Voici un corrigé de l’épreuve anticipée de français du bac 2019, séries ES et S, que Le Monde vous propose en exclusivité, en partenariat avec Annabac.

Suivez en direct l’épreuve de français et discutez des sujets avec Denise Marechal, professeure de français

Le corpus :

- Texte A : Alphonse de Lamartine L’Isolement

- Texte B : Anna de Noailles, La Vie profonde

- Texte C : Andrée Chedid, Destination : arbre

- Texte D : Yves Bonnefoy, La pluie d’été

LE CORRIGÉ

Question sur le corpus

Quelle(s) relation(s) le poète entretient-il avec la nature dans les poèmes du corpus ? Par Sophie Saulnier, professeure agrégée

Analyse du sujet

• Quatre poèmes lyriques qui prennent comme sujet la nature et le regard que le poète porte sur elle, les sentiments qu’il ressent.

• Description de la nature et des éléments qui la constituent : on peut retrouver des évocations communes (l’arbre, par exemple), mais les sentiments des poètes ne seront pas toujours les mêmes.

• Le poème de Lamartine semble être négatif, mais attention ce n’est pas la nature qui est dépréciée mais le regard qu’il porte sur elle.

Plan détaillé

Introduction

Le lyrisme se définit par l’expression forte du poète face à la nature, à la mort, à l’amour. On retrouve dans ces quatre poèmes le tableau de la nature, la présence du poète et des sentiments qu’il ressent face à la nature.

1. LE TABLEAU DE LA NATURE

• Lamartine emploie deux fois le mot « tableau » pour évoquer le spectacle de la nature.

• On peut en effet parler d’un spectacle total, dans la mesure où dans chaque poème apparaissent non seulement des éléments, comme l’arbre, mais aussi le monde dans son entier : soleil, pluie, forêts… et même la « métropole » (Chedid)

• Les sons (Lamartine), le toucher (Chedid), le goût (Noailles, Bonnefoy) : tous les sens sont convoqués.

2. LA PRÉSENCE DU « JE » DU POÈTE

• Lamartine utilise le « Je » au début et à la fin du poème, « je » relayé par « le Voyageur ».

• Noailles et Chedid emploient l’infinitif qui donne une dimension universelle à leur relation à la nature.

• Bonnefoy utilise le « nous », qui laisse supposer que ce rapport à la nature s’inscrit dans le cadre d’une relation amoureuse

3. LES SENTIMENTS

• Le texte de Lamartine se démarque des autres poèmes, puisque les charmes de la nature ne suffisent pas à le détourner de sa solitude (« tristement »).

• Les autres poètes ne font qu’un avec la nature : analogie (Noailles), jusqu’à être arbre (Chedid).

• Bonnefoy : l’« autre monde » est un monde sensuel, et l’image de la terre se confond avec l’image de la femme.

Conclusion

Quatre poèmes au lyrisme exacerbé, qui chantent la gloire de la nature et traitent de la communion – ou de l’absence de communion – entre l’homme et la nature.

Vous réaliserez, au choix, l’un des exercices suivants :

1. Commentaire

Vous commenterez le poème d’Andrée Chedid, « Destination : arbre » (Texte C), par Sophie Saulnier, professeure agrégée

Analyse du sujet

Poème en vers libres, huit strophes qui semblent à peu près équilibrées. Une langue synthétique qui joue sur la brièveté, renforcée par le choix des verbes à l’infinitif. Une opposition entre l’arbre des jardins et l’arbre de la ville. Une métaphore du destin humain ?

Plan détaillé

Introduction

Un poème qui s’inscrit dans la durée et la temporalité et qui prend pour thème le destin humain. Un poème philosophique. Quelle leçon en tirer ?

1. UN PARCOURS

A. La structure du poème

• Les trois premières strophes sont consacrées à l’arbre dans les jardins.

• Les trois strophes suivantes font de l’arbre un « orphelin ».

• La dernière strophe se démarque des autres par l’utilisation du participe présent.

B. Un parcours dans le temps

• Trois connecteurs temporels (« peu à peu », « puis », « ensuite ») organisent les quatre premières strophes.

• Dernière strophe : « éphémère ». Le poème se clôt sur le mot « durée ».

C. Entre injonction et souhait

• Usage très particulier de l’infinitif qui donne le rythme et la cadence du poème, créant un effet anaphorique.

• Usage particulièrement remarquable dans la première partie du poème (à chaque vers, un infinitif) : donne l’impression de suivre une action en train de se faire.

• Valeur particulière de l’infinitif entre injonction (il faut) et souhait (ce qu’il faudrait faire).

2. QU’EST-CE QU’ÊTRE ARBRE ?

A. Etre un arbre parmi les arbres

• Etre un arbre c’est communier avec le monde et la nature (« forêts », « terres », « espaces », « orages », « soleil »).

• C’est aussi être fort et tirer sa force du monde (étudier le sens des verbes d’action).

B. La solitude de l’arbre

• Mais une fois cette force connue et ressentie au plus profond de soi, il faut aussi se pencher sur l’arbre « orphelin des forêts ».

• Inversion des éléments de force en éléments de faiblesse (« fût »/« tronc rêche » ; « se greffer aux branchages »/« branches taries »…).

B. Une moralité philosophique ?

• Malgré cette solitude, et la déchéance de l’arbre des villes, il faut savoir « rejoindre cette retraite » et être à l’affût de tout signe de renaissance, d’espoir (« la montée des bourgeons »).

• Le poème se referme sur une comparaison explicite aux « rêves tenaces » et qui sont la « sève » des hommes.

• Ainsi que sur ce qui est donné comme une mission : explorer « l’éphémère », dépister « la durée ».

Conclusion

Le destin de l’homme est de vivre dans le temps, il doit expérimenter la beauté pour pouvoir la retrouver même quand il est « éloigné des jardins » et « orphelin des forêts ».

2. Dissertation

« Avoir l’âme qui rêve, au bord du monde assise… », écrit Anna de Noailles (texte B, dernier vers). Pensez-vous que ce vers puisse définir l’attitude du poète face au monde ? Vous vous appuierez sur les textes du corpus, les œuvres que vous avez étudiées en classe ainsi que sur vos lectures personnelles. Par Hélène Bernard, professeure agrégée

Analyse du sujet

• La citation propose une définition de l’attitude du poète face au monde : il se situerait à la frontière entre le monde réel des hommes et celui intime et imaginaire de la rêverie.

• Cette posture rencontre le lieu commun du poète enfermé dans sa « tour d’ivoire », détaché des réalités matérielles, étranger à ceux qui l’entourent, incompris du commun des mortels.

• Pourtant, la poésie qualifiée d’engagée et à certains égards la poésie lyrique donnent à voir une figure du poète davantage investie, qui se fait le porte-voix de ses semblables. Le poète ne serait-il qu’un contemplateur c’est-à-dire un être voué à l’observation et la méditation ?

Plan détaillé

Introduction

Le XIXe siècle a largement contribué à développer l’image du poète comme celle d’un être contemplatif, seul au milieu de la nature chez les Romantiques, reclus dans son monde chez les Parnassiens. Serait-il cet écrivain voué à l’inaction ? La poésie ne saurait-elle être en prise avec le monde ?

1. LE POÈTE : UN CONTEMPLATIF

A. Un promeneur solitaire

• Le topos de la nature comme refuge privilégié du poète se retrouve dans maints textes poétiques comme le révèlent les titres des poèmes appartenant au corpus : « L’isolement », « Destination : arbre », « La pluie d’été ».

• C’est dans un cadre bucolique que l’« âme indifférente » (Lamartine) du poète trouve le repos ; la nature est un tombeau où le poète vient ensevelir sa mélancolie, voire son mal-être, dont il nourrit ses propres textes.

B. Un être en marge de la société

• Si l’âme est « au bord du monde assise », c’est que le poète n’a pas su trouver sa place dans la société : il est à l’image de l’Albatros de Baudelaire dans la pièce éponyme des Fleurs du mal de Baudelaire : « Exilé sur le sol au milieu des huées,/Ses ailes de géants l’empêchent de marcher » où l’anacoluthe vient souligner l’inadaptation du poète au monde terrestre.

• En effet, sa sensibilité hors-norme le condamne à une mise au ban de la société : son « Elévation » pour reprendre un autre titre baudelairien, sa compréhension de « la vie profonde » (A. de Noailles) de la nature, sa capacité à « Se lier aux jardins », « Se mêler aux forêts », à « Déchiffrer les soleils » (Andrée Chedid) le mettent hors de portée humaine.

2. LE POÈTE EN ACTION

A. L’écrivain engagé

• Loin de rester à la lisière du monde réel, le poète peut faire du poème le lieu même de sa réflexion et de son engagement : il fait alors de son texte une tribune où il donne la parole à son âme sur les « misères de son temps » (cf. Ronsard au temps des guerres de religion), où il lance un appel à la résistance (cf. Robert Desnos ou encore René Char au XXe siècle).

• Les ressources poétiques apparaissent alors comme le plus sûr moyen de frapper les esprits. Ainsi Victor Hugo, dans son poème « Melancholia », nous alerte sans détour : « Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?/ Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?/ Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ? ».

B. Le voyant

• En position du guide et de prophète, le poète apparaît à même d’éclairer les hommes sur leur destinée : dès lors, il se situe moins à la marge qu’en surplomb des hommes. C’est en ce sens que Saint-John Perse, dans un discours prononcé à Stockholm, peut affirmer : « Poète, homme d’absence et de présence », ajoutant à propos de la poésie : « Son lieu est partout dans l’anticipation ».

• Si l’âme du poète rêve, ce n’est pas d’un ailleurs aux confins du monde mais en lien avec celui-ci : « Evoquer ensuite/Au cœur d’une métropole/Un arbre un seul/Enclos dans l’asphalte ».

3. DE L’ÂME AU MONDE : LE POÈTE COMME INTERMÉDIAIRE

A. Un médiateur

• Le poète serait celui qui relie rêverie et réalité, établit des « correspondances » pour reprendre la terminologie de Baudelaire ; il est celui qui transforme, par l’intermédiaire des mots, l’expérience intime d’une âme en communion universelle, à la manière de Victor Hugo dans Les Contemplations : « Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous » (préface du recueil).

• Parce que la poésie est chant, vouée à être pris en charge par la lecture, elle est parole en actes : l’utilisation du mode infinitif dans les textes B et C du corpus manifeste cette possibilité d’actualiser le texte, aussi bien pour le locuteur que le destinataire.

B. Un alchimiste

• Le poète est aussi celui par qui nous sortons de nos habitudes, qui nous oblige à porter un regard neuf sur le monde qui nous entoure, qui transforme la réalité quotidienne en or, « cet or que l’alchimie/Aura tant cherché ».

• Loin d’être un rêveur oiseux, le poète serait un rêveur actif qui, par la grâce de ses mots et de ses images, nous oblige à considérer le monde sous un angle différent : à l’instar de Francis Ponge dans Le parti pris des choses, nous ne sommes plus contemplateurs passifs des objets qui nous entourent, mais nous redécouvrons « le galet » ou « la fin de l’automne » dans toute leur vigueur objective.

Conclusion

Le vers d’Anna de Noailles renvoie à une image traditionnelle du poète, en retrait du monde qu’il observe et sur lequel il médite, que la poésie dite engagée vient relativiser. L’image de la posture liminaire du poète invite à dépasser la contradiction : si l’âme est assise au bord du monde, le poète n’en demeure pas moins cet homme aux « semelles de vent » dont parle Rimbaud, toujours prompt à faire voyager le lecteur à travers le monde et l’épaisseur des mots.

3. Invention

« Nulle part le bonheur ne m’attend », écrit Lamartine. Dans un texte poétique d’une certaine ampleur, vous prendrez le contre-pied de cette affirmation, en évoquant l’épanouissement et la plénitude du poète au sein de la nature. Vous pourrez choisir d’utiliser une forme versifiée ou une prose poétique. Par Sophie Saulnier, professeure agrégée

Analyse du sujet

• Un texte poétique : la consigne précise bien que vous pouvez choisir la forme versifiée ou la prose poétique. Pour la forme versifiée, il est plus prudent de choisir le vers libre. La prose poétique implique une attention particulière au rythme des phrases, aux allitérations et assonances, à l’emploi de métaphores et d’images.

• Le texte, d’une « certaine ampleur » (le terme est vague, mais vous indique qu’un sonnet, par exemple, ne suffira pas à convaincre votre correcteur), doit appartenir au registre lyrique.

• Le texte peut-être à la première personne, mais le « je » peut aussi parfois s’effacer, comme dans les autres poèmes du corpus.

• C’est le regard que le poète porte sur la nature qui change. Quel serait l’antonyme de l’adverbe « tristement » employé par Lamartine ? Attention à ne pas vous contenter de transformer les expressions négatives de la quatrième strophe en formulations positives.

• Il est possible de reprendre des éléments des poèmes du corpus, mais n’oubliez pas qu’il ne suffit pas de décrire la nature ; il faut montrer la relation que vous entretenez avec elle.

« Epanouissement » et « plénitude » sont des termes forts qui évoquent un état de bonheur total, inutile donc d’évoquer des souvenirs heureux auxquels le spectacle de la nature vous renverrait. La nature doit suffire seule à cet état de bonheur.

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