Le ministre de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer, à l’Elysée, le 12 juin. / LUDOVIC MARIN / AFP

Editorial du « Monde ». Pour l’avant-dernière fois, le baccalauréat, dont les premières épreuves commencent, ce lundi 17 juin, sur fond de grogne des syndicats d’enseignants, se déroule de façon traditionnelle. Jean-Michel Blanquer s’est bien gardé de faire disparaître ce « monument national » – sa suppression, disait Xavier Darcos, un de ses prédécesseurs, équivaudrait à « démonter la tour Eiffel » –, mais il en a profondément modifié l’architecture. En 2021, selon le projet du ministre de l’éducation nationale, l’examen ne conservera que quatre épreuves terminales – deux au printemps et deux en juin – et la part du contrôle continu dans l’évaluation des candidats passera à 40 %.

Deux ans après sa nomination, ce ministre qui disait ne pas vouloir laisser son nom à une loi rebâtit, pierre après pierre, la maison éducation, du sol au plafond. Sa frénésie de réformes prend les allures d’une boulimie : le dédoublement en zones d’éducation prioritaires (ZEP) des classes de CP et de CE1 et bientôt de la grande section de maternelle, l’école obligatoire à 3 ans, les classes réduites à 24 élèves, d’ici trois ans.

S’y ajoutent le « nouveau lycée », les petits déjeuners gratuits, le « moratoire » sur les fermetures d’écoles rurales ou encore sa volonté de « faire évoluer » le brevet des collèges pour sa session 2021.

« Dire à chacun ce qu’il veut entendre »

De tous les ministres de la société civile, M. Blanquer, dont l’expertise et la maîtrise des dossiers sont reconnues par tous ses interlocuteurs, est celui qui réussit le mieux. Bon orateur, combatif parfois à l’excès contre ses adversaires, élève modèle du président de la République, par sa loyauté et sa fidélité, il réunit les qualités qui, en cette fin d’année scolaire, pourraient lui valoir d’être distingué par Emmanuel Macron au tableau d’honneur.

Le ministre, qui a appris l’art de communiquer et qui, selon la formule d’un syndicaliste, « sait slalomer pour dire à chacun ce qu’il veut entendre », bénéficie d’un contexte beaucoup plus favorable que ses prédécesseurs. Les syndicats cultivent une image de conservatisme. Affaiblis, ils peinent à mobiliser.

La gauche, qui, sous le précédent quinquennat, n’a pas profité des mêmes faveurs de l’opinion, est dans l’incapacité de proposer un discours alternatif à celui de l’ancien directeur général de l’enseignement scolaire entre 2009 et 2012. Les parents d’élèves saluent la politique d’un ministre qui inscrit l’autorité au fronton des écoles. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que M. Blanquer soit très populaire.

Pour autant, la médaille du bon élève a son revers. Au diapason du président, M. Blanquer veut aller vite, au détriment de la nécessaire concertation. Il ne laisse pas le temps à ses réformes de s’appliquer car, à peine en a-t-il bouclé une, qu’il met déjà en chantier la suivante. Son exercice du pouvoir est assez solitaire. A plusieurs reprises, son style, plutôt dirigiste, a déclenché des polémiques, comme sur son projet de loi « pour une école de la confiance ». Sur les regroupements écoles-collège, le devoir d’exemplarité des enseignants, il a cabré une partie de la majorité, pour laquelle il est trop à droite.

M. Blanquer est aussi confronté à un problème budgétaire. Le monde rural a le sentiment que ses écoles sont pénalisées par le dédoublement des classes dans les zones d’éducation prioritaires. Et, à l’heure des suppressions de postes de fonctionnaires, ses moyens risquent de ne pas être à la hauteur de ses ambitions.