Du plastique au large de Marseille, le 30 mai. / BORIS HORVAT/AFP

La Méditerranée étouffe. Près de 600 000 tonnes de plastique y sont déversées chaque année, selon un rapport publié vendredi 7 juin par le Fonds mondial pour la nature (WWF), à la veille de la journée mondiale de l’océan. Parmi les 22 pays de la région méditerranéenne, la France fait figure de mauvaise élève. Rien qu’en 2016, elle a généré à elle seule 4,5 millions de tonnes de déchets plastiques (l’équivalent de 66 kg par Français), ce qui fait d’elle le plus gros producteur de déchets plastiques de la région. Si l’essentiel est incinéré (40 %), enfoui (36 %) ou recyclé (22 %), il n’en reste pas moins que 80 000 tonnes atterrissent chaque année dans la nature.

Cela conduit, logiquement, à la contamination des eaux méditerranéennes : 11 200 tonnes de déchets plastiques français y pénètrent chaque année, l’essentiel (79 %) provenant des activités côtières – tourisme et activités de loisir, notamment. Le reste est dragué par les fleuves (12 %) ou découle directement des activités maritimes (9 %), comme la pêche, l’aquaculture ou le transport maritime.

Si un cinquième de cette pollution plastique aura rejoint les côtes françaises en l’espace d’un an, le reste restera en mer, contaminant les fonds marins (11 %) et les eaux de surface (66 %). Sur les côtes françaises, la concentration de débris plastiques à la surface est particulièrement élevée dans la baie de Marseille (1 000 km2), à Nice (578 km2) et même en Corse (112 km2), relève le WWF. Cette pollution pèse sur l’économie des secteurs du tourisme, du commerce maritime et de la pêche, coûtant à la France quelque 73 millions d’euros par an.

« Nous sommes dopés au plastique »

« Nous devons poursuivre nos efforts pour que cela change, affirme Isabelle Autissier, présidente du WWF France. Car même si la Méditerranée est l’une des mers les plus polluées par les plastiques – et que les fuites de plastique augmentent de 40 % en période touristique –, il y reste encore de la biodiversité. Dans un certain nombre de cas, le point de non-retour n’est pas passé et on peut encore restaurer les écosystèmes. »

Pour l’organisation environnementale, « les politiques publiques actuelles proposent des mesures trop limitées pour réduire la production et l’utilisation de plastiques ». Elle estime que la France doit avant tout réduire sa consommation, ce qui passe notamment par le développement du vrac et l’interdiction du plastique dans de nouveaux secteurs, comme celui de la vente à emporter. Il faut en parallèle assurer le développement des produits réutilisables (avec notamment l’intégration d’un système de consigne sur tous les emballages) et garantir la « recyclabilité » des plastiques restants.

« Nous sommes dopés au plastique, déplore Isabelle Autissier. Il faut que cela s’arrête : nous devons en consommer moins et les industriels doivent cessent d’aller vers cette solution qui est la plus facile et la moins chère. » Le fait que des particuliers prennent des initiatives pour réduire les déchets constitue, selon elle, un « signal intéressant », mais les industriels doivent aussi « jouer le jeu ».

Pour le WWF, si les gouvernements, l’industrie et la population s’engagent collectivement et entreprennent des actions à l’échelle nationale, ils pourront parvenir dès 2030 au « zéro fuite de plastique » dans la nature et en Méditerranée.