Deux ans après l’affaire #metoo, « toujours ces même silences, la même omerta »… Dans une tribune publiée sur le site de L’Obs jeudi 6 juin, d’ex-ministres et parlementaires, militantes féministes, journalistes et universitaires déplorent que la parole des femmes victimes de violences sexuelles ne soit toujours pas respectée.

Malgré les nombreux scandales qui ont éclaté après #metoo (révélations au sein du Mouvement des jeunes socialistes, Ligue du LOL, affaire Denis Baupin, etc.), « on continue encore et toujours à enjoindre [aux] femmes [de] porter plainte ou [de] se taire, on continue à reporter les responsabilités sur les victimes », dénoncent les signataires de cette tribune. « Nous serions en droit d’espérer que toutes ces prises de risque et de parole fassent avancer plus largement et efficacement la conscience collective des dirigeant.es sur la gravité des violences sexuelles et les conséquences désastreuses d’un laisser-faire […]. Mais non », déplorent-ils.

Parmi les signataires, figurent bon nombre d’élus ou anciens parlementaires, comme Clémentine Autain, Esther Benbassa, Julien Bayou ou Laurence Cohen, d’anciens ministres – dont Yvette Roudy, ancienne ministre des droits des femmes, et Pascale Boistard, ancienne secrétaire d’Etat aux droits des femmes –, des militantes féministes (Caroline De Haas, Anais Leleux), des journalistes (Audrey Pulvar, Astrid De Villaines), des universitaires, des écrivains.

« Porte plainte ou ferme-la ! »

La tribune donne à l’appui le cas, révélé dans un article de Médiapart du 3 juin, de la première adjointe à la mairie de Saint-Nazaire, Laurianne Deniaud, ancienne présidente du Mouvement des jeunes socialistes, attaquée en diffamation par son adjoint aux finances, Martin Arnout.

Ce dernier lui reproche de soutenir, avec un petit groupe d’élus, une conseillère municipale qui s’est plainte du comportement de l’adjoint à son encontre – elle parle d’un rapport sexuel « non consenti » et d’une relation « d’emprise ». Lui conteste fermement cette version des faits. Toujours selon Mediapart, le maire refuse de « prendre parti », estimant qu’il s’agit d’une affaire « privée » et qu’il n’est « ni juge ni avocat ».

« En 2019, nous en sommes toujours à ce moment de l’histoire où une femme qui révèle les violences subies est présumée a priori coupable de mentir ou de complot malveillant, et ce au moins jusqu’à ce qu’elle porte plainte. Comme si rejoindre la cohorte des 10 % de femmes portant plainte – dont seulement une sur dix verra son agresseur condamné – était la seule issue, la seule voix acceptable et utile : Porte plainte ou ferme-la ! La réputation d’un agresseur présumé compte toujours plus et inquiète toujours davantage certain.es que la sécurité physique, mentale et le soutien à la victime présumée. »

« En 2019, on ne peut plus demander aux femmes de parler et en même temps tout faire pour qu’elles continuent à se taire », soulignent les signataires. Ils déplorent que « des élu.es femmes et hommes en responsabilité n’ont toujours pas compris que les violences sexuelles n’ont rien de privé, que c’est affaire de santé et de sécurité publique, de justice et d’égalité ».

Apportant leur « soutien » aux victimes, ils rappellent que « le fait même de parler met la victime (présumée) dans une situation de danger et de fragilité extrême, que renvoyer cette parole au seul espace judiciaire équivaut souvent à une condamnation au silence. Que la démarche du dépôt de plainte est laborieuse et que les violences sexuelles créent des mémoires traumatiques. »

« La justice doit pouvoir faire sereinement son travail et nous sommes attachés à la présomption d’innocence, mais continuer à se réfugier derrière le refrain la justice n’a pas tranché, je ne peux rien faire n’est plus tenable », concluent-ils.