Il faut croire que le temps passe. Depuis quand Olivier Ginon investit-il dans le LOU (en version longue : le « Lyon olympique universitaire », club de rugby de la ville) ? Première hésitation de sa part. Et depuis quand en est-il l’actionnaire majoritaire ? Seconde hésitation. Peu après notre interview, et après réflexion, l’intéressé livre au Monde ses réponses par message : respectivement depuis 2005 et 2016.

Ces dates permettent de mieux comprendre celle à venir : dimanche 9 juin, le LOU tentera de se qualifier pour la finale du championnat de France ; en l’occurrence contre le Stade toulousain, qualifié depuis la veille. Il disputera sa demie à Bordeaux (à partir de 16 h 30), en terrain neutre, face à Clermont. Avec l’espoir de faire encore mieux que la saison passée, où le club avait déjà atteint les demi-finales, perdant la sienne contre Montpellier.

Evidemment, Olivier Ginon attribue d’abord ces résultats à une « alchimie du sport, une alchimie compliquée à faire. » Qui prend du temps. « Ce n’est pas : Je mets de l’argent, et j’ai du résultat”. » Peut-être. Mais peut-être aussi que le succès du LOU, remonté en Top 14 il y a trois ans à peine, s’évalue à l’aune des investissements de son propriétaire (qui refuse d’en indiquer le montant précis). L’entrepreneur de 60 ans a fait fortune grâce à une société d’événementiel, GL Events : « 4 298 collaborateurs dont 38 % à l’international », 1 milliard d’euros de chiffres d’affaires en 2018, selon le site Internet de l’entreprise lyonnaise.

Le LOU, filiale rugbystique du groupe, peut compter cette saison sur un budget prévisionnel de 29,8 millions d’euros. Le cinquième du championnat. Une nécessité pour se tailler une place dans ce championnat de France qui fait la part belle aux investisseurs. « Aujourd’hui, le club a les moyens humains et financiers pour avoir une équipe qui puisse être compétitive en Top 14. On a pour objectif d’essayer d’être toujours dans les six premiers [en phase finale]. »

Gérard Collomb dans la mêlée

Depuis le milieu des années 2000, le grand public a l’habitude de ces nouveaux dirigeants : Mohed Altrad à Montpellier, Jacky Lorenzetti au Racing, Mourad Boudjellal à Toulon. Pour sa part, Olivier Ginon revendique une certaine « discrétion ». « Me mettre en avant dans les journaux par le sport, ce n’est pas ma philosophe de vie. Je ne suis pas du tout dans la recherche d’image, mais je veux accompagner ma ville, et notamment dans le rugby. »

Sans doute, dans un autre registre, a-t-il peu apprécié l’exposition du site Mediapart. Un article d’avril 2018 mentionne d’« importantes ristournes » accordées au candidat Emmanuel Macron, pendant la campagne présidentielle de 2017, pour la location de certaines salles de meeting. « Les remises (…) correspondent à une négociation commerciale habituelle avec un organisateur d’événements », répond-il à la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques.

Le chef d’entreprise est surtout un proche de Gérard Collomb, soutien macroniste de la première heure. Cette proximité avec le maire de Lyon (et ex-ministre de l’intérieur) explique aussi son entrée au capital du club de rugby lyonnais, il y a maintenant quatorze ans. « Je cherchais à élargir notre environnement de sponsors, alors Gérard Collomb a fait l’entre-deux entre Olivier Ginon et moi », résume Yvan Patet. Ce dernier a présidé le LOU jusqu’en décembre 2012. Depuis, la présidence du club revient à Yann Roubert, salarié de GL Events.

Le rugby ? Olivier Ginon l’avoue : il l’a découvert sur le tard. L’homme dit assister désormais à tous les matchs du LOU à domicile. C’est-à-dire au stade Gerland (35 000 places) depuis 2016 ; le stade qu’occupaient les footballeurs de l’Olympique lyonnais avant leur propre déménagement. Et c’est-à-dire, auparavant, au « Matmut Stadium » (12 000 places) entre 2011 et 2015 ; le stade que le club de rugby avait fait construire à Vénissieux et dont il avait vendu le nom à une société d’assurance.

Le Lyonnais Delon Armitage lors du barrage victorieux contre Montpellier, le 1er juin à Lyon, revanche de la demi-finale perdue en 2018. / JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

« Un souci marketing »

Aujourd’hui, le LOU joue dans un stade moitié plein (ou moitié vide, question de perspective) : plus de 17 000 spectateurs en moyenne, malgré la concurrence du football. « Au stade Vuillermet [l’enceinte de Lyon où le club jouait jusqu’en 2011], il y avait 1 500 spectateurs par match quand on jouait en deuxième division », rappelle Olivier Ginon.

Pour faire venir des spectateurs (seuls les plus anciens ont vécu les deux titres lyonnais de champion de France, en 1932 et 1933…), le LOU a d’abord recruté des joueurs connus. Sébastien Chabal et Lionel Nallet en 2012, pour commencer. Outre qu’il s’agissait de « très bon professionnels », il y avait aussi « un souci marketing » derrière leur venue.

Pour trouver de la constance, il a ensuite fallu faire venir un entraîneur. Depuis 2015, celui-ci s’appelle Pierre Mignoni. L’ancien adjoint du Rugby club toulonnais a fait remonter le LOU en première division dès sa première saison, après deux remontées du club suivies de relégations. Son contrat s’étend jusqu’en 2023. « Tout simplement pour montrer que le club et le groupe ont une vision longue durée », veut croire tout à la fois le patron du LOU et de GL Events.