Le revolver avec lequel Vincent Van Gogh se serait donné la mort le 27 juillet 1890 a été vendu mercredi 19 juin 130 000 euros. / CHARLES PLATIAU / REUTERS

C’est un délicat assemblage de fer, rongé par la rouille. L’objet, réputé être l’arme avec laquelle Vincent Van Gogh s’est donné la mort, il y a plus d’un siècle, s’est vendu 130 000 euros, mercredi 19 juin, à l’hôtel Drouot, à Paris. Le prix de ce revolver de type Lefaucheux, de calibre 7 mm, avait été estimé entre 40 000 et 60 000 euros.

Le 27 juillet 1890, cela fait deux mois que Vincent Van Gogh vit à Auvers-sur-Oise (dans l’actuel Val-d’Oise). Il est alors au sommet de son art mais souffre de crises dues à une maladie mentale. Ce jour-là, selon la thèse en vigueur, le peintre emprunte un pistolet au propriétaire de l’auberge où il vit, Arthur Ravoux. Il se rend ensuite dans un champ de blé, soulève sa chemise, retourne l’arme contre lui et se tire une balle dans le thorax. Blessé mais vivant, il s’évanouit et égare le revolver. A son réveil, à la nuit tombée, il reprend le chemin de la chambre de son auberge, où il meurt deux jours plus tard, à 37 ans, des suites de sa blessure, malgré les soins que lui prodigue le docteur Paul Gachet.

Livre qui fait référence

L’arme vendue chez Drouot a été retrouvée dans un champ d’Auvers-sur-Oise vers 1960 par l’agriculteur qui l’exploitait. Elle a été remise aux propriétaires d’alors de l’auberge Ravoux. Est-ce bien elle que le peintre a utilisée ce 27 juillet 1890 ? Impossible de le certifier complètement mais « c’est une présomption forte », a souligné auprès de l’Agence France-Presse le commissaire-priseur MGrégoire Veyrès. La maison AuctionArt - Rémy Le Fur, qui a mis l’objet en vente, dit avoir suivi l’enquête menée par un historien local, Alain Rohan, publiée dans un livre qui fait maintenant référence, Vincent Van Gogh, aurait-on retrouvé l’arme du suicide ?, paru en 2012.

FRANCOIS GUILLOT / AFP

M. Rohan a établi que l’emplacement du champ où a été retrouvé le revolver, derrière le château d’Auvers-sur-Oise, correspond aux descriptions des quelques témoignages de l’époque. « Il s’était rendu dans le champ de blé où il peignit son dernier tableau. Ce champ est situé derrière le château d’Auvers », écrivait ainsi en 1954 Adeline Carrié, la fille de l’aubergiste Arthur Ravoux, qui a raconté avoir vu Vincent Van Gogh rentrer, blessé, à l’auberge, le soir du 27 juillet 1890.

Sollicitée par l’historien, la gendarmerie nationale a participé à l’enquête. Se basant sur des notes du fils du docteur Gachet, qui décrivent la blessure du peintre, Yves Schuliar, le médecin chef des services du pôle judiciaire de la gendarmerie, a jugé que l’arme trouvée peut avoir causé la plaie en question. Il expliquait en 2015 dans Le Parisien que, selon lui, « le coup a été tiré à bout portant, à environ 2 à 3 cm du thorax, après que Vincent a ouvert et écarté ses vêtements devant le canon ».

La thèse du suicide avait pourtant été remise en question en 2011 par deux chercheurs américains. Ces derniers pensent que le peintre a plutôt été touché de manière accidentelle par un tir venant d’une arme manipulée par deux adolescents de sa connaissance. Selon eux, l’artiste aurait gardé le silence pour les protéger.

« L’arme la plus célèbre de l’histoire de l’art »

Mais d’après AuctionArt, « les études techniques et scientifiques menées sur le revolver ainsi que son état indiquent que l’arme a bel et bien servi peu avant sa chute, et qu’elle est restée dans le sol entre cinquante et quatre-vingts ans ». « La gâchette a été retrouvée en position d’action alors qu’elle peut se replier pour éviter qu’un coup ne parte », rappelait encore Le Parisien en 2015, laissant à penser que l’arme a été utilisée puis laissée sur place.

Le pistolet vendu a par ailleurs reçu la caution du Musée Van Gogh d’Amsterdam, qui l’a intégré à l’été 2016 dans son exposition « Aux confins de la folie, la maladie de Van Gogh ». Il fait également l’objet d’une demande de prêt du Musée Städel de Francfort, en Allemagne, qui veut l’exposer d’octobre 2019 à février 2020.

En attendant, le revolver a trouvé un nouvel acquéreur, un particulier dont on ignore l’identité. « L’arme la plus célèbre de l’histoire de l’art », comme elle est surnommée, n’a pas atteint le prix d’un légendaire revolver Lefaucheux similaire, celui avec lequel Paul Verlaine avait blessé Arthur Rimbaud, en juillet 1873 : l’arme avait été vendue 434 500 euros, en novembre 2016.