Dominic Thiem a survolé sa demi-finale contre Novak Djokovic, samedi 8 juin. / MARTIN BUREAU / AFP

Cette fois, il n’a pas annoncé qu’il « avait un plan » pour le battre. Finaliste malheureux en 2018 contre Rafael Nadal à Roland-Garros, Dominic Thiem retrouve ce dimanche 9 juin l’Espagnol, ses onze titres sur la terre battue parisienne et ses 92 victoires en 94 matchs.

L’Autrichien est moins péremptoire que l’an passé, mais il croit encore en ses chances : « Je l’ai battu à Barcelone cette année (fin avril), donc je vais essayer de m’en inspirer. J’aborde [cette finale] dans un état d’esprit positif, a-t-il dit samedi après sa victoire en cinq sets contre le numéro un mondial, Novak Djokovic (6-2, 3-6, 7-5, 5-7, 7-5). Je me sens bien physiquement, je n’ai pas puisé tant que ça dans mes matchs précédents, je suis prêt à donner tout ce qu’il me reste d’énergie en finale. Non, je ne serai pas fatigué. »

L’Autrichien aurait pourtant des raisons de l’être. Il s’apprête à jouer son quatrième jour d’affilée quand son adversaire, lui, n’aura joué « que » mardi et vendredi. La faute à la pluie, qui a décalé son quart de finale de mercredi à jeudi, et à la tempête Miguel, qui ne lui a pas permis de terminer sa demie, vendredi, face à Djokovic alors qu’il menait 6-2, 3-6, 3-1. Certains n’ont pas tardé à suspecter le Serbe, saoulé par le vent et saoulé tout court, d’avoir fait pression.

Le n° 4 mondial, lui, a donné une autre version : « Non, je n’étais pas dégoûté qu’on arrête le match. Les conditions étaient très, très dures, je n’avais jamais joué dans un tel vent, ils annonçaient de la pluie donc pour moi c’était une sage décision. Ce n’est pas la première fois que ça arrive en tennis [d’être désavantagé par la météo et la programmation] et ce ne sera pas la dernière, donc tout va bien. »

Quatre fois vainqueur de Nadal

Il ferait presque de la peine, Dominic Thiem. L’Autrichien est depuis le début annoncé comme l’un des grands favoris de Roland-Garros, derrière Novak Djokovic et l’Espagnol Rafael Nadal, pourtant il n’a pas toujours les honneurs réservés à son rang. Pour sa conférence de presse d’avant-tournoi, seule une dizaine de journalistes avaient fait le déplacement. Les rangs se sont un peu grossis au fil du tournoi.

L’Autrichien n’a pas l’air de s’en formaliser. Le joueur, doux comme un agneau dans la vie, convoque le loup sur le court, où, au contraire, il vocifère. Son pedigree mériterait pourtant un peu plus de considération. Face aux trois mastodontes qui le précèdent au classement, Thiem possède un bilan que beaucoup de ses pairs lui envient : 3 victoires et 6 défaites contre Djokovic, 4-8 contre Nadal, 4-2 contre Federer, qu’il a battu en finale d’Indian Wells, en mars, son premier titre en Masters 1 000, puis à nouveau à Madrid, en mai.

Battre Nadal sur sa surface chérie, l’exploit est considérable. Lui l’a déjà fait quatre fois, la dernière en demi-finale à Barcelone, fin avril (6-4, 6-4). Mais battre le meilleur terrien de l’histoire sur le court Philippe-Chatrier, « c’est le défi ultime de notre sport », admet Thiem. Depuis 2005, deux hommes seulement y sont parvenus : Djokovic (2015) et le Suédois Robin Soderlin (2009).

A Roland-Garros, l’Autrichien s’y est déjà essayé trois fois. Trois matchs, trois petits sets à chaque fois, la dernière l’an passé donc. « J’étais dévasté pendant deux, trois jours après cette défaite, racontait-il à Monte-Carlo, en avril. Mais je me suis dit que je n’étais pas le premier à perdre contre Nadal à Roland-Garros, donc que la défaite n’était pas si terrible. Et j’ai rapidement retrouvé toute ma motivation pour revenir en finale. »

Rafael Nadal et Dominic Thiem, à l’issue de la finale en 2018 à Roland-Garros; / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Décisions radicales

Chaque année, le rendez-vous de la porte d’Auteuil est la priorité de sa saison. Mais jusqu’à l’année dernière, il se refusait à y viser la victoire. Une posture qui avait le don d’agacer Roger Federer. « Ça m’agace d’entendre Thiem dire “Mon but c’est d’atteindre les quarts ou les demi-finales” », confiait le Suisse récemment au New York Times. Nous, les top joueurs, nous ne sommes là que pour gagner Roland, Wimbledon et les autres, non ? Dire que ton objectif c’est les quarts, c’est un peu une mentalité de loser. »

Ces dernières semaines l’Autrichien force sa nature et répète qu’il est temps pour lui de franchir la dernière marche. Pour ça, il a pris quelques décisions radicales. A commencer par se séparer de celui qui était son mentor depuis ses 9 ans, Günter Bresnik. L’ancien entraîneur de Boris Becker et Henri Lecomte l’avait connu alors qu’il était encore en couches-culottes, à l’époque où le père de Thiem travaillait au sein de son académie, à Vienne.

Le coach aux méthodes quasi militaire en fit sa créature. C’est lui qui forgea le joueur aux frappes surpuissantes qui lui vaut son surnom de « Dominator », hérité de son compatriote Thomas Muster « Musterminator », qui souleva la coupe des Mousquetaires en 1995. Lui aussi qui lui demanda, à 12 ans, d’opter pour le revers à une main. Il a fallu deux ans pour que son joueur s’adapte au geste et retrouve son niveau d’avant.

En février, Thiem a intégré dans son clan l’ancien joueur chilien Nicolas Massu, 9e mondial en 2004. « Dominic fait une saison incroyable, pas seulement sur terre mais aussi sur dur, se félicitait ce dernier après la qualification de son poulain en finale. Contre Rafa, il sait que pour avoir une chance de l’emporter, il va devoir être concentré du premier au dernier point. Mais quand vous venez de battre comme aujourd’hui [hier samedi] le numéro un mondial et que vous affrontez le meilleur joueur de l’histoire sur terre, c’est signe que vous jouez votre meilleur tennis. Donc je pense qu’il a une chance. »

« La route est très longue pour espérer Gagner un Grand Chelem, vous êtes sous pression pendant deux semaines. C’est ce que j’ai retenu de l’an dernier, racontait Thiem samedi 1er juin, après son huitième de finale face à l’Uurguayen Pablo Cuevas. Le truc, c’est que nous, les jeunes joueurs, pour y parvenir, on doit battre en chemin deux de ces monstres qui ont gagné au moins 15 Grands Chelems. Rien que pour ça le défi est immense… »

S’il devenait le premier à détrôner le roi Nadal ce dimanche en finale, Dominic Thiem gagnerait à coup sûr un peu d’estime.