Au tribunal où se tient l’audience relative à la détention du fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, à Uppsala, en Suède, le 3 juin 2019. / TT NEWS AGENCY / REUTERS

Julian Assange et ses avocats ont remporté une première victoire tactique dans leur bataille judiciaire face aux autorités suédoises et américaines. Un juge suédois a rejeté, lundi 3 juin, la demande de la procureure Eva-Marie Persson, chargée d’enquêter sur une accusation de viol visant Julian Assange. Cette demande visait à le placer en détention « par défaut » (« arrestation en son absence »), alors que Julian Assange est actuellement détenu en Grande-Bretagne pour d’autres faits.

Cette « arrestation » était juridiquement nécessaire pour que la Suède puisse émettre un nouveau mandat d’arrêt pour faire revenir dans le pays le fondateur de WikiLeaks, et l’entendre officiellement.

Cette décision ne signifie pas la fin de l’enquête sur l’accusation de viol visant Julian Assange dans le pays depuis 2010, mais elle va rendre la tâche de la procureure plus compliquée : elle ne pourra pas le faire venir en Suède. Ceci alors que Julian Assange a quitté, il y a un mois, l’ambassade d’Equateur à Londres, où il était réfugié depuis 2012.

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Une longue saga judiciaire

Le parquet suédois réclame pourtant l’extradition du fondateur de WikiLeaks dans le cadre d’une accusation de viol remontant à 2010. A l’époque, après un imbroglio judiciaire durant lequel l’Australien prend un avion pour Londres, les autorités suédoises avaient émis un mandat d’arrêt pour l’interroger. Le fondateur de Wikileaks, alors en liberté conditionnelle, avait contesté ce mandat d’arrêt devant toutes les instances de la justice britannique, avant de se réfugier en 2012 dans l’ambassade d’Equateur à Londres.

Au fil des ans, les autorités équatoriennes, britanniques et suédoises ne sont pas parvenues à un accord pour interroger Julian Assange. Prenant acte de cette impossibilité, le parquet suédois a refermé la procédure pour viol en 2017, tout en soulignant qu’elle pouvait être rouverte si la situation de l’Australien évoluait.

C’est ce qui est arrivé en mai, lorsque Julian Assange a perdu la protection diplomatique équatorienne, et que la police britannique l’a arrêté à Londres pour avoir enfreint les conditions de sa liberté conditionnelle. Le parquet suédois en a profité donc pour relancer la procédure et de demander le placement de l’Australien en détention « par défaut ».

Stockholm et Washington se disputent M. Assange

Julian Assange a toujours nié les accusations d’agression sexuelle et de viol l’ayant visé en 2010. Cette accusation de viol a été formulée par une femme, âgée à l’époque d’une trentaine d’années, qui assure que l’Australien a engagé un rapport sexuel pendant qu’elle dormait et sans préservatif, alors qu’elle lui avait refusé tout rapport non protégé à plusieurs reprises. M. Assange assure que la plaignante était consentante.

A ce stade, la décision de la cour suédoise est de nature à simplifier l’avenir judiciaire de Julian Assange. Il purge actuellement, au Royaume-Uni, une peine de cinquante semaines de prison pour avoir enfreint les conditions de sa liberté conditionnelle. Mais il fait par ailleurs l’objet d’une demande d’extradition vers les Etats-Unis, où il a été inculpé d’espionnage pour avoir publié, en 2010, en collaboration avec plusieurs journaux dont Le Monde, des documents secrets sur la diplomatie américaine et les guerres en Irak et en Afghanistan. Si le parquet suédois échoue définitivement à obtenir un mandat d’arrêt, les autorités britanniques n’auront pas à départager Stockholm et Washington.

« Dans l’éventualité d’un conflit entre le mandat d’arrêt européen et une demande d’extradition de la part des Etats-Unis, les autorités britanniques décideront sur l’ordre de priorité. L’issue de ce processus est impossible à prévoir » avait déclaré la procureure Eva-Marie Persson, en demandant à la cour l’arrestation de Julian Assange. Ceci alors que la santé de Julian Assange est très mauvaise, selon ses avocats.

Une audience de procédure concernant son extradition vers les Etats-Unis, qui devait se tenir jeudi 30 mai, a été reportée. Le statut de la première audience sur le fond de l’affaire, qui devait se tenir le 12 juin, est incertain. Le rapporteur des Nations unies sur la torture, qui a rencontré Julian Assange en prison, a expliqué vendredi que le fondateur de WikiLeaks présentait des symptômes de « torture psychologique » en raison de « l’environnement hostile auquel il a été exposé pendant plusieurs années ».

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