Stéphane Malchow a une activité en dents de scie. De grosses tablées un jour, un service plus calme le lendemain… A la brasserie Mollard, l’établissement parisien qu’il dirige près de la gare Saint-Lazare, le chiffre d’affaires peut varier de 30 % selon les mois. Alors le patron fait comme tous les restaurateurs français : il embauche des extras. Entre trente et quarante CDD d’usage chaque mois. « Pas le choix, assure-t-il. Je ne vais pas dire au client de repasser manger le lendemain parce que je manque de personnel… Il irait ailleurs. »

La profession ne s’en cache pas : du propre aveu de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), le nombre de contrats de moins d’un mois a explosé en dix ans, passant de 1,5 à 3,8 millions. Une situation qui fait du secteur, qui compte 740 000 salariés, l’une des premières cibles du bonus-malus que souhaite instaurer le gouvernement. Si le plan de l’exécutif est adopté, les cotisations sur les CDD courts seraient en effet majorées de 0,95 point, et les CDD d’usage soumis à une ponction forfaitaire de 10 euros.

« Trop rigides »

« On va payer, se résout Stéphane Malchow. Le tout est de savoir combien. » Car, malgré le malus à venir, le restaurateur ne prévoit pas de changer ses habitudes. L’intérim « coûte les yeux de la tête », argue-t-il. Quant aux CDI ou aux CDD, même à temps partiel, ils sont « trop rigides ». « D’ailleurs, des surtaxations, il y en a déjà eu en 2013 et en 2017, rappelle Thierry Grégoire, président de la branche saisonniers de l’UMIH. Cela n’a pas empêché les CDD d’usage de se multiplier. »

L’organisation professionnelle reproche aux représentants patronaux et syndicaux d’avoir « rendu les clés du camion à l’exécutif », faute de parvenir à un compromis sur la réforme de l’assurance-chômage. La surtaxation des contrats courts, parce qu’elle ne sera appliquée que dans sept secteurs, est « une mesure discriminatoire », enrage Thierry Grégoire. Un dispositif qui va « taxer des sociétés qui n’ont pas d’autres options, alors qu’on laisse prospérer l’autoentreprise, pourtant beaucoup moins encadrée ».

Pour sortir de l’ornière, l’UMIH planche depuis des mois sur un projet de CDI hybride : un contrat dit « de mobilités », porté par une plate-forme agréée par la branche. Cette dernière, en jouant un rôle d’intermédiaire avec les employeurs, regrouperait les différentes missions des salariés en contrat court et se chargerait de les rémunérer. Elle collecterait également des cotisations supplémentaires auprès des entreprises, pour la formation et l’indemnisation des salariés entre deux missions. Objectif : délester l’assurance-chômage d’une partie des prestations tout en conservant la flexibilité du travail.

Eventé en février alors que les discussions sur la réforme de l’Unédic patinaient, le dispositif serait toujours à l’étude, selon Thierry Grégoire, qui se donne jusqu’au 31 décembre pour en préciser les modalités. Il pourrait être devancé par une autre proposition : celle d’un statut d’extra sécurisé, défendu par le Groupement national des indépendants de l’hôtellerie-restauration (GNI-Synhorcat). Son président, Didier Chenet, a annoncé qu’il en présenterait les contours « dans les prochains jours ».

CDI en temps partagé

Une alternative peu connue existe pourtant déjà : le CDI en temps partagé au sein d’un groupement d’employeurs. Il permet par exemple à une femme de chambre de travailler pour plusieurs employeurs tout en ayant un contrat fixe. L’association Reso France en a fait sa marque de fabrique, depuis son lancement, il y a seize ans, à l’initiative de restaurateurs et d’hôteliers nantais. Créé pour répondre à la pénurie chronique de personnel dans le secteur, ce groupement d’employeurs salarie aujourd’hui 370 équivalents temps plein, dont une centaine de CDI en temps partagé, pour un salaire brut mensuel moyen de 1 570 euros.

Le GNI-Synhorcat a également développé une structure similaire, spécialisée, elle, dans les fonctions support. Stéphane Malchow en a entendu parler, mais n’a jamais, jusque-là, creusé la question. « Pour l’instant, je me débrouille, confie-t-il. Mais le malus pourrait bien m’obliger à m’intéresser à ces groupements. »