Laurent Wauquiez, le 3 décembre 2018. / Stephane Mahe / REUTERS

En annonçant sa démission de la présidence des Républicains, dimanche 2 juin, une semaine après le scrutin des européennes, Laurent Wauquiez a pris de court sa famille politique. Mais ce chapitre clôt une présidence d’une année et demie, marquée par de nombreuses passes d’armes avec ses pairs et de fortes fractures dans la ligne du parti.

  • 10 décembre 2017 : une élection confortable pour « tout reconstruire »

Au terme d’une année de grand ménage politique après l’échec de son candidat à l’élection présidentielle, François Fillon, le parti Les Républicains (LR) doit choisir son nouveau président. Un affrontement entre trois héritiers revendiqués : la filloniste Florence Portelli, le sarkozyste Laurent Wauquiez et le juppéiste Maël de Calan. Fort de la participation de 99 597 adhérents à ce scrutin interne, un chiffre plus important qu’attendu, Laurent Wauquiez est élu le 10 décembre 2017 à 74,64 % des voix, dès le premier tour.

Dans son discours, l’ancien ministre a d’emblée annoncé qu’« une nouvelle ère s’ouvre pour la droite ». « Nous allons tout reconstruire, tout renouveler, avec de nouveaux visages, a-t-il promis. Le vieux paysage politique s’est effondré. Tant mieux, car on va tout réinventer ! »

Comment Laurent Wauquiez a pris la tête de la droite française
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  • 11 décembre 2017 : départ de Xavier Bertrand

La lune de miel est de courte durée pour le nouveau président des Républicains. Le président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, annonce le 11 décembre qu’il quitte le parti de droite. « Je ne reconnais plus ma famille politique, donc j’ai décidé de la quitter », explique celui qui n’a jamais caché son animosité envers la ligne droitière de Laurent Wauquiez. « Il le dit lui-même et même Marion Maréchal-Le Pen se dit prête à travailler avec lui ! Mais il n’y a pas que ça : il est le candidat de Sens commun. J’ai du respect pour chacun, mais la laïcité dans les partis politiques aussi, ça ferait du bien », poursuit Xavier Bertrand.

Laurent Wauquiez encaisse le coup. Il n’est « pas acceptable de claquer la porte de sa famille politique dans ces conditions », déplore cependant le nouvel homme fort de la droite. « C’est son choix. Je le respecte, mais je ne vais pas regarder dans le rétroviseur. » Une mise en garde qui vaut pour ceux qui entendraient remettre en cause sa ligne politique.

  • 25 janvier 2018 : le « monopole de l’immigration » disputé à l’extrême droite

C’est sa première grande émission de télévision depuis son accession à la tête des Républicains. Invité de L’Emission politique, Laurent Wauquiez est notamment interrogé sur les similitudes entre son discours sur l’immigration et celui du Front national :

« Vous vous attendez à ce que, pour vous plaire, je fasse une droite qui ne parle pas d’immigration ? Que je laisse le monopole du discours sur l’immigration au Front national ? C’est hors de question. Je ne veux pas laisser le monopole du social à la gauche, je ne veux pas laisser le monopole du discours sur l’immigration à l’extrême droite. »

Une sortie vivement critiquée, deux jours plus tard, lors du conseil national du parti de droite. La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, marque sa division stratégique, évoquant « deux droites » qui cohabitent. Une assertion contredite immédiatement par Laurent Wauquiez, qui réplique : « Il y a une droite. Elle peut être diverse, mais il y a une droite, une seule droite ».

  • 16 février 2018 : enregistrement dans une école de commerce lyonnaise

C’est la première atteinte sérieuse à l’image du président des Républicains. La diffusion, vendredi 16 février par l’émission Quotidien, d’un enregistrement d’un cours donné par Laurent Wauquiez devant des étudiants d’une école de commerce lyonnaise ne passe pas.

Dans cet enregistrement, M. Wauquiez affirme notamment que, durant son mandat, Nicolas Sarkozy faisait placer ses ministres sur écoute ou encore qu’il était « sûr et certain » qu’Emmanuel Macron et ses équipes avaient participé à une « entreprise de démolition » durant la campagne contre François Fillon. Surtout, M. Wauquiez évoque le « bullshit » qu’il peut « sortir sur un plateau médiatique ».

Laurent Wauquiez annonce vouloir porter plainte contre Quotidien après la diffusion de ces enregistrements. « J’ai des défauts, je suis sans doute un peu trop direct, pas assez dissimulateur », affirme M. Wauquiez, avant d’insister : « J’assume les propos qui ont été les miens ».

  • 18 avril 2018 : un « référendum sur l’immigration »

Restriction du droit du sol, expulsion de 300 000 clandestins, préservation de l’« identité » et de la « nature » française… Le président du parti Les Républicains veut montrer par ses propositions qu’il n’est pas homme à se laisser entraver par « la dictature des censeurs ». Ni à renoncer à son entreprise de reconquête des électeurs partis vers le Front national. C’est ainsi qu’il propose pour la première fois un « référendum sur l’immigration ». « Ce n’est pas aux passeurs, ce n’est pas aux juges de décider qui entre en France. C’est aux Français de le faire, c’est leur pays », justifie-t-il. Mais en essayant de se faire entendre, l’ancien maire du Puy-en-Velay renforce son image clivante.

  • 17 juin 2018 : le limogeage de Virginie Calmels

Après deux semaines de crise ouverte au sommet du parti, la vice-présidente des Républicains, Virginie Calmels, est limogée de ses fonctions dirigeantes. Quelques jours plus tôt, la juppéiste avait accordé un entretien au Parisien dans lequel elle tançait l’autoritarisme de Laurent Wauquiez, et la droitisation de son parti.

« Depuis son élection, il démontre au fur et à mesure des jours qui passent qu’il semble être uniquement là pour défendre sa propre ligne. Il estime qu’il ne doit son élection qu’à sa seule présence. Je ne partage pas cette vision », y expliquait Virginie Calmels. Elle est remplacée par Jean Leonetti, maire d’Antibes et président du conseil national.

  • 19 novembre : le périlleux soutien aux « gilets jaunes »

Invité du journal de 20 heures de TF1, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes s’est posé comme un soutien sans faille du mouvement social naissant. « Le président [de la République] ne peut pas tourner le dos à cette France. Il faut annuler les hausses de taxe, c’est la seule solution qui permette de sortir de la nasse, juge M. Wauquiez. On ne leur demande pas de baisser les impôts, on leur demande juste de ne pas en prendre plus. Toutes ces taxes, trop c’est trop. Aujourd’hui, les Français ne s’en sortent plus. »

Sauf que quelques jours plus tard, les « gilets jaunes » enflamment la préfecture de Haute-Loire au Puy-en-Velay. Laurent Wauquiez prend ses distances avec le mouvement, au point d’en oublier qu’il a été jusqu’à porter le gilet jaune, le 24 novembre. Soutenir sans aller trop loin : c’est le difficile équilibre que tente durant des semaines de trouver Laurent Wauquiez face au mouvement social.

  • 11 janvier 2019 : le mea culpa

Le président de la région Auvergne-Rhônes-Alpes donne une interview aux Echos centrée sur les questions économiques et sociales. Une façon de répondre à ceux qui l’accusent d’avoir déserté le sujet au profit des thématiques régaliennes, considérées plus droitières. Et de viser un public sensible à ces problématiques remises au cœur de l’actualité par les « gilets jaunes ».

Mais il profite aussi de cet entretien pour esquisser un mea culpa. « J’ai parfois, par mes propos, prêté le flanc à des caricatures médiatiques et ça fait partie des choses qui doivent être corrigées », affirme-t-il.

  • 29 janvier 2019 : Bellamy pour les européennes

Laurent Wauquiez choisit François-Xavier Bellamy comme tête de liste pour les européennes, lors de la réunion de la commission nationale d’investiture. Elu à Versailles, ce professeur de philosophie âgé de 33 ans n’a jamais caché ses convictions personnelles sur les questions de société. Proche de La Manif pour tous, il a récemment réaffirmé sa position sur l’avortement qu’il considère comme un « drame ». « Cette question de l’IVG est une conviction personnelle que j’assume. Mais je comprends qu’elle ne soit pas partagée, et vous ne trouverez de ma part aucune parole offensante ni aucun jugement », a-t-il déclaré au Journal du dimanche. Un candidat choisi donc pour séduire la droite conservatrice.

  • 31 janvier 2019 : Eric Zemmour, invité vedette

Pour la première fois, le parti de droite accueille l’essayiste polémique à son siège du 15e arrondissement de Paris, lors du « Rendez-vous des idées ». « Eric est ici chez lui », lance dès le début M. Wauquiez, laissant penser à une communauté de vue surprenante avec l’un des penseurs star de la « droite hors les murs », avocat de thèses identitaires que d’aucuns n’hésitent pas à classer dans la partie la plus dure du spectre politique.

Certes, M. Wauquiez rappelle que les deux hommes ont des « différences » et « ne sont pas d’accord sur tout », mais il loue la vision historique de M. Zemmour et sa capacité à rappeler que la France « n’a jamais été aussi grande que quand elle assumait les valeurs qui étaient les siennes ».

  • 9 mars 2019 : une tribune pour « un autre chemin pour l’Europe »

En réponse à la lettre et aux propositions du président Emmanuel Macron, le chef des Républicains considère, dans une tribune au Monde, que l’Union européenne a échoué. Aux nations de lui faire changer de cap, affirme-t-il, se rapprochant des slogans portés par Marine Le Pen.

  • 26 mai 2019 : un « échec » électoral

Jusqu’au bout, les militants ont cru pouvoir faire mentir les sondages qui les plaçaient à environ 13 %. Prouver que la famille LR pouvait incarner une alternative, être un parti capable, une fois reconstruit, de gouverner de nouveau. Mais il n’en fut rien. Au soir du scrutin des européennes, la formation n’arrive qu’en quatrième position, avec à peine plus de 8 % des voix.

Après cette défaite historique, plusieurs personnalités de droite appellent au départ de Laurent Wauquiez. Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, affirme ainsi qu’« à la place » du chef de file de LR, elle aurait démissionné, tandis que Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat, a confirmé avoir demandé au numéro un de LR de démissionner. « A échec exceptionnel, mesure exceptionnelle, sinon nous disparaîtrons », explique-t-il.

  • 2 juin 2019 : la démission surprise

« Cette élection est un échec ». C’est par ces mots, prononcés dimanche 2 juin sur le plateau de TF1, que Laurent Wauquiez a annoncé sa démission de la présidence des Républicains, une semaine après la déroute de son parti aux élections européennes. Interrogé sur son avenir politique, Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a affirmé qu’il allait poursuivre son mandat local : « Je me suis toujours construit par le terrain. Qu’est-ce que je vais faire ? Je vais m’y consacrer, à me battre pour ces habitants qui m’ont fait confiance. »