Après les deux jours de grève organisée par les dirigeants du mouvement civil de contestation, le sit-in continue aux abords du quartier général de l’armée, à Khartoum, la capitale du Soudan, le 31 mai. / LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE »

Le Conseil militaire à la tête du Soudan tente, lundi 3 juin, de faire disperser « par la force » le sit-in dans la capitale, Khartoum, où des milliers de manifestants réclament le transfert du pouvoir aux civils, selon le mouvement de contestation. En réaction, celui-ci appelle les Soudanais à manifester pour « renverser » le Conseil militaire.

Depuis le 6 avril, des milliers de manifestants campent devant le siège de l’armée à Khartoum. Après avoir demandé le soutien des militaires contre le président Omar Al-Bachir, ils réclament désormais le départ du pouvoir des généraux qui ont évincé le chef de l’Etat le 11 avril.

Des négociations entre les deux camps visant à former un Conseil souverain, censé assurer la transition politique pour trois ans, ont échoué le 20 mai. Depuis, le Conseil militaire a multiplié les mises en garde à l’encontre du mouvement de contestation. Il a notamment dénoncé des débordements autour du sit-in, les qualifiant de « menace pour la sécurité et la paix publiques » et promettant d’agir « avec détermination » face à cette situation.

Des coups de feu et de la fumée

Acteur majeur de la contestation, l’Association des professionnels soudanais (SPA) a dénoncé, lundi, « une tentative du Conseil militaire de disperser le sit-in par la force ». Le Comité central des médecins soudanais, proche du mouvement de contestation, a fait état d’au moins deux morts et de plusieurs blessés.

« J’entends des bruits de coups de feu et je vois la fumée s’échapper de la zone de sit-in », a rapporté à l’Agence France-Presse (AFP) un témoin habitant à proximité. Un autre résident a souligné que des forces en uniforme de police tentaient d’expulser les manifestants d’une rue près du sit-in.

L’Association des professionels soudanais (SPA, Soudanese Professionnels Association) a condamné un « massacre sanglant », appelant les Soudanais à « la désobéissance civile totale pour renverser le Conseil militaire perfide et meurtrier ». Elle a également demandé aux « révolutionnaires » de se descendre dans la rue pour poursuivre leurs marches de protestation.

De son côté, l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC) – fer de lance de la contestation –, a appelé à des « marches pacifiques et des cortèges dans les quartiers, les villes, les villages », pour « renverser »  le Conseil militaire au pouvoir.

Faire pression sur l’armée

Plusieurs personnes ont été tuées ces derniers jours dans des circonstances peu claires à proximité du lieu du sit-in. Des soldats et des agents des forces de sécurité avaient été déployés samedi autour de la rue du Nil, près du lieu du sit-in, empêchant l’accès à cette zone.

La SPA avait accusé le même jour les militaires de « planifier de façon systématique et de s’employer à disperser le sit-in pacifique (…) avec une force et une violence excessives ». Le mouvement de contestation avait appelé à une grève générale mardi 28 et mercredi 29 mai à travers le pays pour faire pression sur l’armée, où elle avait été observée dans divers secteurs d’activité.

Le chef du Conseil militaire au pouvoir, Abdel Fattah Abdelrahman Bourhane, s’est rendu récemment en Egypte, aux Emirats arabes unis et en Arabie saoudite, trois pays qui lui ont affiché leur soutien. Le Conseil militaire avait fermé la semaine dernière le bureau de Khartoum de la chaîne d’information qatarie Al-Jazia, qui diffuse régulièrement des images des manifestations. Celle-ci a dénoncé une « totale violation de la liberté de la presse ». Le même jour, des centaines de Soudanais manifestaient en soutien à l’armée dans la capitale. Le lendemain, le patron de l’ONU, Antonio Guterres, exhortaient les deux parties à reprendre les négociations.

A la tête du Soudan pendant près de trente ans, Omar Al-Bachir a été destitué et arrêté par l’armée le 11 avril sous la pression d’un mouvement inédit, déclenché le 19 décembre par la décision des autorités de tripler le prix du pain dans un pays miné par une grave crise économique.

Soudan : comment Omar Al-Bachir a été destitué par l’armée
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