Le président tchadien Idriss Déby, à N'Djamena le 22 décembre 2018. / LUDOVIC MARIN / AFP

Le pouvoir tchadien dénonce les pressions de Washington exhortant le gouvernement de N’Djamena à organiser des élections législatives « crédibles », maintes fois reportées depuis 2015, estimant qu’il s’agit d’une affaire strictement interne. Au pouvoir depuis vingt-neuf ans, le Mouvement patriotique du salut (MPS) a vivement critiqué les « injonctions étrangères appelant le gouvernement à assumer ses responsabilités » pour la tenue de ce scrutin. Des législatives doivent avoir lieu en 2019, mais aucune date n’a été fixée. « Les élections relèvent de la souveraineté d’un Etat », a martelé ce week-end à Bongor (sud) le secrétaire général du MPS, Mahamat Zene Bada.

L’ambassade des Etats-Unis à N’Djamena a publié la semaine dernière un communiqué se réjouissant de l’engagement pris par le pouvoir d’organiser des élections « cette année », mais souligne « qu’il est essentiel que l’ensemble du processus électoral soit crédible ». A ce titre, l’ambassade insiste pour une « autorisation sans délai des partis politiques qui répondent aux critères établis légalement » et sur « le plein respect du droit des citoyens de se rassembler paisiblement, même lorsque le but du rassemblement est de critiquer le régime et d’inciter les citoyens à voter contre le parti au pouvoir ».

« Les élections ne sont pas dictées de l’extérieur. Le Tchad est un pays souverain », a rétorqué M. Zene Bada. « Des élections sont prévues [dans le budget de 2019]. La CENI [Commission électorale nationale indépendante] est mise en place, la classe politique est d’accord pour aller aux élections. L’année 2019 est une année électorale. Tant pis pour ceux qui ne seront pas prêts. Nous irons avec ceux qui sont prêts et ceux qui veulent [y] aller », a ajouté le responsable.

« Les principes élémentaires de la démocratie »

Pour le politologue français Roland Marchal, « tout ce qui pourra retarder la tenue de ces élections pour Déby sera bienvenu. M. Déby est censé organiser des élections législatives en 2019, il avait déjà promis de le faire avant le mois de juin ». Les autorités tchadiennes ont régulièrement interdit des marches organisées par la société civile et l’opposition, évoquant des « raisons sécuritaires liées à la menace terroriste ».

Le président tchadien a menacé la semaine dernière de rétablir la cour martiale, supprimée en 1993, alors que l’est du pays est en proie à un grave conflit intercommunautaire entre éleveurs et agriculteurs. Cette juridiction était compétente pour juger militaires et civils. N’Djamena a aboli fin 2016 la peine de mort, sauf pour les affaires de « terrorisme ».

L’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR) a appelé « les autres puissances occidentales à emboîter le pas aux Etats-Unis pour appeler le Tchad à se conformer à ses principes démocratiques ». « Il était temps que les partenaires du Tchad qui vivent parmi nous rappellent à Déby les principes élémentaires de la démocratie. Les Etats-Unis l’ont fait, on attend la France », a déclaré le président de l’UNDR, Saleh Kebzabo.

De son côté, le Parti pour les libertés et le développement (PLD) déplore « que le gouvernement tchadien ne soit pas capable d’organiser des législatives à une date fixée et que les puissances occidentales lui dictent de tenir des élections », a indiqué un responsable de ce parti d’opposition, Mahamat Ahmat Alhabo. « Il est opportun que ses amis occidentaux, qui le protègent, qui l’adoubent et qui le soutiennent dans tous les domaines, rappellent que Déby n’est pas un démocrate, qui continue de violer les lois constitutionnelles, entre autres les libertés d’expression et de manifestation », a-t-il affirmé.