Une copropriété du Var a décidé de remplacer les moquettes, qui recouvraient les coursives, par du carrelage, plus facile à nettoyer. / Image Source G / GraphicObsession

SOS CONSO. Le 23 mai 2011, l’assemblée générale des copropriétaires d’une résidence du Var décide de remplacer les moquettes, qui recouvrent les coursives, par du carrelage, plus facile à nettoyer. Elle le fait à la majorité simple prévue à l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété, en indiquant qu’il s’agit de travaux d’« entretien ».

Isolation supérieure

Quelques copropriétaires minoritaires, dont Gilles B. et la SCI Rejos, assignent le syndicat et son syndic, la société Cap Immo Sud. Devant le tribunal de grande instance de Draguignan (Var), ils demandent l’annulation de la résolution votée, en faisant valoir qu’ils subiront des nuisances sonores liées aux passages dans les coursives. Ils assurent que lorsque la résidence a été construite, ses appartements ont bénéficié, grâce à cette moquette, du label Qualitel, certifiant que l’isolation phonique est supérieure à celle imposée par la réglementation en vigueur, et leur donnant une valeur ajoutée.

Ils soutiennent aussi que le vote aurait dû se faire à la double majorité prévue par l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 (majorité des membres représentant deux tiers des voix), les travaux votés étant de nature à entraîner une modification des conditions de jouissance des parties privatives. Ils sont déboutés le 15 mai 2014, et le carrelage est posé.

Travaux d’entretien

Gilles B. et la SCI Rejos font appel. Ils assurent que « les travaux ont entraîné une augmentation de la transmission des bruits d’impact sur le sol et une diminution de l’étouffement des bruits aériens, et partant la perte d’un label attestant que les appartements bénéficiaient d’une isolation phonique excédant celle imposée par la réglementation en vigueur, et par là même la perte de la valeur ajoutée que le label offrait à ces derniers ».
Le syndicat leur oppose un rapport du bureau Socotec, du 20 septembre 2012, selon lequel « les lieux sont conformes à la réglementation en vigueur en matière d’isolement au bruit de choc ». La cour d’appel d’Aix-en-Provence rejette leur demande, le 22 septembre 2016.

Ils se pourvoient en cassation. Ils rappellent que « la modification d’un équipement existant qui n’est pas justifiée par sa simple vétusté et qui est de nature à entraîner une moins-value pour les copropriétaires constitue une transformation devant être approuvée à la double majorité prévue par l’article 26 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 ». Ils estiment que la cour d’appel « ne pouvait se borner à énoncer que le remplacement de la moquette par du carrelage relevait par principe de travaux d’entretien soumis à la majorité simple de l’article 24, sans analyser les raisons pour lesquelles ces travaux avaient été entrepris ni leurs conséquences concrètes pour les copropriétaires ». La Cour de cassation leur donne raison, le 18 janvier 2018 (N° 16-27 470). Elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel et renvoie les parties devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée.

Travaux d’amélioration

La cour d’appel, qui reprend l’affaire dans l’état où elle était après le jugement de première instance, rappelle qu’au moment de l’assemblée générale litigieuse, les travaux d’entretien étaient soumis à la majorité simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 ; les travaux portant atteinte aux modalités de jouissance des parties privatives ne pouvaient être votés qu’à l’unanimité ; tandis que les travaux de transformation ou d’amélioration devaient être pris à la majorité renforcée de l’article 26 dans sa rédaction alors en vigueur.

Elle constate qu’en l’espèce, « les travaux de remplacement de la moquette des coursives par du carrelage n’ont pas été entrepris dans le cadre d’un simple entretien puisque la moquette a été remplacée par un autre matériau, en l’occurrence du carrelage ». Les travaux votés par l’assemblée générale « ne constituent pas à ce titre de simples travaux de conservation » et « ne relèvent pas par suite de la majorité simple de l’article 24 ».

Mais, contrairement à ce que soutiennent Gilles B. et la SCI, la cour juge que « ces travaux emportent une amélioration » ; en effet, « l’entretien y est plus aisé pour assurer le respect des règles d’hygiène et éviter toute allergie ; le nettoyage du carrelage ne nécessite pas des produits chimiques aussi puissants que ceux utilisés pour la moquette ; de plus, le carrelage est plus aisé pour les personnes handicapées de la résidence se déplaçant en fauteuil roulant ou en déambulateur ; à l’inverse, diverses attestations font état de la saleté et des taches sur la moquette et du caractère peu esthétique en découlant ».

Respect des normes

En outre, assure la cour, « rien ne prouve qu’il y ait atteinte aux droits des copropriétaires sur leurs parties privatives » : ainsi, « il n’est pas établi que la pose de carrelage va aggraver les sujétions et en particulier nuire à la tranquillité de l’immeuble telle qu’imposée par le règlement de copropriété », le cabinet Socotec ayant « relevé à cet égard que le carrelage respectait les normes en matière de bruit ».

La cour considère qu’« il n’est pas démontré que l’immeuble perdra le label Qualitel » ; en effet « la moquette dans les coursives ne fait pas partie des éléments pris en compte pour l’obtention dudit label ». Elle ajoute qu’« il n’est pas davantage établi que la pose de carrelage va modifier les conditions de jouissance des lots en leur occasionnant des nuisances sonores » puisque « les nombreux copropriétaires qui ont déjà vu remplacer la moquette par du carrelage dans leurs zones habituelles de circulation ne relèvent aucune nuisance sonore dans leurs attestations ».

La cour conclut que la résolution était soumise à la majorité renforcée de l’article 26. Or, du fait qu’elle a été votée par « au moins 20 propriétaires représentant au moins les deux tiers des voix, en l’occurrence 7 304/10 000 tantièmes, elle a été adoptée à la majorité requise ». La cour confirme le jugement, le 7 février 2019.