Décompte des voix de l’élection européenne, le 26 mai. / ERIC CABANIS / AFP

Longtemps surnommé le triangle d’or « BMW » de la métropole lilloise, les communes de Bondues, Marcq-en-Barœul et Wasquehal sont-elles en pleine mutation ? Souvent en tête des palmarès des villes où il fait bon vivre dans le Nord, les riches voisines de Lille étaient jusqu’à présent des fiefs historiques de la droite. Mais le soir du 26 mai, le paysage a changé. De manière inédite, à l’occasion de l’élection européenne, ces bastions imprenables ont échappé au candidat LR François-Xavier Bellamy.

A Bondues par exemple, charmante bourgade de 10 000 habitants classée par l’INSEE 235e sur 32 947 communes françaises pour son niveau de vie médian par habitant (31 471 euros), les élections se suivent et se ressemblent. Terre du RPR, de l’UMP puis de LR, Bondues était le bastion régional de la Sarkozie en 2012 avec 81,21 % des suffrages pour le candidat UMP face à François Hollande.

Fidèles électeurs de droite, les Bonduois ont également voté à 54,6 % pour François Fillon aux Présidentielles de 2017. Mais en 2019, pour les Européennes, LR n’arrive qu’en seconde place, plus de 21 points derrière la liste de Nathalie Loiseau qui décroche 42,5 % des suffrages. « C’est un phénomène qu’on a vu sur toute la France avec plus ou moins d’amplitude en fonction des électeurs, analyse Sébastien Huyghe, patron de la fédération LR du Nord. Un certain nombre de nos électeurs ont voté LREM ou écolo ».

Matraquage de Macron

Les électeurs bonduois avaient déjà amorcé ce pas de côté vers En Marche aux dernières législatives. Pour les Européennes, l’explication du député Huyghe est multiple. D’abord, il y a eu le « matraquage par le Président de la République pendant les quinze derniers jours ». « Il a dit : c’est moi ou le chaos de l’extrême droite et nos électeurs ne voulaient pas que le RN soit devant », souligne l’élu LR. Sur le terrain, le député Sébastien Huyghe a recueilli des confidences d’électeurs. « Beaucoup me disaient aimer Bellamy mais pas Wauquiez, donc ils n’ont pas voté LR ».

Les électeurs de la commune voisine ont eux aussi été séduits par la liste En Marche : à Marcq-en-Barœul, LREM arrive en tête avec 35,7 %. Pas de quoi faire trembler le maire LR actuel Bernard Gérard, élu depuis 2001. « J’ai toujours fait des listes de rassemblement sans demander aux gens quelle était leur étiquette politique, explique ce gaulliste, ancien avocat. Les gens ont un regard assez positif à mon égard même si la politique c’est l’école de la modestie et de l’humilité ».

En 2017, le maire de Marcq-en-Barœul a perdu son siège de député de la 9e circonscription face à la candidate En Marche Valérie Petit, nouveau visage dans la vie politique. Deux ans après, la liste LR n’est arrivée que troisième aux Européennes à Marcq-en-Barœul avec 14,4 %, derrière EELV (15,6 %). De quoi faire douter Bernard Gérard de son parti ? « Tant qu’on me laisse la possibilité de m’exprimer au sein de LR, je peux m’y sentir à l’aise mais on se doit de réfléchir et d’écouter la jeunesse. Ce qui l’intéresse aujourd’hui, ce n’est pas un problème gauche-droite, mais ce sont les questions environnementales ».

Hausse du vote écolo

Des questions abordées par la députée LREM de la circonscription au sein du collectif parlementaire transpartisan « Accélérons la transition écologique et solidaire ». « Sur mon secteur, il y a une hausse du vote écologiste qui me surprend car c’est en général un vote qui est plutôt porté par la gauche, confie Valérie Petit, et en même temps je ne suis pas étonnée car ce sujet de la nature en ville est une aspiration forte des citoyens ». Pour elle, pas question de commenter la déroute de la droite. « Ma circonscription était déjà celle qui avait voté le plus Macron aux dernières législatives donc là il s’agit d’un vote de confirmation ».

Qu’en sera-t-il pour les municipales ? En 2014, d’importantes communes des Hauts-de-France comme Tourcoing ou Roubaix avaient basculé à droite. A la Région, dans l’entourage de Xavier Bertrand, on prédit que, même si les Européennes ne peuvent pas être transposées aux Municipales, il va y avoir une prime au dégagisme sauf pour les maires qui auront un bon bilan. « Toute la classe politique a perdu son sang froid et son esprit d’analyse, dit-on à la Région des Hauts-de-France. Les bastions, ça n’existe plus. Les électeurs veulent des résultats et du renouvellement, et Emmanuel Macron est celui qui a compris cela ».

Pour le patron LR du Nord Sébastien Huyghe, qui rêve toujours du retour de Sarkozy, Macron a « en effet rebattu les cartes, mais le jeu politique est secoué comme dans une boule de neige : les gens sont déboussolés mais à un moment, ils auront besoin de retrouver des référentiels de valeurs, donc la gauche et la droite voudront à nouveau dire quelque chose ».