La conférence de Microsoft à l’E3 était l’une des plus attendues cette année. / CHRISTIAN PETERSEN / AFP

Drôle d’édition que cette édition 2019 du Salon annuel du jeu vidéo, l’E3, dont l’acteur le plus attendu, Microsoft, n’aura finalement été qu’un demi-animateur. Alors que tous les regards étaient tournés vers le constructeur de la Xbox, celui-ci a officialisé le lancement d’une nouvelle génération de console, surnommée Scarlett, et désormais attendue pour la fin 2020. Elle sera accompagnée à son lancement par le jeu Halo Infinite, sera quatre fois plus puissante que la Xbox One X, et c’est à peu près tout ce qu’on en saura pour le moment.

« Les attentes étaient très fortes autour de cette conférence Xbox 2019, trop fortes d’ailleurs et j’ai noté de la déception parfois chez certains joueurs et journalistes spécialisés », admet Thomas Grellier, directeur du MBA Marketing Jeux Vidéo à l’EMIC (Ecole de management des industries créatives). Il préfère toutefois le verre d’eau à moitié plein : « J’ai trouvé la conférence d’une extrême cohérence avec la stratégie de Microsoft depuis environ deux ans, et la suite logique de la conférence de l’an passé. »

Si la conférence de Microsoft était si attendue, c’était en raison d’une double première historique : la tenue en amont de celle-ci d’une prise de parole de Google, qui a dévoilé ses plans pour son service de jeu vidéo, Stadia ; et l’absence historique de Sony, qui a préféré zapper cette édition. Mais au final, le constructeur américain n’est que peu rentré dans les détails de ses projets, si ce n’est pour enchaîner des caractéristiques techniques absconses pour le grand public, sans rien montrer de concret. « Annoncer une console sans montrer de console ? C’est une approche… », raillait l’un des pontes de Microsoft en personne en 2013, lors de l’annonce de la PlayStation 4, dans un Tweet goulûment repartagé depuis hier.

Une révolution bien floue

Le principal problème de Microsoft est d’avoir enquillé les promesses d’une nouvelle console révolutionnaire en multipliant les clichés les moins révolutionnaires : elle offrira plus de choix, ira plus vite, sera plus rapide, ont assuré les porte-parole de la marque qui se sont relayés lors d’une vidéo, sans s’écarter à aucun moment des canons de l’industrie.

« J’ai toujours trouvé cela beaucoup plus efficace de montrer quelque chose de révolutionnaire plutôt que de répéter que c’est révolutionnaire toutes les dix secondes pendant cinq minutes. Au final, je n’ai toujours pas compris ce que la console avait de révolutionnaire », épingle ainsi Mylène Lourdel, consultante en communication dans l’industrie du jeu vidéo, qui juge le côté technique de cette présentation très long.

La séquence a permis à certains observateurs narquois, comme l’analyste de Niko Partners Daniel Ahmad, d’écrire avec humour que la barbe d’un des porte-parole de Microsoft avait entièrement été réalisée sur la fameuse Scarlett – une manière de souligner à la fois les promesses du constructeur et l’absence de démonstration réelle.

Microsoft tisse sa toile

Pour autant, Microsoft place ses pions stratégiques en vue de cette sortie. Comme le relève GamesIndustry, le géant de l’informatique possède désormais un portfolio de 15 studios de production différents – l’assurance de fournir sa console et ses services en jeux le moment venu, voire d’ores et déjà via son service de jeu en abonnement, le Xbox Game Pass, qui vient d’être porté sur PC et de passer le cap des 100 jeux intégrés.

De ce point de vue, « c’était une bonne conférence pour eux, avec beaucoup de jeux, des annonces sympathiques, des jeux indés très chouettes. Encore une fois, ils travaillent sur le principal reproche de la Xbox One [leur console actuelle], le supposé manque de jeux », resitue Mylène Lourdel.

« Microsoft a vraisemblablement choisi la stratégie de l’offre, et donc muscle progressivement son ratio de produits par services », décrypte Thomas Grellier, qui estime l’événement plus positif qu’il n’y paraît. « La conférence a apporté des précisions sur certains titres déjà annoncés, tout en présentant de nouveaux – et quelle diversité créative ! –, Xbox Game Pass est renforcé et de plus en plus lisible, et on sait à présent que le prochain Halo sera au lancement avec la prochaine console Xbox Scarlett. Finalement, le seul problème que j’identifie, c’est que Microsoft n’est pas prêt non plus pour noël 2019. L’inverse aurait été pourtant décisif… »

Beaucoup de jeux, mais quelle compatibilité ?

Reste à savoir si les consommateurs parviendront à se retrouver dans la profusion de jeux annoncés par le constructeur de la Xbox. D’autant que pour rajouter à la confusion possible, certains comme Minecraft Dungeons et The Outer Worlds sortiront également sur support concurrent, en l’occurrence la PlayStation 4.

Autre grief possible, la disproportion entre le nombre élevé de jeux présentés pour l’année à venir et celui, minimaliste, de projets associés au lancement de la console Scarlet – le seul Halo Infinite. « Je trouve cela risqué de donner une date de console, sans vrai catalogue et vendre en même temps des jeux pour la Xbox actuelle sans parler de rétrocompatibilité, détaille Mylène Lourdel. Un seul jeu annoncé, cela est très faible pour une annonce. »

A moins que Microsoft ne mise sur un succès à la Breath of the Wild, le jeu qui avait porté à lui seul la Switch à sa sortie. Halo au lancement, cela fera « comme il y a dix-neuf ans pour la première Xbox, et parce que l’exemple du succès de Zelda Breath of the Wild sur Switch sonne comme une évidence », estime Thomas Grellier. Un succès pour lequel Microsoft signerait tout de suite, quitte à devoir patienter encore un an et demi.