Edouard Philippe lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale, mercredi 12 juin. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

Edouard Philippe a prononcé, mercredi 12 juin à l’Assemblée nationale, un deuxième discours de politique générale, après celui du 4 juillet 2017, qui doit marquer l’entrée dans l’« acte II » du quinquennat. Retraites, fiscalité, procréation médicalement assistée (PMA), assurance-chômage… le premier ministre a présenté le calendrier et la méthode des mois à venir, jusqu’aux élections municipales de mars 2020.

La situation d’« urgence », qui a, selon lui, conduit à l’élection d’Emmanuel Macron perdure après deux ans de mandat, a-t-il affirmé. Les urgences « économique », « sociale », « écologique » et enfin « politique », avec le succès électoral de l’extrême droite, déterminent la nécessité de « tenir le cap fixé (…) pour libérer les forces de notre pays et protéger ses citoyens », selon le premier ministre, qui a promis « un profond changement de méthode ».

  • La PMA pour toutes examinée fin septembre à l’Assemblée

C’est l’une des principales annonces du premier ministre : le projet de loi bioéthique, qui comprend l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, sera examiné à l’Assemblée « dès la fin septembre ».

« Je suis persuadé que nous pouvons atteindre une forme de débat serein, profond, sérieux, à la hauteur des exigences de notre pays. C’est mon ambition en tout cas », a-t-il lancé, recevant une ovation debout d’une partie de l’hémicycle, surtout de la gauche, qui attendait cette annonce.

  • Retraites : maintien d’un départ « possible » à 62 ans

La future réforme des retraites maintiendra « la possibilité d’un départ à 62 ans » mais l’exécutif définira « un âge d’équilibre ». « Nous définirons un âge d’équilibre et des incitations à travailler plus longtemps », a indiqué le premier ministre, mais « en ne bougeant pas l’âge légal », a-t-il pris soin de préciser. « Ainsi, chacun pourra faire son choix, en liberté et en responsabilité », a-t-il ajouté. Le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, qui mène depuis janvier 2018 un intense programme de concertation, présentera ses recommandations dès juillet.

  • Assurance-chômage : bonus-malus pour les contrats courts

La future réforme de l’assurance-chômage comprendra un bonus-malus qui s’appliquera « dans les 5 à 10 secteurs » d’activité utilisant le plus de contrats courts. La réforme, qui sera annoncée le 18 juin, inclura aussi « une dégressivité de l’indemnisation sur les salariés qui perçoivent les salaires les plus élevés », a-t-il encore précisé.

  • « L’ambition écologique » « au cœur de l’acte II »

Le premier ministre a reconnu avoir « mis du temps à considérer que les enjeux [écologiques] sont aussi importants que l’emploi et la sécurité ». Il a assuré que « l’ambition écologique » serait « au cœur de l’acte II » du quinquennat et que ce thème dépasse les clivages politiques : « Plus personne n’a aujourd’hui le monopole du vert. »

Il a indiqué que les propositions « les plus puissantes » de la convention citoyenne pour la transition écologique, voulue à l’issue du grand débat et qui doit être réunie dans les semaines à venir, pourraient être soumises « à référendum ». Cette assemblée de 150 citoyens « pourra proposer de nouvelles mesures, elle pourra en définir le rythme et les financements. Elle rendra ses conclusions au début de l’année 2020 ».

Il a aussi annoncé, sans donner de précisions, que « les aides existantes à la rénovation énergétique » des bâtiments, trop « complexes » et « profitant en réalité aux ménages les plus riches », seront remises « totalement à plat ».

Le texte de lutte contre le gaspillage sera en outre inscrit dans les trois « priorités » de l’Assemblée nationale pour la rentrée en septembre. La loi prévoira notamment la possibilité d’imposer l’incorporation de plastique recyclé dans toutes les bouteilles en plastique, a-t-il dit. Il a enfin affirmé que « tous les produits en plastique jetables seraient bannis » de l’administration à compter de 2020.

  • Une baisse d’impôts de 27 milliards sur le quinquennat

Edouard Philippe a annoncé des baisses d’impôt sur le revenu pour les classes moyennes qui permettront d’atteindre le chiffre « historique » de 27 milliards de réduction de la fiscalité sur les ménages durant le quinquennat. Le premier ministre a donné le détail des gains pour les classes moyennes de la baisse de l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros annoncée par le président Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse de fin avril.

« Le taux d’imposition de la première tranche de l’impôt sur le revenu, qui regroupe 12 millions de foyers, sera abaissé de trois points. Cela représente un gain moyen par foyer de 350 euros, soit, à ce niveau, un tiers de l’impôt en moyenne », a-t-il expliqué. « C’est massif, c’est clair, c’est net », a-t-il souligné, précisant que les 5 millions de foyers de la tranche suivante « bénéficieront d’un gain moyen de 180 euros ». Ces baisses seront approuvées dans le projet de loi de finances pour l’année prochaine, a-t-il souligné.

M. Philippe a également confirmé que « la taxe d’habitation sur les résidences principales sera intégralement supprimée pour l’ensemble des Français ». Pour 80 % des « Français les plus modestes (…) leur taxe sera intégralement supprimée en 2020. Pour les 20 % restants, la suppression se déploiera sur trois années », a-t-il affirmé.

  • Les pensions alimentaires pourront être « automatiquement » prélevées

Les pensions alimentaires pourront être « automatiquement prélevées », « dès juin 2020 », par la Caisse d’allocations familiales (CAF) pour lutter contre « le risque d’impayé ». « Dès juin 2020, le gouvernement mettra en place un nouveau système pour protéger les personnes seules contre le risque d’impayé des pensions alimentaires », a déclaré le premier ministre.

  • Réforme des institutions : vers un report ?

Edouard Philippe a ouvert la porte un report de l’examen de la réforme des institutions après les sénatoriales de septembre 2020, appelant toutefois à ne pas « résister au désir de changement exprimé par les Français ».

« Nous attendrons le moment propice et la manifestation de volonté du Sénat, qui peut être ne viendra qu’après le renouvellement de la haute chambre en 2020 », a indiqué le premier ministre. M. Philippe a également rappelé que « le président de la République a la faculté d’interroger directement les Français [par référendum] sur la réduction du nombre de parlementaires ».

  • Un débat annuel au Parlement sur l’asile et l’immigration

Le premier ministre promet de « lutter avec fermeté contre les abus de l’asile ». Le gouvernement organisera « chaque année un débat au Parlement » sur la politique d’asile et d’immigration, et le premier aura lieu en septembre. Ces questions « touchent aux fondements de notre souveraineté et de nos principes », a expliqué le premier ministre. « Il est donc nécessaire d’en débattre de manière régulière et au grand jour avec le Parlement. »

  • « L’islam de France doit former et recruter des imams »

Edouard Philippe veut « combattre l’islamisme et les discours de haine sur les réseaux sociaux » en « réformant l’organisation du culte musulman ». Il souligne le « large consensus sur une organisation départementale ». « L’islam de France doit former et recruter des imams en France et qui parlent français. S’il faut des dispositions législatives pour garantir la transparence du culte musulman, le gouvernement le proposera. »

  • Répondre au défi du vieillissement de la population

« Nous avons trop tardé pour nous y confronter car les budgets en jeu sont gigantesques, et par une forme de déni, a déclaré Edouard Philippe. C’est notre regard qui doit changer. Celui que nous portons sur la place des personnes âgées dans la société. Entendre leur volonté de vieillir à domicile, entendre les familles qui supportent une charge financière importante, entendre les personnels dont le métier doit être revalorisé. Le projet de loi sur la prise en charge de la dépendance sera présenté à la fin de l’année. Dès le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale, nous prendrons des mesures pour permettre la prise en charge à domicile. Un des grands marqueurs sociaux de ce quinquennat. »

Le premier ministre annonce un projet de loi vieillissement à présenter à la fin de l’année :

  • Ouverture de 30 000 places en crèche

« Le dédoublement de classe de CP et de CEI de ZEP restera une de ses grandes mesures de ce quinquennat. Mais nous irons plus loin : école obligatoire dès 3 ans, limite de 24 élèves par classe en CP et CE1. »

Pour les familles monoparentales, « qui se sont beaucoup exprimées pendant le grand débat », il rappelle la décision d’ouvrir 30 000 places en crèche, et la formation de 6 000 professionnels.

  • Les annonces sur la sécurité

Sur le volet sécurité, Edouard Philippe a confirmé la mise en place d’un « plan stup’» pour démanteler plus efficacement les trafics de drogue. Le Monde en dévoilait les détails la semaine dernière. Il a également annoncé que le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, présenterait des mesures contre les agressions du quotidien, comme celles à l’arme blanche, ou le phénomène des rixes de bandes, qui reviennent régulièrement dans l’actualité.

Par ailleurs, le premier ministre en a profité pour envoyer un message aux forces de l’ordre et à leurs représentants syndicaux, avec qui des négociations sont actuellement en cours sur les conditions de travail. M. Philippe a confirmé que les discussions sur le temps de travail, les heures supplémentaires et la fidélisation des troupes devraient aboutir sous peu. Un accord doit être trouvé avant le 30 juin.

Comme l’annonçait Le Monde le 5 juin, le gouvernement travaille enfin sur une réforme de plus longue haleine, avec une réorganisation totale du fonctionnement de la police nationale. Christophe Castaner et son secrétaire d’Etat, Laurent Nunez, sont chargés de rédiger un « livre blanc » pour la fin de l’année, qui devrait préfigurer une nouvelle loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure.