Yumi Ishikawa, fondatrice du mouvement « Kutoo » contre le port obligatoire de talons au travail pour les Japonaises. / CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Un ministre une journée en talons aiguilles ? « Chiche », ont lancé des milliers de Japonaises, jeudi 6 juin, sur les réseaux sociaux. Leur cible : le ministre du travail, Takumi Nemoto, dont elles n’ont pas apprécié le refus de légiférer pour interdire aux entreprises d’obliger les salariées à porter des chaussures à talons.

« Il est généralement admis dans la société que porter des hauts talons est nécessaire et approprié au travail », a déclaré M. Nemoto. Il répondait à Kanako Otsuji, députée du Parti démocrate constitutionnel (opposition), pour qui obliger une femme à se jucher sur des hauts talons était « dépassé ». Un code vestimentaire ne concernant que les femmes s’apparente selon elle à de « l’abus de pouvoir ». « Il n’y a abus de pouvoir que quand une employée est forcée d’en porter alors qu’elle a les pieds douloureux », a répondu M. Nemoto.

La vice-ministre du travail, une femme, Emiko Takagai, a toutefois déclaré qu’il ne fallait pas forcer les femmes à porter des hauts talons. Ce qui n’a pas empêché les critiques de fuser en ligne, reflétant le succès d’une mobilisation lancée par une actrice de 32 ans, Yumi Ishikawa.

Mot-dièse « Kutoo »

Le 24 janvier, Mme Ishikawa racontait dans un Tweet ses difficultés à tenir huit heures par jour en talons pendant un travail effectué dans un hôtel. « J’espère faire disparaître l’habitude de voir les femmes porter des talons et des escarpins au travail », ajoutait-elle dans ce message retweeté 30 000 fois.

Par la suite, Mme Ishikawa a créé le mot-dièse « Kutoo », dont la prononciation joue sur la similarité entre « kutsu » (chaussure) et « kutsuu » (douleur), et la proximité avec le mouvement #metoo. Elle a aussi lancé une pétition qu’elle a remise le 3 juin, signée par 18 000 personnes, au ministère du travail. « Il semble que les hommes ne comprennent pas que porter des talons hauts peut être douloureux et provoquer des blessures », a déclaré Mme Ishikawa à Reuters.

Le succès du mouvement traduit le mécontentement grandissant des Japonaises dans un pays classé 110e en termes d’égalité des genres par le Forum économique mondial. Le cabinet du premier ministre Abe ne compte ainsi qu’une seule femme – sur dix-neuf ministres. Depuis avril, les Japonaises manifestent chaque 11 du mois pour appeler à plus d’égalité.