Le premier ministre thaïlandais et chef de la junte, Prayut Chan-o-cha, le 5 juin à Bangkok. / ATHIT PERAWONGMETHA / REUTERS

Sans surprise, le chef de la junte militaire au pouvoir en Thaïlande depuis le coup d’Etat de 2014, Prayut Chan-o-cha, a été élu mercredi 5 juin par les parlementaires au poste de premier ministre. Le général de 65 ans a obtenu 500 voix contre 244 pour son unique rival, un milliardaire à la tête d’une coalition antijunte, d’après un décompte retransmis à la télévision.

La victoire de Prayut Chan-o-cha était pratiquement acquise, car la nouvelle Constitution, adoptée en 2017, octroie à l’armée la nomination des 250 sénateurs. Il n’avait donc besoin que de 126 voix parmi les 500 députés pour conserver son poste de premier ministre.

Un seuil atteint facilement mercredi soir après deux mois d’intenses tractations du Palang Pracharat, parti des militaires, qui a obtenu le ralliement de plusieurs mouvements conservateurs, au premier rang desquels le Parti démocrate.

Face à Prayut Chan-o-cha, le milliardaire Thanathorn Juangroongruangkit, fondateur du nouveau parti d’opposition Nouvel Avenir, n’a pas pu faire le poids. « Aujourd’hui ne marque pas une fin mais un début, a-t-il déclaré après l’annonce de sa défaite. Nous allons travailler encore plus dur pour l’avenir de nos enfants. »

Plébiscité notamment par la jeunesse, son mouvement avait créé la surprise aux législatives du 24 mars en devenant la troisième force politique du pays. Depuis, les ennuis judiciaires, dénoncés comme politiques, se sont accumulés pour l’homme d’affaires de 40 ans, suspendu temporairement de son mandat de député et à qui il était interdit d’entrer dans l’hémicycle.

Premières législatives depuis le coup d’Etat de 2014

Abhisit Vejjajiva, figure du parti démocrate et ancien premier ministre, a créé l’événement mercredi en annonçant devant le Parlement qu’il démissionnait de son poste de député. « Je ne peux pas entrer dans l’Assemblée et voter pour le général Prayut Chan-O-cha, je ne peux pas faire ça », a-t-il lancé alors que la décision de soutenir les généraux divisait certains membres de son parti.

Depuis les législatives du 24 mars, les premières depuis le coup d’Etat de 2014, l’opposition a dénoncé de nombreuses fraudes et critiqué la façon dont les dés avaient été pipés par les militaires.

M. Juangroongruangkit n’avait presque aucune chance d’être élu, même si numériquement la coalition antijunte qu’il représente était largement devant. Sans l’appui du Sénat, elle devait obtenir 376 voix à la chambre basse pour pouvoir former un gouvernement, un chiffre quasi impossible à atteindre.

Le bon score de Nouvel Avenir, plébiscité par plus de 6 millions d’électeurs, montre en tout cas que le vieux clivage politique entre les factions des « chemises rouges » (réformatrices et proches de l’influente famille Shinawatra) et les « chemises jaunes » (l’élite conservatrice alignée sur l’armée) est dépassé.

Le nouveau roi de Thaïlande Maha Vajiralongkorn a insisté au début de mai, lors de son couronnement, sur la nécessaire « unité » de son royaume. Prayut Chan-o-cha est perçu par ses défenseurs comme un gage de stabilité, capable de défendre l’unité du pays et de l’empêcher de replonger dans les fréquentes crises politiques qu’il a connues. Mais ses détracteurs soulignent que, depuis 2014, il a échoué à réformer le royaume, à moderniser l’économie et à réduire les inégalités.

Comment la Thaïlande est redevenue une dictature militaire
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