Lundi 3 juin, deux djihadistes français ont été condamnés à la peine de mort par le tribunal antiterroriste de Bagdad pour leur appartenance à l’organisation Etat islamique (EI). Ces condamnations portent à onze le nombre de djihadistes français condamnés à la peine suprême par la justice irakienne ces dernières semaines.

Des procès qui ont relancé le débat sur les étrangers de l’EI, dont le retour au pays suscite un vif rejet dans les opinions publiques européennes. La France se trouve devant un paradoxe : elle ne veut pas juger ses ressortissants, mais elle est opposée par principe à la peine de mort. Paris dit donc intervenir « au plus haut niveau » pour éviter qu’ils ne soient pendus – sans toutefois contester l’« équité » des procès. Qui sont ces onze djihadistes français condamnés à mort ? Et que leur reproche la justice irakienne ?

  • Kévin Gonot, condamné à mort le 27 mai

C’est l’une des figures les plus connues parmi les djihadistes français condamnés à la peine de mort. Agé de 32 ans, Kévin Gonot a longtemps évolué dans les sphères salafistes toulousaines avant de partir en Syrie en 2013.

Dès le milieu des années 2000, il a ainsi fait partie des membres actifs de la cellule historique d’Artigat, emblématique de l’essor des premières thèses djihadistes en France. Plusieurs de ses membres ont été condamnés pour avoir créé une des premières filières de combattants vers l’Irak. Kévin Gonot est ensuite devenu l’époux d’une nièce des frères Clain, deux émirs de l’EI qui avaient enregistré le message de revendication des attentats du 13 novembre 2015.

Il a été arrêté en Syrie avec son demi-frère Thomas Collange, sa mère et son épouse. Lors de son procès fin mai, Kévin Gonot a dit au juge « regretter » d’être parti en Syrie, où son père a été tué et où il a d’abord rejoint le Front Al-Nosra (ex-branche d’Al-Qaida en Syrie) avant de prêter allégeance à l’EI, selon l’instruction.

Celui qui se faisait appeler Abou Sofiane au sein de l’EI affirme avoir été blessé au ventre en 2015 à Kobané, en Syrie, et avoir été transféré ensuite à Mossoul, « capitale » de l’EI en Irak de 2014 à 2017, pour y être hospitalisé et non pour combattre. En France, il a déjà été condamné en son absence à neuf ans de prison.

  • Léonard Lopez, condamné à mort le 26 mai

Lui aussi a fait partie des premiers réseaux salafo-djihadistes démantelés en France dans les années 2000. Agé de 32 ans, Léonard Lopez a été condamné, par contumace, en juillet 2018, à cinq ans d’emprisonnement, pour avoir été administrateur et modérateur d’Ansar Al-Haqq, un des premiers sites francophones ayant diffusé des communiqués d’organisations terroristes.

Il était également un des piliers de Sanabil, une association aujourd’hui dissoute, qui venait en aide aux détenus musulmans et dont les frères Clain ont eux-mêmes été des gestionnaires du site Internet.

Ce fils d’un fonctionnaire de la Ville de Paris a pris la fuite pour la Syrie en 2015 avec sa femme et ses deux enfants alors qu’il faisait l’objet d’un placement sous contrôle judiciaire. Après trois ans de guerre dans les rangs de l’EI, Léonard Lopez a été arrêté en avril 2018 par les forces kurdes.

  • Mustapha Merzoughi, condamné à mort le 27 mai

Français d’origine tunisienne, Mustapha Mezoughi a fait savoir lors de son audition devant le Conseil suprême des juges irakiens qu’il avait servi dans l’armée française de 2000 à 2010 et qu’il a combattu en Afghanistan en 2009. Celui qui se faisait appeler Abou Omrane Al-Faransi est originaire de Toulouse et a vécu à Metz, qu’il a quitté après avoir divorcé et perdu son emploi.

Il aurait ensuite été chauffeur routier, puis se serait rendu en Belgique, où il aurait volontairement intégré une filière d’acheminement de combattants vers la Syrie. Selon L’Express, Mustapha Merzoughi est poursuivi en France dans le cadre d’une information judiciaire ouverte notamment pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste ». Il est par ailleurs connu du renseignement français pour avoir été recruteur de jeunes femmes désirant se rendre en Syrie.

  • Salim Machou, condamné à mort le 26 mai

Agé de 41 ans, Salim Machou a appartenu à la brigade Tariq Ibn Ziyad, une cellule d’Européens de l’EI que les autorités américaines décrivent comme un « vivier d’auteurs d’attaques » perpétrées en Europe et ailleurs dans le monde, qui a compté jusqu’à « 300 membres ». Il a, selon le Centre d’analyse du terrorisme (CAT), hébergé à Rakka Jonathan Geffroy, un Français capturé en Syrie et remis à la justice française qui a fait de nombreuses révélations, notamment sur les frères Clain.

  • Fodil Tahar Aouidate, condamné à mort le 2 juin

Agé de 33 ans, originaire du nord de la France, décrit comme charismatique et violent, seul garçon d’une fratrie de huit sœurs, Fodil Tahar Aouidate a entraîné une large partie des siens dans son aventure en Syrie. Plus d’une vingtaine de membres de sa famille ont suivi ses pas après son départ avec femme et enfants en 2013. Deux de ses sœurs ont été jugées, en janvier, pour « financement du terrorisme », après avoir envoyé plusieurs dizaines de milliers d’euros à leurs proches sur zone.

Le nom de Fodil Tahar Aouidate est par ailleurs apparu dans l’enquête sur le 13 novembre 2015. Hasna Aït Boulahcen, la cousine du Belgo-Marocain Abdelhamid Abaaoud, logisticien du commando, a en effet été en contact avec l’épouse de Fodil Tahar Aouidate les jours suivants les attentats via un numéro turc. Hasna Aït Boulahcen cherchait alors désespérément à aider Abaaoud, en quête d’une planque. Fodil Tahar Aouidate est ensuite apparu, en décembre 2015, dans une vidéo, pour se féliciter des attentats.

  • Yassine Sakka, condamné à mort le 29 mai

Agé de 29 ans et originaire de Lunel (Hérault), Yassine Sakka a lui aussi rejoint la brigade Tariq Ibn Ziyad, selon l’accusation. Celui qui se faisait appeler Abou Salmane Al-Faransi a mis en ligne des photos où il pose avec des armes. Il a dit à la cour avoir « participé à des combats contre l’Armée syrienne libre » (ASL, rebelles).

Il a assuré avoir déchanté et tenté de fuir. « Mais c’était dur de trouver un passeur, car je n’étais pas un civil, mais un terroriste, un type de l’EI », a-t-il dit au juge. Yassine Sakkam a affirmé au juge irakien avoir également fait venir une jeune Française de sa famille élargie, Saïda, pour l’épouser. Elle est, selon lui, aux mains des Kurdes en Syrie avec leur fils et une fille qu’elle a eue d’un premier mariage.

  • Karam El Harchaoui, condamné à mort le 28 mai

Sans emploi, Karam El Harchaoui est arrivé en Syrie en 2014 au terme d’un long périple : Belgique-Italie en bus, Italie-Albanie par bateau, puis Albanie-Turquie en avion et enfin la Syrie grâce à un passeur, a-t-il détaillé au juge.

Il a épousé successivement deux Belges, rencontrées sur Facebook et qu’il a fait venir en Syrie. Après que son frère, qui avait également rejoint l’EI, a été tué dans un bombardement, Karam El Harchaoui s’est rendu en janvier 2018 aux forces kurdes anti-EI en Syrie.

  • Brahim Nejara, condamné à mort le 28 mai

Ce Français de 33 ans, accusé par le renseignement français d’avoir facilité l’envoi de djihadistes en Syrie, se faisait appeler Abou Haydar. Il était apparu peu après le 13-Novembre dans une vidéo du groupe terroriste intitulé « Paris s’est effondrée ».

Originaire de Meyzieu, près de Lyon, d’où sont partis plusieurs djihadistes français, il a également incité un de ses frères à commettre un attentat en France, selon le CAT. En Syrie, de même source, il a fréquenté Foued Mohamed-Aggad, l’un des kamikazes du Bataclan, salle de spectacle où a eu lieu l’une des tueries du 13-Novembre.

  • Vianney Ouraghi, condamné à mort le 3 juin

Agé de 28 ans, il a affirmé au juge être parti en Syrie avec Lyes Darani, condamné à huit ans de prison en France pour avoir voulu préparer un attentat à son retour en 2013.

Cet ancien étudiant en psychologie à Lille, qui s’est adressé au juge en arabe classique, appris lors de séjours linguistiques au Caire, a rejoint le Front Al-Nosra avant l’EI. Marié à deux Syriennes, Vianney Ouraghi a plaidé n’avoir été qu’un « fonctionnaire administratif de l’EI », chargé « des veuves et des familles » de djihadistes, pour un salaire mensuel de 200 dollars. Le juge a toutefois montré un document administratif de l’EI sur lequel il est enregistré comme « combattant ».

  • Mourad Delhomme, condamné à mort le 3 juin

Présenté comme un « vétéran du djihad » par le renseignement français, celui qui se faisait appeler Abou Ayman au sein de l’EI a également rejoint la brigade Tariq Ibn Ziyad, selon l’accusation.

Durant une heure lors de son procès, l’homme âgé de 41 ans a fait le récit de son séjour en Syrie – où il avait déjà vécu de 2009 à 2012 –, avec rebondissements, mariages, détentions, violences et tentatives de fuites avortées.

Il a rejoint le territoire de l’EI, a-t-il juré, pour sauver la femme d’un ami – proche des mouvements djihadistes algériens et mort au combat en Syrie dans les rangs de l’EI – prisonnière des rebelles syriens. Il a fini par épouser cette femme et avoir un enfant avec elle, a-t-il dit au juge, en plus de sa première épouse palestinienne de Syrie rencontrée en 2009 à Damas, et d’une autre, rencontrée en Syrie en 2014.

  • Bilel Kabaoui, condamné à mort le 3 juin

Agé de 32 ans, Bilel Kabaoui se faisait appeler Abou Al-Farouq au sein de l’EI. Il a affirmé au juge avoir convaincu sa femme, aujourd’hui aux mains des Kurdes de Syrie, de rejoindre la Syrie. Il a plaidé avoir été lui-même décidé par un ami, qui lui avait affirmé qu’il pourrait quitter la Syrie à tout moment. « C’était il y a cinq ans, j’étais super bête », a-t-il déclaré.

Souffrant d’un fort asthme, il a affirmé avoir obtenu « une dizaine de certificats médicaux de l’EI [le] déclarant inapte » au combat. Il a également indiqué au juge avoir été « aide-soignant » à Manbij, dans le nord syrien, puis « geôlier » dans l’un des très redoutés tribunaux de l’EI, qui ordonnaient régulièrement châtiments corporels et exécutions sommaires.

Il s’est rendu aux forces kurdes anti-EI en octobre 2017, sur les conseils de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), a-t-il dit. Il avait chargé sa belle-mère d’appeler l’agence du renseignement français pour connaître la marche à suivre pour rentrer et être jugé en France avec sa famille.