Le parquet de Paris a requis, lundi 17 juin, le renvoi aux assises de Kobili Traoré pour le meurtre à caractère antisémite de Sarah Halimi, une sexagénaire morte à Paris en 2017 après avoir été poussée du haut d’un balcon.

Il revient, désormais, à la juge d’instruction de décider de la tenue ou non de ce procès, qui pourrait être une prise de risque pour les parties civiles. Trois expertises psychiatriques contradictoires leur font craindre que le jeune homme, toujours hospitalisé, soit reconnu comme pénalement irresponsable et bénéficie d’un non-lieu.

« Bouffée délirante aiguë »

A Paris, dans la nuit du 3 au 4 avril 2017, Kobili Traoré, 27 ans, dormait chez un ami au troisième étage d’une HLM de Belleville. En plein milieu de la nuit, il est descendu, pieds nus, tambouriner chez une famille amie de l’immeuble. Ces derniers, les Diarra, ont trouvé l’attitude de leur voisin si agressive qu’ils se sont réfugiés dans une chambre avant d’appeler la police. Quelques instants plus tard, Kobili Traoré enjambait le balcon et entrait chez une autre voisine : Sarah Halimi. Aux cris d’« Allahou akbar ! », entrecoupés d’insultes et de versets du Coran, ce jeune musulman l’avait rouée de coups avant de la précipiter dans la cour.

La question du discernement du suspect, interné après son arrestation, est centrale dans le dossier. La première expertise psychiatrique concluait que, la nuit du meurtre, il avait été pris d’une « bouffée délirante aiguë », liée à une forte consommation de cannabis, qui avait altéré son discernement sans pour autant l’abolir. Mais une première contre-expertise concluait, au contraire, à l’irresponsabilité pénale de Kobili Traoré, mis en examen pour meurtre, et la juge avait ordonné une troisième expertise. La troisième expertise avait à nouveau conclu à une « bouffée délirante aiguë d’origine exotoxique ».

Vive émotion

Le caractère antisémite avait été retenu par la juge d’instruction, à l’issue d’un bras de fer avec le parquet et les parties civiles, car les circonstances du meurtre de cette ancienne directrice de crèche confessionnelle, juive orthodoxe de 65 ans, avaient d’abord semblé confuses.

Mais l’affaire avait créé une vive émotion au sein de la communauté juive et entraîné de nombreuses réactions politiques. Le 16 juillet 2017, moins d’une semaine après la mise en examen de M. Traoré sans circonstance aggravante d’antisémitisme retenue, le président de la République, Emmanuel Macron, avait même demandé lors de la commémoration de la rafle du Vél’d’Hiv à laquelle assistait le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, que « la justice [fasse]toute la clarté sur la mort de Sarah Halimi ».

Hospitalisé en psychiatrie à Villejuif (Val-de-Marne) depuis le meurtre dont on l’accuse, Kobili Traoré s’est finalement plus souvent entretenu avec des experts qu’avec la juge. Les trois derniers qui l’ont examiné, chacun à tour de rôle, rapportent les remords que ce dernier aurait exprimés. « Je regrette mon geste… Je suis peiné pour la famille de la victime… », aurait ainsi déclaré M. Traoré. « Si je dois être puni, j’accepte la sanction. » Les psychiatres expliquent même qu’il leur a confié avoir « voulu écrire aux victimes (…) leur expliquer l’histoire… leur dire que je suis malade… que c’est arrivé par accident… que je ne suis pas antisémite… » Mais son avocat aurait estimé « que ce n’était pas une bonne idée ».