Jambon, produits laitiers, viande bovine, fruits et légumes, l’inflation tarifaire a touché tout cet assortiment en 2018. Selon le rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, remis au Parlement lundi 3 juin, les tarifs des produits alimentaires ont progressé de plus de 2 % dans les rayons des magasins. Soit une nouvelle hausse, plus prononcée qu’en 2017. Qui a profité de cette valorisation ? La question est au cœur de l’exercice effectué pour la huitième fois par cet observatoire.

Comme le souligne son président, Philippe Chalmin, professeur à l’université Paris-Dauphine, dans son avant-propos, ce rapport a pour spécificité d’être publié juste après la mise en musique de la loi Egalim. Un texte législatif qui fait suite aux débats des Etats généraux de l’alimentation dont l’un des objectifs était de mettre fin à la guerre des prix sans merci entre les enseignes de grande distribution, destructrice de valeur pour tous et source de prix non rémunérateurs pour les agriculteurs. Mais M. Chalmin précise qu’il est trop tôt pour « évaluer concrètement l’impact de la nouvelle loi sur les “négos” 2019 ».

L’Observatoire constate que, en 2018, les prix payés aux agriculteurs ont augmenté de 2,2 %, après une hausse de 3 % en 2017. Une progression qui concerne d’abord les fruits (+ 12,3 %), les légumes (+ 8,2 %), le blé tendre (+ 11,9 %) et très peu le lait (+ 1 %). A l’inverse, le porc est en forte baisse. Une évolution, a priori, positive pour les exploitations agricoles. Sauf que, sur cette période, les coûts de production ont parfois augmenté plus vite. D’où une rémunération des agriculteurs souvent en repli sur l’année écoulée, en particulier pour les éleveurs.

Un an de décalage

C’est le fait des éleveurs laitiers, dont la rémunération pour 1 000 litres passe de 116 euros à 109 euros, des éleveurs bovins, dont la rémunération est estimée entre 0,7 et 1,3 smic. Même ordre de grandeur pour les éleveurs ovins. La situation est plus favorable dans les exploitations céréalières, où la marge nette est redevenue positive en 2018, en comptant une rémunération de 1,1 smic, après une année 2016 déficitaire et un retour à l’équilibre en 2017.

Comme chaque année, l’observatoire, au-delà des grandes données de cadrage, passe à la moulinette la répartition de la marge brute sur quelques produits alimentaires-clés. Pour le jambon, dont le prix payé par le consommateur est passé de 11,55 à 11,82 le kilo, l’éleveur a vu sa marge fondre de 34 % à 26 %. Au profit de l’abattage-découpe (de 9,7 % à 13 %), de l’industrie charcutière (de 17,5 % à 19,3 %) et de la grande distribution (de 38,7 % à 41,3 %). Dans le cas du yaourt nature, la grande distribution conforte également d’un iota sa marge brute (de 30,2 % à 31,4 %), face à l’industriel (de 56,2 % à 55,7 %) et à l’éleveur (de 13,6 % à 13 %). Le consommateur a, pour sa part, vu le prix passer de 1,65 euro à 1,73 euro le kilo. L’évolution est quasi similaire pour la cuisse de poulet, dont la marge brute se répartit à 43,9 % pour la distribution, à 25,2 % pour l’industriel et à 30,9 % pour l’éleveur.

Il est vrai que les rayons charcuterie et volaille sont les plus rentables de la grande distribution. Signe de la difficulté de l’exercice de cet Observatoire qui travaille main dans la main avec l’institut public FranceAgriMer, les marges nettes des grandes enseignes sont livrées avec un an de décalage. Il en ressort que la marge nette de la distribution sur les rayons alimentaires frais a baissé en 2017, passant de 1,7 % à 1,2 % avant impôt. La marge brute étant aussi en repli, passant de 29,7 % à 29,4 %. Sur le podium, la charcuterie, avec une marge brute de 33,3 %, suivie des fruits et légumes (30,1 %) et de la volaille (28,7 %). M. Chalmin souligne un autre écueil : « un des objectifs évoqués en 2018 n’a pu être réalisé pleinement : il s’agit du travail sur les comptes de l’industrie laitière » et ajoute de ne pouvoir que « regretter les difficultés pour progresser en termes de transparence sur ce secteur ».