Les Toulousains ont remporté leur finale (24-18) face à Clermont, le 15 juin à Saint-Denis. / ALAIN JOCARD / AFP

On pourrait reprocher à cette finale du championnat de France d’avoir laissé les rêveurs sur leur faim, d’avoir honoré la robustesse du Stade toulousain face à Clermont (24-18) plutôt que son potentiel offensif. Qu’importe. Samedi 15 juin, à Saint-Denis, il fallait gagner. Alors les Toulousains ont gagné. Le 20e titre de leur histoire, le premier depuis 2012.

On pourrait surtout remercier le club le plus titré du pays, par ailleurs, pour le jeu produit tout au long de la saison. Une esthétique en soi : redonner toute sa part à la prise d’initiatives, aux courses des lignes arrières, aux mouvements dans l’espace. Sans évidemment renoncer aux fondamentaux, au combat collectif des avants, primordial samedi soir.

Il y a une poésie dans ce « jeu à la toulousaine », qui réconcilie avec le jeu tout court. Mais aussi du pragmatisme pour finir champion de France et demi-finaliste de la Coupe d’Europe. Si les chiffres veulent dire quelque chose, en voici : record de matchs consécutifs sans défaite en championnat (14), record du nombre de points à l’issue de la saison régulière (98 pour les Rouge et Noir, en tête du classement devant Clermont, 15 points derrière), record du nombre d’essais marqués sur l’ensemble de la saison (107).

Un seul joueur avait connu le titre de 2012 : Maxime Médard, 32 ans, ailier gauche. Thomas Ramos l’avait alors suivi « devant la télé ». L’arrière, qui a joué ouvreur samedi, a seulement 23 ans et des années devant lui pour gagner encore d’autres titres au Stade de France :

« A nous de nous remettre au travail dès la saison prochaine pour espérer y revenir. Maintenant, toute cette jeune génération sait ce que c’est que d’être champion et ça va nous donner envie de le redevenir. »

Egalement concernés : Antoine Dupont, demi de mêlée, 22 ans ; Romain Ntamack, centre ou ouvreur (mais remplaçant samedi), 20 ans ; Peato Mauvaka, 22 ans, talonneur ; mais aussi des éléments de 25 ans comme François Cros, troisième ligne, ou Cyril Baille, pilier.

Yoann Huget a beau avoir 32 ans comme Médard, il « espère aussi revivre des moments comme ça. » « Les supporteurs nous en parlaient déjà tout au long de la saison. On a eu un parcours assez linéaire en championnat, je pense qu’on a rendu les gens heureux. » Pour sa première finale disputée, l’ailier droit a inscrit deux essais.

Coupe du monde en perspective

Si cette équipe s’appuie aussi sur le Sud-Africain Cheslin Kolbe (auteur des deux passes décisives à Huget) ou sur le Néo-Zélandais Jerome Kaino, elle redonnerait presque envie de croire en l’avenir pourtant précaire du XV de France, à trois mois de la prochaine Coupe du monde au Japon. « Je pense que les gens espèrent et attendent du Stade toulousain qu’il régénère l’équipe de France, qu’il apporte cet allant », déclarait au Monde Didier Lacroix, président et ancien joueur du club, dès le mois de mars.

Mardi 18 juin, trois jours à peine après la finale du championnat, le sélectionneur Jacques Brunel annoncera l’identité des 37 joueurs retenus en équipe nationale pour préparer cet été la Coupe du monde (20 septembre - 2 novembre) : 31 titulaires et 6 réservistes.

Mi-mai, à titre indicatif, la Fédération française de rugby avait déjà communiqué une préliste de 65 noms. Parmi eux, onze Toulousains (et dix Clermontois). Huit de ces Rouge et Noir ont joué titulaires samedi : Baille, Mauvaka et Cros devant, Dupont, Guitoune, Huget, Ramos et Médard derrière. Deux sont entrés en cours de match : Bézy après l’heure de jeu et Ntamack en toute fin de rencontre. Un autre, Verhaeghe, se remet toujours d’une blessure à l’épaule.

« On a trois jours pour profiter [de la victoire], on va déjà savourer », élude Thomas Ramos après le match, arborant déjà un tee-shirt spécial pour célébrer ce 20e titre. Un titre d’autant plus particulier pour le Stade toulousain et pour son entraîneur, Ugo Mola, qu’il s’agit du premier depuis 1947 sans compter Guy Novès comme joueur (champion en 1985 et 1986) ou comme entraîneur (dix fois champion entre 1989 et 2012).

Sifflets avant le match

Avant le match, des sifflets ont accompagné la descente sur le terrain de trois présidents : celui de la République, Emannuel Macron, celui de la Fédération française de rugby, Bernard Laporte, et celui de la Ligue nationale de rugby, Paul Goze. Une partie du public du Stade de France a hué le trio (sans que l’on sache qui était visé) lors de la présentation des équipes.

Bernard Laporte avait déjà subi une bronca en février pendant un match du XV de France contre l’Ecosse, au Tournoi des six nations, lorsque le public avait aperçu son visage sur l’écran géant du stade. Mêmes déboires pour Jacques Brunel à Bordeaux : il y a une semaine, le sélectionneur du XV de France a fait l’objet de sifflets durant la demi-finale du Top 14 entre Toulouse et la Rochelle. L’entraîneur occupe cette fonction depuis décembre 2017, à la suite du licenciement du Toulousain Guy Novès.