe.

Certes, le ministre saoudien des affaires étrangères, Ibrahim Al-Assaf, a une nouvelle fois fustigé mercredi soir l’« ingérence » iranienne, mais le conseiller américain à la sécurité nationale, John Bolton, en visite le même jour à Abou Dhabi (Emirats arabes unis), s’est montré plus direct, en soutenant que l’Iran était vraisemblablement derrière les actes de sabotage du 12 mai contre des pétroliers au large des Emirats.

L’Iran a rejeté comme « risibles » les accusations de John Bolton, perçu comme le principal instigateur de la politique américaine d’extrême fermeté face à l’Iran. « M. Bolton et les autres bellicistes qui recherchent le chaos devraient savoir que la stratégie de patience, la grande vigilance et la préparation défensive optimale de l’Iran empêcheront la réalisation de leurs désirs diaboliques dans la région », a déclaré le porte-parole iranien des affaires étrangères.

Les tensions régionales se sont exacerbées depuis que l’administration Trump a inscrit, en avril, les gardiens de la révolution iraniens, armée idéologique du régime, sur sa liste noire d’« organisations terroristes » et renforcé en mai les sanctions économiques contre Téhéran, après avoir quitté, il y a un an, l’accord international sur le nucléaire iranien.

Participation du Qatar

Le Qatar a été représenté au sommet du CCG par son premier ministre, cheikh Abdallah ben Nasser Al-Thani, premier responsable qatari de ce rang à se rendre en Arabie saoudite depuis la rupture, le 5 juin 2017.

Ryad et trois de ses alliés (Emirats arabes unis, Bahreïn et Egypte) avaient alors rompu leurs liens avec le Qatar, accusé de soutenir des groupes extrémistes et à qui ils reprochaient de se rapprocher de l’Iran. Doha a nié soutenir des extrémistes et accusé ces quatre pays de chercher un changement de régime au Qatar.

Les Etats-Unis – alliés à la fois de Ryad et de Doha – ont salué la participation du Qatar aux réunions de La Mecque. Washington n’a cessé depuis deux ans de tenter des médiations pour régler cette crise, qui nuit à sa stratégie d’isolement de l’Iran. Le Qatar et ses adversaires restent toutefois en conflit, malgré les nombreuses tentatives de médiation, notamment de la part du Koweït.

Ce sommet du CCG devait être suivi dans la nuit par un sommet de la Ligue arabe et, le lendemain, par un sommet des pays membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI). Ces trois rencontres dans la première ville sainte de l’islam et à la fin du mois sacré de jeûne du ramadan ont été voulues par Ryad, qui cherche à resserrer les rangs face à l’Iran. L’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole, veut également affermir son rôle de puissance régionale, arabe et panislamique.