Malgré son statut de numéro 4 mondial - derrière les trois intouchables Djokovic, Nadal et Federer, Dominic Thiem demeure dans l’ombre. / MARTIN BUREAU / AFP

Il ferait presque de la peine, Dominic Thiem. L’Autrichien est depuis le début annoncé comme l’un des grands favoris de Roland-Garros, derrière le Serbe Novak Djokovic et l’Espagnol Rafael Nadal, pourtant il n’a pas toujours les honneurs réservés à son rang (tête de série n° 4). Pour sa conférence de presse d’avant-tournoi, seule une dizaine de journalistes avaient fait le déplacement. Depuis son entrée en lice, les rangs se sont un peu grossis, mais l’Autrichien s’est déjà vu relégué dans une petite salle annexe, contrairement à l’Allemand Alexander Zverev et au Grec Stefanos Tsitsipas, par exemple.

L’Autrichien n’a pas l’air de s’en formaliser. Le joueur, doux comme un agneau dans la vie, convoque le loup sur le court, où, au contraire, il vocifère. Depuis le début du tournoi, il poursuit son petit bonhomme de chemin même si la copie n’est pas parfaite : trois matchs, trois victoires en quatre sets. Face à l’Uruguayen Pablo Cuevas, samedi, il eut même tout le public du court Suzanne-Lenglen contre lui dans le 4e set, frustré de ne pas voir le spectacle durer.

Son pedigree mériterait pourtant un peu plus de considération. Face aux trois mastodontes qui le précèdent au classement, Thiem possède un bilan que beaucoup de ses pairs lui envient : 2 victoires et 6 défaites contre Djokovic, 4-8 contre Nadal, 4-2 contre Federer, qu’il a battu en finale d’Indian Wells, en mars, son premier titre en Masters 1000, puis à nouveau à Madrid, en mai.

Séparation d’avec son mentor

Battre Nadal sur sa surface chérie, l’exploit est considérable. Lui l’a déjà fait quatre fois, la dernière en demi-finale à Barcelone, fin avril (6-4, 6-4). Mais battre le meilleur terrien de l’histoire à Roland-Garros reste le défi ultime. Faut-il rappeler que, depuis 2005, deux hommes seulement y sont parvenus en 90 matchs : Djokovic (2015) et le Suédois Robin Soderlin (2009).

Sur le court Philippe-Chatrier, Dominic Thiem s’y est déjà essayé trois fois, la dernière en 2018, en finale. Trois matchs, trois petits sets à chaque fois. « Je sais comment jouer contre lui, j’ai un plan », avait-il pourtant claironné à la veille de la finale.

« J’étais dévasté pendant deux, trois jours après cette défaite, racontait-il à Monte-Carlo, en avril. Mais je me suis dit que je n’étais pas le premier à perdre contre Nadal à Roland-Garros, donc que la défaite n’était pas si terrible. Et j’ai rapidement retrouvé toute ma motivation pour revenir en finale. »

Chaque année, le rendez-vous de la porte d’Auteuil est la priorité de sa saison. Mais jusqu’à l’année dernière, il se refusait à y viser la victoire. Une posture qui avait le don d’agacer Roger Federer. « Ça m’agace d’entendre Thiem dire “Mon but c’est d’atteindre les quarts ou les demi-finales” », confiait le Suisse récemment au New York Times. Nous, les top joueurs, nous ne sommes là que pour gagner Roland, Wimbledon et les autres, non ? Dire que ton objectif c’est les quarts, c’est un peu une mentalité de loser. »

Dominic Thiem et son revers à une main, lors de son 3e tour face à l’Uruguayen Pablo Cuevas, samedi 1er juin. / MARTIN BUREAU / AFP

Pas sûr que l’avis du Suisse soit revenu jusqu’à ses oreilles. Mais ces dernières semaines l’Autrichien force sa nature et répète qu’il est temps pour lui de franchir la dernière marche. Pour ça, il a pris quelques décisions radicales. A commencer par se séparer de celui qui était son mentor depuis ses 9 ans, Günter Bresnik. L’ancien entraîneur de Boris Becker et Henri Lecomte l’avait connu alors qu’il était encore en couches-culottes, à l’époque où le père de Thiem travaillait au sein de son académie, à Vienne.

Le coach aux méthodes quasi militaire en fit sa créature. C’est lui qui forgea le joueur aux frappes surpuissantes qui lui vaut son surnom de « Dominator », hérité de son compatriote Thomas Muster « Musterminator », qui souleva la coupe des Mousquetaires en 1995. Lui aussi qui lui demanda, à 12 ans, d’opter pour le revers à une main. Il a fallu deux ans pour que son joueur s’adapte au geste et retrouve son niveau d’avant.

En février, Thiem a intégré dans son clan l’ancien joueur chilien Nicolas Massu, 9e mondial en 2004. Avant de confirmer, début mai, la fin de sa collaboration avec Bresnik. « Cette année, il a gagné à Indian Wells et à Barcelone, je trouve que son tennis progresse il est dangereux, la victoire va se jouer entre Djokovic, Nadal et lui », prédit Louis Borfiga, vice-président de la fédération canadienne de tennis.

Viré à cause de Serena Williams

« La route est très longue pour espérer Gagner un Grand Chelem, vous êtes sous pression pendant deux semaines, disait cette semaine Thiem. C’est ce que j’ai retenu de l’an dernier. Le truc, c’est que nous, les jeunes joueurs, pour y parvenir, on doit battre en chemin deux de ces monstres qui ont gagné au moins 15 Grands Chelems. Rien que pour ça le défi est immense… »

Avant cela, l’Autrichien passera un premier test, face à Gaël Monfils, lundi 3 juin, pour un huitièmes de finale de gala. Face à Cuevas, samedi, il a estimé que « tout n’était pas encore parfait, mais c’était mon meilleur match jusqu’ici. Je crois que c’était plutôt un bon match sur terre », a-t-il simplement commenté, lors des trois seules questions en anglais qui lui furent posées.

Cette fois, l’Autrichien avait retrouvé les honneurs de la salle de presse principale. Pas pour longtemps. Serena Williams, qui venait de se faire éliminer au 3e tour, n’a pas voulu attendre que son prédécesseur ait fini avec les médias autrichiens. Il fut prié d’aller terminer l’exercice ailleurs pour faire place à la diva.