Lors de la manifestation, en Suisse, le 14 juin. / STEFAN WERMUTH / AFP

Des milliers de Suissesses, vêtues de violet, ont déferlé dans les rues vendredi 14 juin pour défendre leurs droits et réclamer l’égalité salariale. « A bas le patriarcat », « My body is mine » ou « Harry Potter serait mort si Hermione n’existait pas », pouvait-on lire sur certaines pancartes.

Circulation des tramways bloquée à Zurich, cathédrale illuminée de rose à Lausanne, poing levé projeté sur un gratte-ciel à Bâle… Près de trente ans après leur dernière grève historique, les femmes suisses ont dénoncé les violences sexistes et défendu la reconnaissance des tâches domestiques. Le point d’orgue de la mobilisation était une marche en fin de journée dans plusieurs villes, dont Berne, devant le siège du gouvernement et du Parlement.

Aurelia, une lycéenne de 16 ans participant au défilé à Genève, entend par exemple dénoncer « l’hypersexualisation du corps de la femme » dans la société, en particulier sur les réseaux sociaux.

Interruption symbolique au Parlement

A Berne, les députés ont symboliquement interrompu leurs débats pendant quinze minutes. De nombreux parlementaires étaient vêtus de violet, tout comme la ministre de la défense, Viola Amherd. La ministre de la police et de la justice, Simonetta Sommaruga, a quant à elle salué les militantes à la gare locale.

A Lausanne, la mobilisation a débuté dans la nuit à la cathédrale, où les femmes ont fait sonner des cloches sur le parvis. Un feu de joie a été allumé et l’édifice religieux illuminé. Cinq cents personnes ont ensuite bloqué un pont. Dans de nombreuses cités, les femmes se sont rassemblées pour chanter. Et un clitoris géant posé sur un chariot a fait le tour de Zurich.

Crèches fermées, service minimal dans les écoles, certaines villes – comme Genève – ont soutenu la mobilisation. De passage pour faire un discours devant l’Organisation internationale du travail, la directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, avait épinglé sur sa veste un pin’s avec le logo féministe du poing levé.

La manifestation, jugée « illicite » par l’Union patronale, visait à demander « plus de temps, plus d’argent et du respect ». Elle a fait écho à la grande grève des femmes suisses qui avait réuni 500 000 participantes le 14 juin 1991, dix ans jour pour jour après l’introduction du principe d’égalité entre genres dans la Constitution. Les femmes avaient alors dénoncé l’absence de mesures concrètes et l’inégalité salariale. Cette mobilisation avait abouti à l’entrée en vigueur, en 1996, de la loi sur l’égalité au travail.

Ecart salarial de 20 % en moyenne

Portées par la vague #MeToo, les représentantes de la nouvelle génération poursuivent le combat commencé par leurs aînées il y a presque trente ans, vers une égalité salariale qui n’est toujours pas atteinte. Les femmes touchent ainsi en moyenne environ 20 % de moins que les hommes. Et à conditions égales, notamment formation et ancienneté, l’écart salarial est encore de près de 8 %, selon le gouvernement.

En 1991, une femme sur sept s’était mobilisée. Un chiffre d’autant plus exceptionnel que les arrêts de travail sont très rares depuis l’instauration, en 1937, de la « paix du travail », une convention signée entre patronat et syndicats excluant le recours à la grève au profit de la négociation. L’idée de refaire grève est née sous l’impulsion des syndicats, ces derniers n’étant pas parvenus à introduire, au moment de la révision de la loi sur l’égalité, en 2018, le principe de sanctions contre les entreprises violant l’égalité salariale.

En Suisse, la reconnaissance des droits des femmes est un long chemin. Ce n’est qu’en 1971 qu’elles ont acquis le droit de vote. Ces dernières années, des avancées ont été obtenues, comme la dépénalisation de l’avortement, en 2002, et un congé maternité payé de quatorze semaines, en 2005. Mais le congé paternité n’existe pas et les places en crèche, limitées et coûteuses, sont un handicap majeur pour l’activité professionnelle des femmes. Le Forum économique mondial (WEF) a estimé vendredi que les « changements ont été trop lents » en Suisse, appelant le gouvernement et les entreprises à « remédier à cette situation ».