En partant de la gauche, le président chypriote Nicos Anastasiades, le premier ministre espagnol Pedro Sanchez, le président français Emmanuel Macron, le premier ministre maltais Joseph Muscat, le premier ministre italien Giuseppe Conte, le premier ministre portugais Antonio Costa et le premier ministre grec Alexis Tsipras, en conférence de presse à la Valette, le 14 juin. / MATTHEW MIRABELLI / AFP

Climat, économie sociale, Union européenne… Les sept pays de l’alliance méditerranéenne, réunis vendredi 14 juin à La Valette, à Malte, se sont entendus sur plusieurs sujets sauf celui des migrants.

Les dirigeants du groupe informel Med 7 (France, Italie, Portugal, Espagne, Malte, Chypre, Grèce) ont tous validé l’objectif zéro carbone pour l’Union Européenne (UE) en 2050, désormais soutenu par une douzaine de pays. Ils ont aussi approuvé le principe d’un salaire minimum et d’un bouclier social de base dans chaque pays européen, ainsi que d’un budget d’intervention pour la zone euro, défendu par la France mais aussi par l’Italie, mise en cause pour son budget et favorable à une politique de croissance. Emmanuel Macron s’est félicité de l’accord conclu à ce sujet la veille entre les ministres européens des Finances, sur des sommes pourtant bien plus faibles que ce que souhaite Paris. « Cette première étape ne saurait suffire, il nous faut aller beaucoup plus loin », a déclaré le président français à l’issue du sommet.

Le gouvernement italien frustré

Mais sur la délicate question de l’accueil des migrants, les sept pays du sud ont éludé leurs divisions, en particulier sur la politique de l’Italie qui n’accepte plus depuis un an les bateaux humanitaires dans ses ports. Les dirigeants se sont contentés d’énoncer de grands principes, comme la nécessité de renforcer les frontières extérieures et d’élaborer une politique migratoire commune et « solidaire », sans préciser comment. Ils ont aussi souhaité « des solutions permanentes et prévisibles, qui deviennent désormais urgentes ».

Le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte a jugé « frustrant » qu’on parle de « solidarité sans l’appliquer ». Pour Rome, ce principe devait permettre à l’Italie, qui a accueilli ces dernières années des centaines de milliers de migrants, de partager avec ses partenaires européens l’effort d’accueil des migrants.

Les dirigeants ont aussi demandé que « tous les bateaux en Méditerranée respectent le droit international et n’empêchent pas l’intervention des gardes-côtes libyens » et ont jugé nécessaire de « s’attaquer davantage au business model des passeurs », des propos semblant viser les activités des ONG près des côtes libyennes.

Le cas du Sea Watch, bloqué en mer

La question est d’autant plus vive qu’il faut trouver d’urgence une solution pour le Sea Watch, après la décision jeudi du puissant ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini, chef de la Ligue (extrême droite), d’interdire l’accostage de ce navire humanitaire en Italie. Le bateau de l’ONG allemande, qui a secouru mercredi 52 migrants au large de la Libye, compte pourtant faire route vers l’île italienne de Lampedusa, après avoir refusé de ramener les migrants à Tripoli, comme le lui demande l’Italie.

Les pays européens volontaires doivent donc de nouveau s’accorder sur une issue, comme ce fut le cas pour d’autres bateaux refoulés par l’Italie au cours des derniers mois. C’est le plus souvent Malte qui a dénoué les crises en ouvrant ses ports, à condition que d’autres pays européens se répartissent les arrivants.

Rome et La Valette veulent une répartition automatique et équitable des migrants entre tous les pays de l’UE. La France réclame, elle, un débarquement dans le port le plus proche – l’Italie, le plus souvent – dans des centres contrôlés par l’UE, puis une répartition des migrants éligibles au droit d’asile entre pays volontaires. La question du rapatriement des autres reste un casse-tête.

Emmanuel Macron entouré à gauche de Giuseppe Conte et à droite de Joseph Muscat, Antonio Costa et Alexis Tsipras à la Valette, vendredi 14 juin. / DARRIN ZAMMIT LUPI / REUTERS

Débats sur les hauts postes de l’UE

Le Sea Watch est actuellement le seul navire humanitaire au large de la Libye, les autres étant bloqués à quai par plusieurs Etats européens – Italie, Espagne, Malte – alors que la France a pris sa part de migrants mais sans accueillir de bateaux. Ainsi depuis son arrivée à Malte en juin 2018, le Lifeline de l’ONG allemande éponyme est bloqué à La Valette où les autorités contestent sa situation administrative. L’Open Arms (espagnol) est bloqué à Barcelone depuis janvier et l’Aquarius de SOS Méditerranée, privé de pavillon, est inactif depuis décembre.

Les sept pays du sud ont par ailleurs débattu du choix des nouveaux dirigeants aux plus hauts postes de l’UE, à une semaine d’un sommet décisif des 28 à Bruxelles. Emmanuel Macron comptait profiter de ce format restreint pour trouver des alliés sur ses favoris pour les cinq postes-clés en Europe (présidence de la Commission, du Conseil, du Parlement européen, de la Banque centrale et Représentant de l’UE). La France rejette en particulier le candidat du Parti populaire européen (PPE, droite), l’Allemand Manfred Weber, qui brigue la présidence du Parlement.

Soutien à Chypre contre la Turquie

Les dirigeants des Etats méditerranéens ont profité du sommet de Malte pour apporter leur plein soutien à leur partenaire chypriote dans le litige qui l’oppose à la Turquie sur la possession de réserves de gaz naturel. Ils ont de nouveau enjoint la Turquie de « cesser ses activités illégales », en référence à l’intention d’Ankara d’effectuer des forages dans les eaux de la zone économique exclusive (ZEE) chypriote.

« Nous regrettons profondément que la Turquie n’ait pas répondu aux appels répétés de l’UE condamnant les actions illégales de la Turquie » dans cette zone, indiquent-ils dans leur déclaration finale. « Si la Turquie ne cesse pas ses actions illégales, nous demandons à l’UE d’envisager des mesures appropriées, en solidarité avec Chypre », ajoutent-ils. « L’UE ne fera preuve d’aucune faiblesse » à ce sujet, a renchéri le président français Emmanuel Macron à l’issue du sommet.

Depuis début mai, l’UE a mis en garde Ankara, après l’annonce par les autorités turques de leur intention de mener des forages de gaz jusqu’en septembre dans un secteur qui, selon Chypre, déborde sur sa ZEE. « La Turquie viole les lois internationales, c’est une invasion de notre ZEE, elle ne reconnaît pas Chypre. Je suis heureux du fort message de nos partenaires de solidarité avec Chypre et à l’adresse de la Turquie », s’est félicité le président chypriote Nicos Anastasiades.

La République de Chypre n’exerce son autorité que sur les deux tiers sud de l’île. La partie nord est occupée par la Turquie depuis 1974.

Ces dernières années, la découverte de gigantesques gisements gaziers dans la région a aiguisé les appétits. Chypre a signé des contrats d’exploration avec des géants des hydrocarbures comme l’italien ENI, le français Total ou l’américain ExxonMobil. Mais Ankara s’oppose à toute exploration et exploitation de ces ressources gazières qui exclurait la République turque de Chypre du Nord (RTCN), autoproclamée dans le tiers nord de l’île et non reconnue par la communauté internationale.