Le premier ministre finlandais, Antti Rinne, 56 ans, dont la formation est arrivée en tête des élections législatives le 14 avril. / MIKKO STIG / AFP

Ils n’avaient plus gouverné depuis avril 2003. Seize ans plus tard, les sociaux-démocrates finlandais reviennent aux affaires, sous la direction du premier ministre Antti Rinne, 56 ans, dont la formation est arrivée en tête des élections législatives le 14 avril, dépassant à peine le parti des Vrais Finlandais (extrême droite). Au terme de longues négociations, M. Rinne a présenté, lundi 3 juin, le programme de la coalition qu’il est parvenu à former avec le Parti du centre du premier ministre sortant, Juha Sipilä, la Ligue verte, le Parti la gauche et le Parti du peuple suédois.

Selon les experts, il s’agit du gouvernement le plus « rouge et vert » qu’ait connu le pays de 5,5 millions d’habitants depuis des années. Finies l’austérité et les restrictions budgétaires menées depuis huit ans, sous la direction des conservateurs de la Coalition nationale, puis des centristes. Antti Rinne a annoncé qu’il était temps d’« investir dans l’avenir » et de « réduire les différences de revenus au sein de la société finlandaise ».

Son prédécesseur avait baissé les dépenses publiques de quatre milliards d’euros sur quatre ans. Le chef de file des sociaux-démocrates promet de les augmenter de 1,23 milliard d’euros par an d’ici 2023, en plus des trois milliards d’euros réservés à divers projets ponctuels. Le gouvernement prévoit d’investir massivement dans l’éducation.

Hausse des impôts

La hausse des dépenses publiques sera financée par une augmentation des impôts à hauteur de 730 millions d’euros et notamment des taxes sur l’alcool, le tabac, les boissons sucrées, ainsi que par la fiscalité écologique. Le gouvernement compte également se débarrasser d’actifs pour un montant de 2,5 milliards d’euros.

L’équilibre des finances publiques reste une priorité et devra être assuré par la hausse du taux d’activité. Actuellement à 72,4 %, le gouvernement finlandais s’est fixé pour objectif de le faire passer à 75 % d’ici 2023, soit une création de 60 000 nouveaux postes, dans un pays où le vieillissement accéléré de la population constitue une menace pour son système de protection sociale.

Le 8 mars, Juha Sipilä avait d’ailleurs symboliquement présenté sa démission, un mois avant les élections, après l’échec de sa grande réforme de la santé et des services sociaux. Antti Rinne s’est engagé à relancer le chantier, tout en renvoyant aux partenaires sociaux la responsabilité de présenter, d’ici la fin août, des dispositifs destinés à inciter les Finlandais à travailler plus.

Neutralité carbone d’ici 2035

L’ancien leader syndical évite ainsi « le piège de devoir présenter des mesures impopulaires », constate le politologue Göran Djupsund. Avec un risque, cependant : « Si les partenaires sociaux ne parviennent pas un accord, le gouvernement pourrait être en difficulté dès le mois de septembre, car l’équilibre des finances publiques va dépendre de la création de ces 60 000 emplois. »

Le Parti social-démocrate décroche sept portefeuilles ministériels, dont le ministère de l’emploi et celui des affaires européennes, alors que la Finlande va assurer la présidence de l’Union européenne à partir du 1er juillet. En position de force dans ces négociations, malgré son mauvais score électoral, le Parti centriste en obtient cinq, dont les finances, l’économie et la défense. M. Sipilä, qui quittera la tête du parti en septembre, a précisé qu’il n’entrerait pas au gouvernement.

Grand gagnant des élections européennes avec 16 % des voix, le meilleur score de son histoire, la Ligue verte prend la direction des affaires étrangères, de l’intérieur et de l’environnement. Sous l’impulsion des écologistes, le gouvernement s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2035 – sans révéler, pour le moment, comment il y parviendrait. « C’est une bonne journée pour les Finlandais », s’est extasiée Sini Harkki, responsable de l’ONG Greenpeace en Finlande.

De son côté, Jussi Halla-aho, le leader des Vrais Finlandais, arrivé en seconde position aux élections législatives, a fustigé une politique « radicale » en matière d’écologie et d’immigration. Le gouvernement prévoit d’accueillir 850 réfugiés par an, soit cent de plus qu’aujourd’hui.