Annette Messager, ou celle qui sait créer avec tout : cette fois, c’est avec des sacs de couchage. Pliés ou ouverts sous tous les angles possibles, étirés ou noués, épinglés aux murs, ils deviennent manteaux, papillons, oiseaux, cœurs, sexes, huttes, grottes ou écorchés. Ils suggèrent douceur, chaleur, plaisir. Ou souffrance, blessure, mort. Ils font songer aux sans-abri, aux migrants qui dorment sur les trottoirs ou dans la « jungle » de Calais. De leurs replis sortent des mains, aussi noires et rugueuses que les tissus sont lisses et colorés – mains crispées, mains priantes.

Leur répond au sous-sol une installation murale de filets, cordes et morceaux de corps. Deux mots se déchiffrent : « innocents » et « help ! ». La référence au Massacre des Innocents de Poussin est directe et actuelle. Dans la dernière cave, les vestiges noirs d’une Petite Babylone jonchent le sol peuplé d’animaux naturalisés, éclairé par des lumières tournantes qui projettent des ombres dentelées sur les murs. Auparavant, on est passé entre les deux images de la première installation vidéo de l’artiste, éloge baudelairien de la chevelure, du sein et du ventre féminins. Rimes plastiques, comme il est des rimes sonores.

Qu’Annette Messager soit l’une des plus grandes artistes d’aujourd’hui n’est pas une révélation. A chaque exposition se vérifie donc sa puissance d’invention et de renouvellement. En sortant, traversez la rue et allez à la librairie de la galerie. Il y a là quelques-unes de ses œuvres sur papier récentes, encres et aquarelles entre érotisme et humour macabre. Baudelaire, à nouveau.

« Sleeping Songs », Annette Messager. Marian Goodman Gallery, 79, rue du Temple, Paris 3e. Du mardi au samedi de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 19 juillet.