Emmanuel Macron, le 4 juin, à Clairefontaine. / Christophe Petit Tesson / AP

Emmanuel Macron s’était engagé, durant la campagne présidentielle de 2017, à démocratiser davantage le mouvement sportif et à « rendre le fonctionnement des fédérations sportives plus efficace avec l’élection systématique des présidents de fédérations sportives par les clubs. » Cette promesse lui a été rappelée, dans un courrier en date du 5 juin, par Eric Thomas, président de l’Association Française de Football Amateur et candidat malheureux à la présidence de la Fédération française de football (FFF) face à Noël Le Graët, en 2011, 2012 et 2017. Une missive envoyée avant l’Assemblée fédérale de la FFF, samedi 8 juin à Paris, et que l’Elysée confirme avoir reçue.

Dans sa lettre, que Le Monde a consultée, M. Thomas dénonce « la dictature des instances du football français, où quelques-uns disposent de tous les droits, alors qu’une immense majorité ne connaît que des devoirs. » Le président de l’AFFA s’en prend au système électoral en vigueur à la FFF, entériné en 2010 au lendemain du fiasco des Bleus lors du Mondial sud-africain, et en vertu duquel les suffrages de 216 grands électeurs sont répartis entre les représentants du football amateur (63 % des voix) et ceux des clubs professionnels (37 %).

« Absence de réels contre-pouvoirs »

Ce scrutin de liste octroie au vainqueur l’ensemble des douze sièges au sein du comité exécutif de la Fédération et sied parfaitement au président, Noël Le Graët, 77 ans, en poste depuis 2011. M. Thomas indique que « l’unanimité des clubs finistériens, et plus de 80 % des clubs bretons ont voté récemment en assemblées générales pour demander plus de démocratie dans nos instances. »

« Les cartes de vote électroniques disposent toutes d’un numéro de série différent, ce qui rend possible le traçage des votes. La FFF bafoue ici le principe constitutionnel du secret du vote », estime M. Thomas.

Dans son courrier, il rappelle que ce système électoral a été mentionné par la Cour des comptes dans un rapport de 2017, que Le Monde s’est procuré. La juridiction de la Rue Cambon pointait « l’absence de réels contre-pouvoirs » au sein de la FFF.

Les critiques de M. Thomas renvoient au rapport sénatorial sur la gouvernance du football, rendu public en mars 2017. Ses auteurs, Jean-Jacques Lozach (Groupe socialiste et républicain) et Claude Kern (Union des démocrates indépendants), estimaient que « l’élection du comité exécutif de la FFF au scrutin de liste bloquée pose un certain nombre de questions puisque ce dispositif permet à une toute petite équipe de diriger, seule, le football français et ses 2,2 millions de licenciés ».

Les rapporteurs considéraient que « l’importance de la Fédération et la diversité de ses composantes justifieraient que davantage de pluralisme puisse s’exprimer ».

Dans sa lettre au président de la République, M. Thomas fait par ailleurs état d’irrégularités lors de scrutins locaux, notamment à l’occasion de « l’élection du Comité directeur de la Ligue du Centre-Val de Loire, le 12 janvier. »

« Le Trésorier de la Ligue de Football Amateur transgresse les statuts pour assurer l’élection du Président du District du Cher, alors que celui-ci présente sur sa liste un membre de la Commission de surveillance des opérations électorales, ce qui est formellement interdit (article 16 des Statuts de la Ligue du Centre-Val de Loire de Football) », développe le président de l’AFFA, dirigeant du club de Montlouis-sur-Loire (Indre-et-Loire).

« La FFF s’éloigne de nous »

M. Thomas rappelle que « plus de 4 000 clubs amateurs ont mis la clé sous la porte ces dernières saisons » et que le « système asphyxie les finances de ses clubs pour faire fonctionner une administration pléthorique, alors que ce sont les bénévoles qui œuvrent tous les jours. »

Grâce à la victoire des Bleus lors du Mondial 2018, en Russie, et les dotations touchées de la Fédération internationale de football (FIFA) (32,6 millions d’euros), la FFF a pu se targuer d’une enveloppe budgétaire record de 272 millions d’euros pour la saison 2018-2019.

En septembre 2018, la FFF avait décidé d’octroyer 10 millions d’euros en matériel sur deux saisons (dont 3 millions émanant de Nike, principal partenaire de l’organisation) en matériel aux petits clubs (jusqu’à moins de 100 licenciés), aux équipes pourvues d’une école de football et aux associations ayant une section féminine. Cette dotation venait s’ajouter aux 86 millions d’euros reversés, cette saison, au football amateur. Un fonds « d’aide record » – selon l’expression fédérale – voté en juin 2018, avant la Coupe du monde.

« La FFF s’éloigne de nous avec un fonctionnement de plus en plus autoritaire qui impose des règlements, des procédures, des amendes… qui découragent les bénévoles les plus expérimentés et tuent nos clubs, écrit M. Thomas à l’Elysée. De plus, nous sommes persuadés que la démocratie par les clubs apportera une garantie supplémentaire face à l’abandon annoncé de la tutelle de l’Etat sur les fédérations. »

Le président de l’AFFA, représentant du « foot d’en bas », a demandé à être reçu par la ministre des sports, Roxana Maracineanu, et espère que son message portera en cette entame de Coupe du monde féminine (7 juin-7 juillet), en France.