Les Bleues pendant leur match de Coupe du monde contre le Nigeria, le 17 juin, à Rennes. / STEPHANE MAHE / REUTERS

Editorial du « Monde ». Malgré un succès étriqué face au Nigeria, la France a tout de même réussi son début de Mondial féminin en se qualifiant pour les huitièmes de finale, grâce à trois victoires en trois matchs. Une performance inédite pour les Françaises. Le scénario rocambolesque de leur dernière rencontre, remportée 1 à 0 à la suite d’un penalty raté, puis retiré grâce à une nouvelle règle, montre que les filles, à l’instar des garçons, savent aussi se qualifier dans la douleur. Sur ce plan, au moins, la bataille de la parité est déjà gagnée.

Pour le reste, même si le parcours s’annonce encore long, la compétition est déjà prometteuse et la discipline va franchir une étape cruciale dans sa quête de notoriété. Les spectateurs sont au rendez-vous pour les matchs des Bleues, les audiences télévisées sont élevées, à telle enseigne que les chaînes de télévision ont revu à la hausse les tarifs de leurs écrans publicitaires. Certes, la compétition manque encore de visibilité, et les villes qui accueillent les matchs ne bénéficient pas de l’animation de l’Euro masculin de 2016. Gageons que cela viendra avec les moments décisifs de la compétition.

Un nouveau cap

On aurait tort cependant de faire porter aux joueuses, qu’elles gagnent ou qu’elles perdent, l’entière responsabilité et les espoirs du développement de la pratique féminine. C’est aux dirigeants du football français et aux clubs de poursuivre leurs efforts, déjà importants, et de transformer l’élan donné par ce Mondial. A partir de 2011, la Fédération française de football (FFF) s’est concentrée sur la pratique quotidienne, au niveau des clubs et des associations. Les efforts ont porté sur l’augmentation du nombre de licenciées, le recrutement de dirigeantes, la formation des arbitres, la création des sections féminines et des équipes de jeunes. Il s’agissait de donner enfin une visibilité à une discipline en devenir.

Après ce Mondial, la prochaine étape doit permettre de franchir un nouveau cap dans la professionnalisation des footballeuses. De ce point de vue, l’économie de l’élite du championnat français, mais aussi européen, est encore trop faible et trop dépendante du bon vouloir d’une poignée de présidents de club (Lyon, PSG, Montpellier) en adéquation avec l’époque. La FFF dispose de suffisamment de moyens pour accélérer le développement des sections féminines, afin de proposer une compétition qui ne se résume pas à trois ou quatre équipes écrasant le reste du championnat. C’est aussi aux sponsors de croire en ces footballeuses, capables d’attirer les foules en drainant un nouveau public dans les stades.

L’écart avec la pratique masculine de football en matière de billetterie, de droits télévisés et de salaires reste considérable. Amandine Henry, capitaine de l’équipe de France et triple vainqueure de la Ligue des champions comme milieu de terrain de l’Olympique lyonnais, gagne cent fois moins que Neymar, la vedette brésilienne du PSG. Certes, les excès de la financiarisation du football chez les hommes ne doivent certainement pas servir d’exemple. Mais, qu’on le veuille ou non, l’argent reste un thermomètre, même imparfait, de l’attractivité d’une discipline. Pour beaucoup de joueuses de football, et pour l’ensemble des sportives, celle-ci passe par une véritable professionnalisation sans tomber dans les dérives liées à des enjeux financiers disproportionnés. Les femmes sont peut-être l’avenir du football.