L’équipe de France face à la Chine, en match amical,le 31 mai 2019. / Liewig Christian/ABACA

Le football français aura-t-il réussi sa Coupe du monde, même si, le soir du 7 juillet, il n’est pas auréolé d’un premier titre de champion du monde féminin ? La question se pose tant les Bleues suscitent de l’espoir avant cette première grande compétition féminine organisée en France. Dès le match d’ouverture, vendredi 7 juin au Parc des Princes, tous les regards convergeront sur les footballeuses, dont la médiatisation, à l’image du dispositif inédit mis en place par le principal diffuseur, TF1, promet d’atteindre des sommets jusque-là inégalés.

Mais une victoire en Coupe du monde, aussi importante soit-elle, ne peut pas et ne doit pas décider de l’avenir de la pratique féminine en France. Jamais sacrée, jamais finaliste dans un grand tournoi international, l’équipe de France féminine, qui rêve d’inaugurer enfin son palmarès, n’a disputé son premier match officiel qu’en 1971 et ne participe qu’à son quatrième Mondial. En 1998, les footballeurs tricolores n’avaient remporté le trophée si convoité qu’au bout de leur dixième tentative.

« Bien sûr, ne pas gagner serait très douloureux, mais le pire serait l’impact d’une mauvaise performance sur la vision que les gens ont du foot féminin en matière d’attrait et de qualité de jeu. On est encore à un tournant où l’on doit convaincre. C’est pour ça que je souhaite avant tout que les Bleues trouvent un style de jeu chatoyant qui soit une belle promotion », espère Nicole Abar, ancienne pionnière de l’équipe de France entre 1977 et 1987.

Changer les mentalités

Longtemps décroché vis-à-vis des pays précurseurs en la matière, englué dans un certain conservatisme, le football français a entrepris de combler son retard à marche forcée. Depuis 2011, le plan de féminisation de la Fédération française de football (FFF) a porté ses fruits. En huit ans, le nombre de licenciées est passé de 86 000 à presque 180 000 au dernier pointage, 15 000 de plus que l’an passé, celui des dirigeantes de 25 000 à 40 000, et celui des éducatrices de 1 500 à 3 500… Partout, les clubs, qu’ils soient professionnels ou amateurs, ont été encouragés à créer ou développer leur section féminine. Sur l’ensemble du territoire, 3 035 clubs, sur environ 16 000, possèdent désormais au moins une équipe féminine.

« L’enjeu prioritaire, ce n’est pas simplement d’organiser les 52 matchs, c’est de faire que cet événement nous permette d’installer définitivement la pratique féminine dans le paysage du football et du sport français. » Frédérique Jossinet, directrice du football féminin à la FFF

Depuis l’annonce de l’attribution de cette huitième Coupe du monde féminine le 19 mars 2015, les dirigeants de la Fédération française de football martèlent le même message : le plus important n’est pas le sportif. « L’enjeu prioritaire, ce n’est pas simplement d’organiser les 52 matchs, c’est de faire que cet événement nous permette d’installer définitivement la pratique féminine dans le paysage du football et du sport français…, lance l’actuelle directrice du football féminin à la FFF, Frédérique Jossinet. Et que n’importe quelle femme, jeune ou moins jeune, qui a envie de pratiquer le foot puisse le faire dans un environnement aussi bon que celui des hommes. »

Convaincre, changer les mentalités, le combat a été rude et il n’est pas encore achevé. Il s’est bâti sur une évidence très pragmatique. « On a invité les acteurs masculins, sans rien imposer, à se rendre compte de l’importance du réservoir de femmes. La mixité serait bénéfique pour l’ensemble du foot français. Et si le foot, dont les femmes étaient absentes jusque dans les années 1970, donne l’exemple, ça en dit long sur la capacité de notre société à faire bouger les lignes », veut croire Brigitte Henriques, secrétaire générale de la FFF.

La Coupe du monde en France, c’est donc aussi une occasion unique de poursuivre le combat pour l’émancipation. Malgré ces incontestables progrès, la pratique féminine doit encore poursuivre son développement et cesser de n’être utilisée, parfois, que pour l’image positive qu’elle offre à peu de frais.

Une dernière bataille reste également à mener : celle des moqueries et des commentaires sexistes qui perdurent. « Que l’on arrête de comparer, surtout. Le foot féminin est ce qu’il est. Il a sa place. Il se joue d’une certaine façon avec des caractéristiques différentes mais c’est le même ballon, ce sont les mêmes règles. C’est un super sport, avec des gestes techniques incroyables et des schémas tactiques tout aussi bons », assène Nicole Abar, présidente de l’association Liberté aux joueuses. Ni meilleur, ni moins bon, ni féminin ou masculin, mais pouvant être tout cela à la fois, il n’y a finalement qu’un seul football.