Corinne Fesseau et son coq, Maurice, chez elle, / XAVIER LÉOTY / AFP

Tout a commencé en 2015. Corinne Fesseau, chanteuse emblématique de l’île d’Oléron depuis trente-cinq ans, résidente de la commune de Saint-Pierre-d’Oléron (Charente-Maritime), se fait offrir un poussin marans, une race de gallinacé protégée, pour agrandir sa basse-cour. Mais ce qu’elle pense devenir une poule se révèle en réalité être un coq. Mauricette devient Maurice, et malgré la situation incongrue, la Saint-Pierroise décide de garder l’animal qu’elle affectionne. En 2017, le coq devient adulte, et commence ses premières vocalises.

Rapidement, les habitants d’une des maisons mitoyennes du lotissement se trouvent incommodés par le bruit matinal du coq. Le couple de retraités de 68 ans et habitants de la Haute-Vienne, possède la maison depuis 2007, un bien secondaire qu’ils occuperaient, selon Mme Fesseau, « que quinze jours dans l’année ». Mais les plaignants arguent que le coq est arrivé bien après leur installation et que la nuisance est désormais intolérable.

La situation prend rapidement une ampleur considérable. Des premiers courriers sont adressés à Corinne Fesseau à l’été 2017, « ça a ensuite été sans arrêt, tous les quinze jours j’avais une lettre de leur part », témoigne-t-elle, désemparée. En juillet 2018, un huissier vient enregistrer le chant du coq trois fois à la demande des plaignants, qui constituent un dossier.

Classer les bruits de la campagne au « patrimoine national »

Maurice devient une figure locale et obtient le soutien d’élus. Une communauté se forme autour de sa propriétaire, déjà bien connue dans l’île. Corinne Fesseau lance alors deux pétitions en ligne, qui ont récolté conjointement près de 100 000 signatures. Elle rassemble autour de sa cause grâce à son association Les Coqs d’Oléron en colère, et le soutien indéfectible du maire de Saint-Pierre-d’Oléron, Christophe Sueur (divers droite).

Irrité par ce type de situations récurrentes, l’édile décide de prendre un arrêté pour préserver « les modes de vie liés à la campagne, notamment pour ce qui concerne la présence des animaux de la ferme ». La zone concernée est pour lui à préserver, avec ses mouettes, ses cloches, ses grenouilles, tout ce qui incarne la ruralité.

Maurice, le coq au cœur du litige. / XAVIER LÉOTY / AFP

C’est ensuite à Bruno Dionis du Séjour, agriculteur retraité et maire de Gajac (Gironde), de voler au secours de Corinne Fesseau. Il lui apporte son soutien dans une lettre ouverte, et souhaite faire classer les bruits de la campagne au « patrimoine national ». Car l’histoire du coq Maurice pourrait être celle de trop, et alimente la colère des élus locaux et des riverains engagés, qui tentent de sauvegarder l’authenticité des communes.

Maurice, déprimé, qui ne chanterait plus comme avant

L’affaire devait aller devant la justice, au tribunal de Rochefort, jeudi 6 juin, mais celle-ci a finalement été renvoyée au 4 juillet. Le sort de Maurice, lui, reste toujours en suspens. Si Corinne Fesseau a aménagé sa cabane pour qu’il soit enfermé jusqu’à 8 h 30 et limiter les nuisances, son effort n’est pas encore suffisant pour les plaignants. Leur avocat, Me Vincent Huberdeau, désire désormais qu’une médiation soit ouverte, afin d’éviter un procès et régler le litige rapidement.

« Il faut tenter de se voir, d’avancer vers le règlement amiable qui n’est autre qu’un litige de voisinage, comme on en a beaucoup ici », explique-t-il. Une position partagée par Me Julien Papineau, avocat du couple Fesseau, qui aimerait « que les deux parties se retrouvent autour d’un apéritif, comme on le fait là-bas ».

Corinne Fesseau, quant à elle, n’est pas enchantée à l’idée d’accueillir ceux qu’elle n’a jamais entendus qu’à travers des invectives lancées par-dessus le mur mitoyen. Mais le plus important reste le sort de Maurice, déprimé, qui ne chanterait plus comme avant. « Un coq doit vivre, c’est joyeux. Il doit chanter. Peut-être qu’après tout ce tapage, il rechantera. Mais on n’en est même pas sûr. »