Edouard Philippe devant l’Assemblée nationale, mercredi 12 juin. / ALAIN JOCARD / AFP

C’est la fin d’un certain suspense. Dans son discours de politique générale, prononcé mercredi 12 juin devant l’Assemblée nationale, le premier ministre a confirmé que « le recours à la procréation médicalement assistée [PMA] pour toutes les femmes » figurerait dans le projet de loi de bioéthique, conformément à l’engagement de campagne d’Emmanuel Macron lors de la présidentielle 2017.

Les femmes seules et les couples de lesbiennes, une fois le texte voté, auront donc accès à ces techniques permettant d’avoir un enfant, jusqu’à présent réservées aux couples hétérosexuels « en âge de procréer » confrontés à des situations d’infertilité ou risquant de transmettre des maladies génétiques. L’option de séparer la PMA de la loi de bioéthique, parfois évoquée, n’a donc pas été retenue.

Edouard Philippe, ovationné par nombre de députés La République en marche pendant cette partie de son discours, a également fourni des précisions sur le calendrier, réclamées depuis plusieurs mois par les défenseurs de la PMA pour toutes. « Le projet de loi sera adopté en conseil des ministres fin juillet et pourra être débattu au Parlement dès la fin septembre, juste avant la discussion budgétaire », a-t-il précisé, mettant un terme aux craintes de report des associations de familles homoparentales.

« Clarification »

« C’est le top départ qu’on attendait depuis plusieurs mois. La réforme va enfin pouvoir s’enclencher », a réagi Alexandre Urwicz, président de l’Association des familles homoparentales, se disant néanmoins circonspect sur la possibilité que la loi soit promulguée en 2019, comme l’avait indiqué en novembre 2018 Emmanuel Macron lors d’une réunion avec les représentants associatifs. « Nous sommes satisfaits qu’il y ait une clarification sur le calendrier », s’est également réjouie Marie-Claude Picardat, coprésidente de l’Association des parents gays et lesbiens.

Si l’agenda est désormais fixé, plusieurs interrogations demeurent cependant sur les modalités de l’extension de la PMA, qui font l’objet ces dernières semaines de réunions aux ministères concernés (santé, justice et recherche). C’est ce que pointe notamment l’association SOS-Homophobie, qui a réagi sur Twitter en se disant vigilante à la mise en œuvre d’une « véritable égalité des droits, notamment sur la filiation ou le remboursement ».

Concernant le remboursement par la Sécurité sociale, la ministre de la santé, Agnès Buzyn, a déjà fait savoir qu’elle y était favorable, sur le modèle de ce qui existe actuellement pour les couples hétérosexuels. En revanche, l’établissement de la filiation pour les enfants des couples de femmes et l’accès aux origines des enfants nés de PMA avec don de gamètes font encore l’objet de concertations.

« Sur certaines questions, comme l’accès aux origines, le régime de filiation en cas de PMA avec tiers donneur, plusieurs options étaient possibles, et le gouvernement a retenu celles qui lui semblaient les plus à même de permettre un débat apaisé », a simplement déclaré Edouard Philippe, sans donner davantage de précisions.

Le sujet est éminemment sensible et oppose les associations, comme elles l’ont encore rappelé mardi lors d’une réunion sur la filiation organisée au ministère de la justice. « Les propos du premier ministre laissent espérer qu’on ne reste pas dans le statu quo, qui consiste aujourd’hui pour les couples de femmes à recourir à l’adoption pour faire établir une filiation », espère Marie-Claude Picardat.

Pour Alexandre Urwicz, la mention d’un « débat apaisé » souhaité par le premier ministre laisse craindre « qu’on tende, sur l’accès aux origines, vers l’option d’un double guichet », consistant à donner le choix aux donneurs de gamètes de permettre ou non la levée de l’anonymat et qui « créerait une discrimination de fait entre deux catégories d’enfants ».

Plus largement, la tenue même d’un « débat apaisé » se pose, alors que les adversaires de la mesure, comme La Manif pour tous ou Alliance Vita, ont déjà prévenu qu’ils chercheraient à mobiliser contre le texte.