« Tiananmen », réalisé par Ian MacMillan et Audrey Maurion. / YAMI 2 / AGENCE VU/ GABRIEL / ARTE.TV

LES CHOIX DE LA MATINALE

Les replays de la semaine sont placés sous le signe de la contestation, avec les 30 ans de la révolte étudiante chinoise, un portrait du syndicat Force ouvrière, deux films alarmistes sur des scandales environementaux et un documentaire sur la réforme du recrutement de la haute fonction publique française.

Il y a trente ans, Tiananmen : aux origines oubliées

A l’occasion des 30 ans de Tiananmen, Arte revient longuement sur les événements qui ont ébranlé le pouvoir chinois au printemps 1989, jusqu’au massacre du 4 juin.

Les deux premiers documentaires, réalisés par Ian MacMillan et Audrey Maurion, retracent ce « printemps de Pékin ». Le premier porte sur le soulèvement populaire de la mi-avril à la mi-mai, le second sur l’engrenage qui conduit au bain de sang du 4 juin. Le troisième, réalisé par le journaliste Pierre Haski, est un portrait du dissident Liu Xiaobo.

Les trois sont passionnants et parfaitement complémentaires. Grâce à de nombreuses images d’archives et à plusieurs témoignages des principaux leaders du mouvement, le premier film rappelle ce que l’on a souvent oublié : c’est pour rendre hommage à Hu Yaobang, un ancien secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC) mort le 15 avril 1989, que les étudiants ont commencé à quitter leurs campus. Le deuxième documentaire s’intéresse à Deng Xiaoping, instigateur de la répression, à ses yeux nécessaire pour créer un traumatisme dans tout le pays durant plusieurs décennies. Dans le film de Pierre Haski, on retrouve Liu Xiaobo, dix-neuf ans après sa grève de la faim, dans un café de la banlieue de Pékin. Rédacteur du texte Charte 08 appelant à une Chine démocratique, il est mort en prison en 2017. Frédéric Lemaître

« Tiananmen », réalisé par Ian MacMillan et Audrey Maurion (Fr.-RU-EU, 2019, 110 min), 1 et 2/2. « Liu Xiaobo, l’homme qui a défié Pékin », réalisé par Pierre Haski (France, 2019, 55 min). Disponible sur Arte.tv

« FO, un syndicat par temps de crise », par Serge Moati

Il n’est pas donné à tout le monde de rendre passionnante à l’antenne une problématique a priori peu excitante pour le grand public. Mais lorsque vous donnez une caméra et un micro à Serge Moati, il en fait généralement bon usage et réussit, la plupart du temps, à vous passionner pour son sujet.

C’est le cas de son dernier documentaire, consacré à Force ouvrière (FO) et plus précisément à la crise profonde que le syndicat a traversée ces derniers mois. Avec Jean-Claude Mailly, qui présida l’organisation durant quatorze ans (2004-2018), Moati réussit, comme souvent, en douceur mais non sans malice, à fendre l’armure de son interlocuteur et, parfois, à révéler des blessures enfouies.

Formé à la rude école de Marc Blondel, Mailly se hissera à la tête de FO en 2004. Bataillant dans la rue contre le contrat première embauche du gouvernement Villepin en 2006, la réforme Fillon des retraites (2010) ou la loi travail de Myriam El Khomri (2016), il terminera son septennat dans une position inconfortable : celle du traître à la cause. La raison ? Sa décision de négocier avec la ministre du travail, Muriel Pénicaud, plutôt que de continuer la lutte dans la rue comme avant.

La suite de l’histoire FO est pleine de bruits et de fureur. Un congrès violent à Lille en avril 2018, un successeur désigné depuis longtemps (Pascal Pavageau) qui tiendra à peine six mois avant de démissionner à la suite de révélations du Canard enchaîné sur un fichier mis en place pour surveiller des dizaines de cadres. Sans oublier une enquête parue en novembre 2018 dans Le Parisien sur les dérives financières du syndicat, salaires confortables et notes de frais salées à l’appui. Alain Constant

« FO, un syndicat par temps de crise », de Serge Moati (France, 2019, 52 min). Disponible sur Francetv.com.

Au Paraguay, à Java : « Vert de rage » et d’espoir

Des champs de soja transgénique à l’infini, un tracteur qui répand ses engrais toxiques, un enfant hydrocéphale dans les bras de sa mère. « Le Paraguay raconte l’histoire de notre monde », lance la voix off, comme pour dire « Ne zappez pas ! Ce pays d’Amérique centrale et nous sommes liés. Plus que vous l’imaginez », chacun étant situé à une extrémité de la même chaîne de production mondialisée.

Le journaliste Martin Boudot lance ainsi Vert de rage, série documentaire consacrée aux scandales environnementaux. Une production innovante, qui ne se contente pas de dénoncer mais s’appuie sur ses propres études scientifiques et propose des solutions.

Deux inédits s’enchaînent, l’un sur la culture extensive de « l’or vert » au Paraguay, qui met en péril la vie des villageois alentour, et l’autre sur le Citarum à Java, fleuve d’Indonésie le plus pollué au monde, par l’industrie textile.

Chaque épisode suit le même scénario : d’abord l’état des lieux (des enfants malades ou morts à cause des pollutions) auprès de familles qui manquent de données scientifiques pour prouver l’origine des maladies qui les touchent. Vert de rage va leur apporter ces « preuves ». Puis les utiliser pour remonter jusqu’aux pollueurs responsables et enfin demander des comptes aux autorités – avec des résultats tangibles. Une efficacité qui fait oublier l’incarnation un poil excessive de l’investigation et devrait inciter la chaîne à transformer Vert de rage en rendez-vous régulier. Catherine Pacary

« Vert de rage ». Série documentaire de Martin Boudot (France, 2019, 2 x 52 min), disponible sur Francetv.fr.

« Faut-il supprimer l’ENA ? », ou comment la remplacer

Puisqu’elle doit disparaître, comment remplacer l’ENA ? Pour formuler un début de réponse, Roland Cayrol et le réalisateur Olivier Vaillant tissent le portrait de l’« énarchie » à travers celui de trois élèves, issus des trois concours d’accès différents. On y croise l’actuel directeur de l’école, Patrick Gérard, ainsi que sa prédécesseure Nathalie Loiseau, aujourd’hui députée européenne.

Au fil des témoignages, d’anciens élèves, tels Denis Olivennes, président du conseil de surveillance du groupe de presse tchèque CMI France, ou Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public, mais aussi d’observateurs avertis comme la philosophe et ex-directrice de l’Ecole normale supérieure (ENS) Monique Canto-Sperber, quelques pistes émergent, qui seront développées au cours du débat qui suit le documentaire. Mouna El Mokhtari

« Faut-il supprimer l’ENA ? », documentaire de Roland Cayrol et Olivier Vaillant (France, 2019, 52 min), diffusé dans l’émission « Droit de suite ». Lcp.fr.