Un bateau de la garde nationale tunisienne patrouille en mer Méditerranée, au large de Zarzis, en mai 2015. / FETHI BELAID / AFP

Le capitaine d’un bateau égyptien ayant recueilli dans les eaux internationales, vendredi, 75 migrants partis de Libye, a lancé un appel aux autorités tunisiennes, lundi 3 juin, pour qu’elles le laissent accoster, alors que les vivres commencent à manquer et que des migrants sont malades. Cet incident intervient alors que les navires de l’opération européenne anti-passeurs « Sophia » ont cessé d’intervenir en mer Méditerranée, tandis que les navires humanitaires font face à des blocages judiciaires et administratifs.

Le remorqueur égyptien Maridive 601, qui dessert des plateformes pétrolières entre la Tunisie et l’Italie, est arrivé vendredi soir au port de Zarzis, dans le sud de la Tunisie, après avoir récupéré dans la matinée les migrants à la dérive. « Je demande aux autorités tunisiennes de nous permettre d’urgence d’entrer dans le port de Zarzis », a déclaré à l’AFP le capitaine, Faouz Samir, ajoutant que « l’état de santé des migrants est mauvais » et que « beaucoup sont atteints de la gale ».

Sur des photos mises en ligne par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), les migrants sont allongés sur le pont du bateau et des marins tentent de les nourrir. Un médecin a pu monter à bord, a indiqué la branche locale du Croissant-Rouge. « Quatre personnes sont dans un état qui nécessite une intervention médicale et la plupart d’entre eux sont atteints de la gale infectieuse », a déclaré à l’AFP Mongi Slim, responsable du Croissant-Rouge dans le sud de la Tunisie.

« Des politiques de plus en plus restrictives »

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les migrants, 64 Bangladais, 9 Egyptiens, un Marocain et un Soudanais, dont au moins 32 enfants et mineurs non accompagnés, « ont besoin d’urgence d’eau, de nourriture, de vêtements, de couvertures et surtout d’assistance médicale ». L’agence de l’ONU a indiqué être prête à aider la Tunisie pour accueillir ces candidats à l’exil partis de Libye dans l’espoir d’atteindre l’Europe.

« Nous comprenons les difficultés et l’ampleur des défis que les flux migratoires peuvent poser et nous travaillons à appuyer les capacités de secours et d’assistance, a souligné Lorena Lando, cheffe de mission de l’OIM en Tunisie. Nous restons toutefois préoccupés par les politiques de plus en plus restrictives adoptées par plusieurs pays du nord de la Méditerranée. »

Depuis la mise en place mi-2018 d’une zone de secours et de sauvetage confiée aux autorités libyennes, les garde-côtes libyens sont chargés de récupérer et ramener en Libye les migrants en détresse dans une partie de la Méditerranée, en dépit des condamnations de l’ONU et de nombreuses ONG. Des navires, y compris militaires, ayant porté secours aux migrants ont régulièrement été interdits d’accès aux ports italiens.

Début 2019, le Haut Commissariat de l’ONU aux réfugiés de l’ONU (HCR) soulignait que « la Méditerranée est depuis plusieurs années la voie maritime la plus meurtrière au monde pour les réfugiés et les migrants, avec un taux de mortalité qui a fortement augmenté » en 2018.

Les arrivées depuis la Libye se sont multipliées

Selon le FTDES, le gouverneur de Médenine s’oppose à ces nouvelles arrivées, car il réclame un soutien des autres régions de Tunisie et du gouvernement pour accueillir les migrants, dont les arrivées depuis la Libye voisine se sont multipliées, par la mer comme par voie terrestre, ces derniers mois. L’ONG tunisienne a appelé lundi le gouverneur à laisser accoster le bateau. Le gouvernement et les autorités locales, sollicitées par l’AFP, n’ont pas souhaité s’exprimer.

En août 2018, un autre bateau commercial, le Sarost 5, était resté bloqué plus de deux semaines en mer avec les 40 immigrés clandestins qu’il avait secourus. Soucieuses de ne pas créer un précédent, les autorités tunisiennes avaient souligné qu’elles acceptaient ces migrants exceptionnellement et pour raisons « humanitaires ». Le 10 mai, seize migrants originaires en majorité du Bangladesh avaient été sauvés par des pêcheurs tunisiens après le naufrage de leur embarcation, qui avait fait une soixantaine de morts.