Après avoir été arrêté vendredi pour détention de drogue, Ivan Golounov a été inculpé samedi pour tentative de trafic d’une « quantité importante de drogue », a annoncé son avocat Pavel Tchikov sur la messagerie Telegram. Selon un document de la police publié par son avocat, le journaliste du média indépendant Meduza est accusé d’avoir tenté de vendre « une quantité importante » de cocaïne et de méphédrone.

La police russe avait annoncé la veille, vendredi 7 juin, avoir arrêté Ivan Golounov – un journaliste d’investigation, reconnu pour son travail d’enquête, notamment sur la mairie de Moscou - pour détention de drogue. Il avait été interpellé jeudi dans le centre de Moscou en possession de près de quatre grammes de méphédrone, une drogue de synthèse, trouvés dans son sac à dos, a affirmé un porte-parole de la police. Selon la même source, les policiers ont ensuite trouvé lors d’une perquisition à son domicile d’autres sachets avec des stupéfiants et une balance.

Des drogues « placées à son insu », selon l’un de ses avocats

La branche locale du ministère de l’intérieur a diffusé des photographies de ce qu’elle présente comme des appareils artisanaux servant à fabriquer de la drogue de synthèse. Le journaliste risque jusqu’à quinze ans de prison.

Ivan Golounov, âgé de 36 ans, dément les accusations portées contre lui. Selon son avocat, Dmitri Djoulaï, son client a été frappé à deux reprises lors de sa détention par les policiers, qui ont longtemps refusé qu’il ait accès à sa défense. « De nombreux éléments laissent à penser que les drogues ont été placées à son insu », a indiqué M. Djoulaï, évoquant de nombreuses violations dans le travail de la police dans cette affaire.

« Nous sommes convaincus qu’Ivan Golounov est innocent. De plus, nous avons des raisons de croire que Golounov est poursuivi en raison de son activité journalistique », a fait savoir dans un communiqué la direction de Meduza, ajoutant que le journaliste avait « reçu des menaces ces derniers mois » en raison d’une enquête sur laquelle il travaillait. C’est aussi la certitude de ses collègues travaillant pour les médias indépendants en Russie, qui citent des menaces récurrentes.

Un journaliste d’une réputation « sans faille »

Ivan Golounov, que son média décrit comme « l’un des journalistes d’investigation les plus connus de Russie », a notamment publié des enquêtes sur les escroqueries menées par les entreprises de microcrédits, sur la crise des déchets à Moscou, sur le partage mafieux du business des cimetières et d’autres affaires de corruption et de détournement de fonds. « La réputation professionnelle d’Ivan Golounov est sans faille. C’est un journaliste méticuleux, honnête et impartial », a ajouté la direction de Meduza, média basé à Riga, en Lettonie, pour échapper au contrôle des autorités russes.

L’organisation Reporters sans frontières (RSF) s’est pour sa part dite « très inquiète » de l’arrestation d’Ivan Golounov et du « comportement très suspect de la police », qui suggère, selon l’ONG, « des accusations montées de toutes pièces pour faire taire un journaliste d’investigation connu pour ses reportages percutants ». L’affaire, si elle s’avère être montée de toutes pièces, « marquerait une escalade significative dans la persécution du journalisme indépendant en Russie », a déclaré le responsable de l’Europe de l’Est pour RSF, Johann Bihr. La Russie figure à la 149e place du classement de la liberté de la presse de RSF en 2019, sur un total de 180 pays.