L’Egypte n’aurait pas dû organiser la 32e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Le tournoi devait se dérouler plus à l’ouest du continent, au Cameroun, mais la patrie des Lions indomptables avait pris trop de retard dans les travaux des stades qui devaient accueillir la compétition. Conséquence : son statut de « pays hôte » lui a été retiré par la Confédération africaine de football (CAF) en novembre 2018 pour le confier à l’Egypte. Ainsi l’ancien royaume recevra-t-il sur ses terres millénaires la plus importante des compétitions africaines du 21 juin au 19 juillet pour la cinquième fois de son histoire : après 1959, sous le nom de République arabe unie, 1974, 1986 et 2006. Un record.

Son équipe nationale, surnommée les Pharaons, a terrassé sept fois la CAN depuis sa création en 1957. Un autre record. Ces chiffres rappellent que cette nation a une longue histoire dans le football depuis près d’un siècle. C’est la première nation non occidentale à avoir participé aux Jeux olympiques dès 1920, à Anvers, en Belgique, et la première équipe à représenter l’Afrique lors d’une phase finale de Coupe du monde : c’était en Italie, en 1934. A cette époque, la deuxième édition du Mondial se disputait entre seize sélections : douze pour l’Europe, deux pour l’Amérique latine, une pour l’Amérique du Nord, centrale et les Caraïbes et une dernière pour l’Afrique et… l’Asie. Lors du tour qualificatif, l’Egypte n’avait eu à vaincre qu’un adversaire, la Palestine, sous mandat britannique, qu’elle écrasa 7-1, puis 1-4 au match retour.

Joueurs aux talents insolents

Son parcours sur la scène internationale est peu glorieux : deux demi-finales aux Jeux olympiques de 1928 et 1964 et trois participations en Coupe du monde en 1934, 1990 et 2018. C’est en Afrique que les Pharaons arrivent le mieux à s’exprimer : ils ont participé à vingt-quatre reprises à la CAN. Encore un record. Pour conquérir cette prestigieuse Coupe à sept fois, la sélection nationale a pu compter sur des joueurs aux talents insolents avec parfois de drôles de personnalités.

Au commencement, il y a eu Abdel Rahman Fawzi (1909-1988) qui restera dans l’histoire du football comme celui qui marqua les deux premiers buts lors du Mondial 1934 face à la Hongrie (match perdu 4-2).

Il y a évidemment le milieu de terrain Ahmed Hassan qui a porté le maillot des Pharaons pendant dix-sept ans entre 1995 et 2012. Il a remporté quatre fois la CAN et, avec ses 184 matches en équipe nationale, il est le joueur le plus sélectionné du monde, loin devant le Portugais Cristiano Ronaldo (158).

L’Egypte doit aussi beaucoup à son inépuisable gardien Essam El-Hadary, vainqueur d’une quarantaine de trophées, dont quatre CAN. En 2017, à 44 ans, il est devenu le joueur le plus âgé à disputer une Coupe d’Afrique. Toujours en activité, il n’a pourtant pas été retenu, malgré son immense popularité, dans la liste des 23 par le sélectionneur mexicain Javier Aguirre.

Enfin, on peut citer l’élégant attaquant Mohamed Zidan, le fantasque buteur Mido – connu des supporteurs marseillais – et l’actuelle star de la sélection, Mohamed Salah. Le joueur de Liverpool, qui vient de remporter la prestigieuse Ligue des champions, est adulé dans cette ville du nord de l’Angletterre au point que les fans des Reds lui ont dédié une chanson : « Mo Sa-la-la-la-lah, Mo Sa-la-la-la-lah, if he’s good enough for you, he’s good enough for me, if he scores another few, then I’ll be muslim too », « Mo Sa-la-la-la-lah, Mo Sa-la-la-la-la-lah, s’il est assez bon pour vous, il est assez bon pour moi, s’il en marque quelques autres, alors je deviendrai musulman aussi. » A 27 ans, il n’a encore rien gagné avec les Pharaons, mais il compte bien remporter une huitième CAN à domicile.

Boycottage du Mondial 1966

Ainsi, l’Egypte et le foot africain sont étroitement liés depuis soixante-deux ans. Le pays a été, aux côtés du Soudan, de l’Ethiopie et de l’Afrique du Sud, membre fondateur de la CAF, dont le siège est au Caire depuis les premiers jours, en 1957. Son premier président, l’Egyptien Abdelaziz Abdellah Salem, faisait alors son entrée au sein du Comité exécutif de la Fédération internationale de football (FIFA). Au cours des dernières décennies, l’Egypte a toujours refusé que l’Afrique soit considérée comme un continent mineur sur l’échiquier planétaire du ballon rond.

Alors, lorsque la FIFA décida que, pour le Mondial 1966, une seule place – sur les seize disponibles – serait réservée à l’Asie, à l’Océanie et à l’Afrique alors que l’Europe en avait dix, quinze nations africaines, dont l’Egypte, décidèrent de boycotter le Mondial en se retirant dès les tours préliminaires. Face à cette situation insupportable, ces nations exigèrent de la FIFA une place qualificative à part entière pour l’Afrique pour la phase finale sans être opposées à l’Asie et à l’Océanie. Cette démarche avait été notamment soutenue par l’un des pères du panafricanisme, le président ghanéen Kwame Nkrumah. Suite à ce boycottage, la FIFA accéda à cette demande pour la Coupe du monde 1970. Pour le Mondial 2022, le continent africain aura cinq places et l’Europe treize.

Le foot égyptien a écrit aussi de mémorables moments. On retient de ses duels avec l’Algérie celui du 18 novembre 2009. Les Pharaons affrontèrent les Fennecs lors d’un ultime match, à haut risque, qui se déroula au Soudan, dans les environs de Khartoum. Le vainqueur serait qualifié pour la Coupe du Monde 2010. Quelques jours plus tôt au Caire, lors de la rencontre précédente, des supporters égyptiens agressèrent violemment des joueurs algériens, ce qui déclencha des manifestations à Alger et en France. Dans les tribunes du stade d’Omdurman, près de 10 000 Algériens, prêts à en découdre, criaient vengeance. Mais les Fennecs l’emportèrent 1-0, évitant de justesse une immense bataille rangée. Que se passera-t-il si les deux nations devaient s’affronter à la CAN 2019 ?

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