Les logos des quatre opérateurs (Telefonica, Vodafone, Deutsche Telekom et 1&1 Drillisch) qui se sont disputé les 41 blocs de spectre 5G mis en vente par le régulateur allemand. / STR / AFP

L’attente était devenue interminable. Après environ trois mois et 497 tours, la vente aux enchères pour les fréquences 5G a finalement pris fin outre-Rhin. Les opérateurs allemands ont rendu les armes, mercredi 12 juin dans la soirée, au terme d’une âpre bataille. Montant du butin pour l’Etat allemand : 6,55 milliards d’euros. Une somme plus que coquette pour le gouvernement qui n’en espérait pas autant puisque, initialement, il espérait faire entrer dans ses caisses 3 à 5 milliards d’euros. Ses attentes ont été plus que comblées. «  La vente aux enchères a été un succès », s’est réjoui le président de l’agence fédérale allemande des réseaux, Jochen Homann, dans un communiqué.

Débutées le 19 mars dans un contexte tendu, les enchères pour la prochaine génération de réseau mobile se sont rapidement emballées, les quatre opérateurs en lice – Deutsche Telekom, Vodafone, Telefonica et le nouveau venu 1&1 Drillisch – se disputant férocement les 41 blocs de spectre mis en vente par le régulateur. Le compteur s’est affolé, mi-avril, franchissant la barre des 5 milliards d’euros, puis des 6 milliards six semaines plus tard. De folles enchères qui ne sont pas sans rappeler celles qui se sont déroulées à l’automne 2018 en Italie et qui avaient rapporté 6,5 milliards d’euros à l’Etat italien.

Au total, 420 mégahertz de spectre ont été distribués aux opérateurs outre-Rhin. L’ancien monopole, Deutsche Telekom, et le britannique Vodafone, qui ont chacun empoché 130 mégahertz, signent aussi les plus gros chèques (respectivement 2,2 milliards d’euros et 1,9 milliard d’euros), suivis par Telefonica, qui a obtenu 90 mégahertz pour un montant de 1,4 milliard d’euros. Le quatrième opérateur, 1&1 Drillisch, qui a rejoint la course il y a peu, est quant à lui reparti avec 70 mégahertz pour son baptême du feu.

Les enchères terminées, les opérateurs allemands vont désormais pouvoir s’atteler au déploiement du réseau et lancer leurs premières offres commerciales 5G au cours des prochains mois. Ils entreront alors dans le club encore restreint des pays européens qui ont allumé la 5G sur leur territoire avec le Royaume-Uni, la Suisse et, à partir de cette semaine, l’Espagne.

Un goût amer pour les opérateurs

La facture élevée de cette vente aux enchères a néanmoins laissé un goût amer aux opérateurs, qui estiment que les sommes importantes mises dans l’achat du spectre risquent de pénaliser leur capacité à investir dans la construction des réseaux. « Le prix aurait pu être beaucoup plus bas. Encore une fois, le spectre en Allemagne est beaucoup plus cher que dans d’autres pays. Les opérateurs de réseau n’ont plus les fonds nécessaires pour développer leurs réseaux. On aurait pu construire environ 50 000 nouveaux sites mobiles et mettre fin à de nombreuses zones blanches », a commenté Dirk Wössner, membre du conseil d’administration de Deutsche Telekom, dans un communiqué.

En France, les opérateurs vont pouvoir souffler. Ils regardaient avec inquiétude la facture s’alourdir pour leurs voisins, craignant d’y voir un présage en ce qui concerne les futures enchères pour les fréquences 5G dans l’Hexagone. La vente de spectre en France aura lieu à l’automne, pour un lancement des premières offres commerciales 5G prévu en 2020.

Si les modalités de la vente ne sont pas encore connues dans le détail, un prix de réserve sera fixé par le gouvernement et dévoilé en juillet. Les opérateurs (Orange, SFR, Free, Bouygues Telecom), qui redoutent une addition salée, n’ont eu de cesse ces derniers mois d’envoyer des signaux au gouvernement pour appeler à des enchères raisonnables.

Cet appel semble avoir été entendu. Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie et des finances, qui gère le dossier des télécoms, a indiqué que l’Etat, conscient des efforts d’investissement nécessaires pour le déploiement des réseaux, ne chercherait pas à maximiser à tout prix la recette des enchères, mais s’orienterait davantage vers « un juste milieu », ainsi qu’elle l’expliquait dans un entretien au Monde, le 10 mai.

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