Benoit Paire dispute dimanche son premier huitième de finale à Roland-Garros. / PHILIPPE LOPEZ / AFP

La clé des champs se trouve aux Bahamas. Ou à Los Angeles. C’est là, à des milliers de kilomètres de son Vaucluse natal, que Benoît Paire a rouvert au printemps une porte sclérosée de rouille : celle de la motivation. Dans une mauvaise passe après une défaite au premier tour du tournoi d’Indian Wells (Californie), début mars, le joueur décide de partir en vacances. « J’ai mis les raquettes au placard, j’avais juste envie de profiter. » Une coupure – avec son coach et son kiné – salutaire. Le Français, qui dispute dimanche 2 juin les huitièmes de finale de Roland-Garros, face à Kei Nishikori, a désormais « envie de [se] battre et de [s]’accrocher. »

Réputé tout autant pour son talent que pour sa propension à péter les plombs – et les raquettes –, Benoît Paire était en panne quand l’année a commencé. Pas au niveau du jeu, efficace à l’entraînement, mais en termes de motivation. « Quand arrivait le match, je n’étais pas heureux d’être sur le court, souffle-il. Or, ça n’avait jamais été le cas. J’aime les matchs, pas les entraînements. »

Joueur torturé et solaire, Benoît Paire est une personnalité à part dans le tennis mondial. De la caste des Kyrgios, mi-géniaux, mi-fous, mais refusant de dédier leur vie entière au tennis. Là où certains racontent leur entraînement stakhanoviste, il se dit « le premier surpris » de bien se sentir physiquement après avoir enchaîné huit rencontres en deux semaines, lui qui assume ne pas « [s]’entraîner aussi dur que tout le monde ». Préférant le foot avec ses potes aux séances de foncier, le néotrentenaire (il les a fêté le 8 mai) mène une carrière sinueuse.

Mais depuis cette coupure printanière, le joueur revit. « C’est bon, je sens que j’ai envie de jouer », assure-t-il lors du Challenger de Marbella à son entraîneur et ami de dix ans Morgan Bourbon, qu’il a rejoint cette année à l’académie Mouratoglou. La tête à l’endroit, le joueur se bat et les victoires s’enchaînent. Un titre à Marrakech et un autre à Lyon, la veille de l’ouverture de Roland-Garros, boostent sa confiance. Pour la première fois, Benoît Paire vient d’enchaîner huit victoires d’affilée sur le circuit principal. Lui qui avait tendance à lâcher les matchs quand il estimait avoir laissé passer sa chance a changé. Désormais il se bat.

« Il s’est donné une chance de gagner »

Pierre-Hugues Herbert peut en témoigner. Au second tour, l’Alsacien a d’abord été baladé sur le court « comme une souris par un chat qui s’amuse », tant Paire livrait une partition de soliste. Puis, le pilier du double de l’équipe de France est revenu et a breaké son ami au cinquième set. « Il y a quelque temps, après ça, il aurait cassé cinq raquettes, il serait pas revenu, analyse Herbert. Là il a rien lâché, il s’est battu comme un malade et il a fermé sa gueule. Il s’est donné une chance de le gagner. »

Une attitude qui rappelle son retour en équipe de France. Perdu pour la France après son éviction mouvementée des JO de Rio, Paire a ramé pour revenir sous le maillot bleu. Rappelé par Yannick Noah juste avant l’explosion de la Coupe Davis, il a disputé la demi-finale remportée en septembre dernier contre l’Espagne. Enfin au service de la France, Benoît Paire assure bénéficier d’un « effet Coupe Davis » auprès du public, qui ne l’a pas toujours ménagé.

Ce lien avec le public compte énormément pour le joueur. « Je suis très sensible et très émotif, expose-t-il, donc quand ça ne se passe pas très bien sur le court avec le public, même si je dis que je m’en fous et que je suis dans mon match, ça me touche forcément. Je l’entends. » Marqué par les sifflets en début d’année aux tournois de Marseille et de Montpellier après des non-performances, il savoure « l’accueil exceptionnel » que lui a réservé le court 14 de Roland-Garros pour son entrée en lice.

S’il s’agace encore parfois – « On se croirait en Espagne », grommelle-t-il au troisième tour, mécontent d’entendre les fans de son adversaire –, et se parle beaucoup, Benoît Paire a entrepris de canaliser sa fougue. « L’étalon mal dressé », formule de l’ancien DTN, Patrice Dominguez (mort en 2015), accepte désormais la bride. A sa manière.

Face à Herbert, il force sa nature, faisant abstraction du public. « Dans ma tête, on était déjà tellement nombreux… je n’avais pas besoin d’autres personnes à l’extérieur », plaisante-t-il, relatant avoir essayé de retrouver le fil conducteur d’un match qu’il aurait dû conclure en trois manches. « J’étais juste en train de me concentrer, en essayant ne pas péter les plombs, c’est très fort pour moi déjà ! »

Il carbure au plaisir et à l’envie

Une force nouvelle – son dernier pétage de plombs remonte à plus d’un an – qu’il puise dans son entourage. « Il a besoin de plus qu’une relation tennistique et il faut qu’il soit prêt à accepter ce qu’on lui dit, relate son coach, Morgan Bourbon dans Le Parisien. C’est un ultrasensible. » Qui carbure au plaisir et à l’envie. Deux éléments qu’il trouve à Roland-Garros.

A force de courir la Terre comme un éclair, quotidien des joueurs de tennis, Benoît Paire confesse sa lassitude. « Sur le circuit, ce n’est parfois pas simple de se retrouver très loin de tout le monde ». Notamment quand le début d’année implique de se retrouver aux antipodes australiens plutôt que de célébrer le Nouvel An en tribu. « Ce n’est pas facile parce qu’on aimerait justement partager des moments comme ça », poursuit-il. Lui n’oublie pas de vivre.

« Je sais que je suis pas comme tout le monde et qu’il faudrait que je fasse un peu plus, en matière d’entraînement, mais j’aime aussi profiter de la vie », martèle le joueur, heureux à Paris car il peut allier les deux. « Je profite énormément sur le court parce que j’aime le tennis. Et en même temps mes amis sont là, me soutiennent, et je passe vraiment des bons moments avec eux. » Et jusqu’ici, les résultats suivent.

« Tu ne sais plus ce que ça fait de perdre. » Dans les vestiaires du tournoi, le numéro 4 mondial Dominic Thiem a taquiné l’Avignonnais, qui insiste. « Je m’en souviens très bien », déterminé à prolonger sa série de victoires en savourant chaque moment. « Quand je suis bien et heureux sur un court, je peux battre n’importe qui. » Dimanche, ce n’est pas n’importe qui qui se présente sur le court du Suzanne-Lenglen, mais le numéro 7 mondial. Un joueur, Kei Nishikori, dont Paire admire l’influence dans son pays et qu’il a longtemps mis sur un piédestal, ratant ses entames de matchs. L’an passé, le Japonais s’était défait de lui en cinq sets Porte d’Auteuil. A Benoît Paire de prouver qu’il peut trouver la clé. « C’est pour ça que je joue au tennis ! »

Programme du dimanche 2 juin

Les premières rencontres (rotations) débutent à 11 heures sur chaque court et se suivent à chaque fin de match. Les Français sont indiqués en gras.

  • Court Philippe-Chatrier

Kaia Kanepi (Estonie) - Petra Martic (Croatie/n°31)

Leonardo Mayer (Argentine) - Roger Federer (Suisse/n°3)

Juan Ignacio Londero (Argentine) - Rafael Nadal (Espagne/n°2)

Sloane Stephens (Etats-Unis/n°7) - Garbine Muguruza (Espagne/n°19)

  • Court Suzanne-Lenglen

Marketa Vondrousova (République tchèque) - Anastasija Sevastova (Lettonie/n°12)

Donna Vekic (Croatie/n°23) - Johanna Konta (Grande-Bretagne/n°26)

Stefanos Tsitsipas (Grèce/n°6) - Stan Wawrinka (Suisse/n°24)

Kei Nishikori (Japon/n°7) - Benoît Paire (France)